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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 115, novembre 2017 > DOSSIER : Catalogne

DOSSIER : Catalogne

Quelle aspiration à l’indépendance ?

Mis en ligne le 7 novembre 2017 Convergences Monde

Nul doute qu’une partie importante de la population catalane souhaite aujourd’hui l’indépendance de cette région. Les deux millions d’électeurs de « oui » du 1er octobre sont là. Comme les massives démonstrations de force du camp nationaliste, qui se sont tenus tous les 11 septembre (jour de la fête nationale catalane) depuis 2012, rassemblant des centaines de milliers de personnes.

Pourtant, la perspective de l’indépendance est loin de faire l’unanimité dans la population de Catalogne. La plupart des sondages, ces derniers mois, ont fait ressortir qu’il n’y avait qu’une minorité d’indépendantistes (41 % en faveur de l’indépendance, contre 49 % qui y étaient opposés, disait un sondage en juin dernier). Le référendum du 1er octobre – comme la consultation du 9 novembre 2014, ou les résultats des élections au Parlement catalan de 2015, celles des législatives de 2015 et 2016 – dresse toujours le même paysage, celui d’une Catalogne très partagée, où les indépendantistes ne sont probablement pas majoritaires. Il est vrai que les événements récents peuvent avoir modifié la donne (dans un sens ou dans l’autre...).

L’indépendantisme est bien plus ancré dans les petites villes que dans l’agglomération de Barcelone. Dans les quartiers les plus populaires de la capitale et dans sa banlieue, une bonne partie de la population est constituée de familles qui viennent d’autres régions d’Espagne (et, plus récemment, d’autres pays, et les résidents étrangers n’ont été invités à se prononcer qu’à une seule occasion, la consultation de novembre 2014). C’est dans ces quartiers que les indépendantistes font leurs plus mauvais scores électoraux et que la participation a été la plus faible au référendum de cette année. Par exemple, à Santa Coloma de Gramemet, ville populaire de 117 000 habitants de la banlieue de Barcelone, les formations indépendantistes ont obtenu moins de 20 % des suffrages exprimés aux élections pour le Parlement catalan en 2015 (contre 48 % à l’échelle de la Catalogne). Même en additionnant (et c’est très discutable) les voix de la coalition de gauche Catalunya Sí que es Pot, favorable au droit à l’autodétermination mais pas indépendantiste, et à laquelle participait Podemos (14,7 % à Santa Coloma de Gramemet), cela ferait moins de 35 %.

En revanche, à Salt (en banlieue de Gérone, une ville populaire de 30 000 habitants), à cette même élection, les indépendantistes avaient recueilli plus de 56 % des exprimés. Précisons que, dans les campagnes, le vote indépendantiste dépasse fréquemment 70 %.

Un sondage de juin 2017 du CEO (organisme de la Généralité de la Catalogne), assez détaillé, met en évidence que le sentiment indépendantiste est surtout fort chez ceux dont les quatre grands-parents sont nés en Catalogne (plus de 70 % de partisans de l’indépendance) ou dans la population qui utilise le catalan comme langue habituelle (plus de 70 % aussi). Le sentiment indépendantiste touche toutes les couches de la population mais de façon inégale. Il est plus présent chez ceux qui ont fait des longues études, ou avec des revenus dépassant 1 800 euros par mois. Il est vrai que, dans les banlieues populaires, des jeunes, nés en Catalogne, peuvent être sensibles aux perspectives indépendantistes quand leurs parents ou grands-parents, venus d’ailleurs, y sont bien plus réticents. Il est notable que le mouvement indépendantiste tente de s’adresser à ce milieu, par exemple à travers l’association indépendantiste Súmate (qu’on pourrait traduire par « Rejoins-nous »), qui s’adresse explicitement à la communauté castillanophone, même si c’est avec des succès limités.

La montée de l’indépendantisme, amorcée quelques années auparavant, a été spectaculaire après 2012, lorsque l’idée, auparavant défendue par des partis et groupements assez marginaux, a été avancée y compris par le pouvoir régional et quasiment tout le spectre du nationalisme catalan.

Dans les arguments des partisans de l’indépendance, il y a de tout.

Certains avancent l’argument économique : les Catalans paieraient plus d’impôts qu’il ne leur en revient. Dans sa version la plus grossière, de vieux préjugés ressortent : celui des Catalans travailleurs, ayant le sens de l’entreprise, opposés aux habitants d’une Espagne du Sud fainéante. Et de se comparer avec des États européens comme la Suisse, ou l’Autriche, à taille équivalente.

Il y a ceux qui expliquent qu’il faut un pouvoir proche de la population, qu’on pourra mieux contrôler, en mettant en avant des arguments démocratiques, notamment en pointant du doigt les aspects anti-démocratiques du régime de Madrid comme la présence d’un roi, ou les origines de la droite espagnole (l’ancêtre du PP a été fondé par des anciens ministres de Franco), ou en pointant que des dispositions progressistes votées par le Parlement catalan ont été retoquées ensuite par les pouvoirs centraux. Le pouvoir de Madrid est perçu comme étranger, d’autant plus avec le gouvernement du PP aujourd’hui, parti marginal de la vie politique en Catalogne (autour de 10 % dans les élections). Et un pouvoir à Barcelone pourrait plus facilement être contrôlé, serait plus proche du peuple… Pour certains, l’indépendance serait un moyen de se débarrasser des politiciens de Madrid, car il serait plus simple ensuite de régler leur compte à ceux de Barcelone.

Ce qui est sûr, c’est que, sur la base d’un sentiment national qui remonte loin dans le temps, aidé par une propagande indépendantiste efficace, par une situation sociale marquée par la crise, le chômage, l’austérité, l’indépendantisme s’est renforcé. Au noyau dur de 10 à 20 % d’indépendantistes qu’il y a en Catalogne depuis des décennies s’est agglomérée toute une fraction de la population, de toutes les classes sociales.

Plus les années passent, moins les indépendantistes ont besoin de donner des arguments pour l’indépendance. Leur discours se résume de plus en plus à ce que, devant le refus d’avoir le droit de décider, l’unique voie de sortie reste l’indépendance. C’est bien pratique pour les partis indépendantistes, qui n’ont pas à expliquer ce qu’apporterait une Catalogne indépendante…

Michel CHARVET

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