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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 20, mars-avril 2002 > Cinq ans de gauche plurielle

Cinq ans de gauche plurielle

Quel bilan social ?

Mis en ligne le 1er avril 2002 Convergences Politique

Les porte-parole du gouvernement mettent en avant son succès dans le domaine de l’emploi. Le chômage a eu beau repartir à la hausse depuis les premiers mois de 2001 et s’accélérer dans les derniers, il reste, si on en croit les chantres de Jospin, « un acquis positif ». Ils avancent que la gauche au gouvernement a fait reculer de près d’un million le nombre des chômeurs et créé 1,7 millions d’emplois au cours de la législature.

Ces chiffres figurent certes aux tableaux des instituts de statistiques. Mais cette évolution de l’emploi n’est que le reflet de l’évolution de la croissance sur laquelle le gouvernement n’a aucune prise. Et ne veut pas en avoir puisqu’il s’est refusé et qu’il se refuse toujours à imposer de véritables contraintes au patronat. D’ailleurs les chiffres ont grimpé pendant la période où l’économie – pas le gouvernement – créait des emplois, de 1997 jusqu’à 2000 ; et ils sont redescendus quand elle s’est remise à en supprimer, depuis le début 2001.

Recul du chômage

La gauche au gouvernement a bien sûr mis en place de nouvelles lois, comme les 35 heures, pris des mesures budgétaires, comme les emplois-jeunes, et avalisé des règles nouvelles, comme le PARE imposant aux chômeurs de nouvelles contraintes pour leur faire accepter n’importe quel travail à n’importe quel prix. Mais si ces mesures ont eu des conséquences certaines sur les conditions de vie de bon nombre de salariés, leurs effets réels sur l’emploi sont, eux, tout à fait incertains.

Pour les 35 heures il n’a ainsi jamais été vraiment possible d’en évaluer les effets sur l’emploi. Le gouvernement a prétendu que l’application de la loi avait permis la création de plusieurs centaines de milliers de postes. Mais personne n’a jamais pu savoir quelle était dans ces chiffres la part des embauches en compensation de la réduction du temps de travail, et celle de « l’effet d’aubaine », permettant aux patrons de rafler les cadeaux en matière de charges sociales, pour des embauches qu’ils auraient de toutes façons été amenés à réaliser.

Ce qui est par contre parfaitement palpable (surtout pour ceux qui les touchent), ce sont les milliards sous forme de baisses de charges sociales récupérées par le patronat au titre de la prétendue réduction du temps de travail. Et c’est aussi que cette loi concoctée et votée par la gauche, a ouvert la porte à une généralisation de la flexibilité et dans bien des cas détérioré les conditions de travail des salariés, en même temps que donné lieu à des réductions de salaires ou de primes. Autre certitude, l’application des 35 heures a provoqué de très nombreux mouvements de grève et protestations – jusqu’à aujourd’hui – révélateurs de l’appréciation des salariés concernés sur les prétendus bienfaits de la loi.

Quant aux emplois-jeunes, la gauche qui en avait promis 700 000 n’en a réalisés sur la législature qu’un peu moins de la moitié, créés par les seuls secteurs public et associatif. Ces emplois ont certes été considérés comme un dépannage bienvenu par une partie des jeunes concernés, en fin de scolarité ou déjà au chômage, ou encore salariés depuis peu et saisissant l’occasion de changer de patron. Mais ces emplois, sous forme de contrats de cinq ans, financés à 80 % par l’Etat, ont inauguré une nouvelle forme de précarité et de salaire au rabais. Embauchés dans l’enseignement, dans la police, dans les transports en commun, dans les municipalités, etc., les jeunes en question se sont souvent retrouvés à boucher des trous dans des administrations qui ont ainsi pourvu les postes manquants en les payant en dessous du tarif.

Augmentation de la précarité et de l’insécurité au travail

Rien n’a été fait par ailleurs par le gouvernement de gauche contre la précarité en général. Sauf à considérer que la disposition de la dernière loi dite « de modernisation sociale », passant de 6 % à 10 % la prime de précarité des CDD pour l’aligner sur celle des intérimaires, puisse constituer une réelle pression sur les patrons.

La progression de la précarité a au contraire accompagné la création des nouveaux emplois, avec pour corollaire l’insécurité au travail. Entre 1999 et 2000 le nombre d’accidents du travail a ainsi progressé de 4,6 % selon les chiffres du ministère de l’emploi qui précise que le secteur de l’intérim est particulièrement touché et que la précarité et la flexibilité des horaires en sont les principales causes.

Quant aux licenciements collectifs pour motif dit économique, ils se sont mis à grimper à nouveau brutalement avec la rafale des plans sociaux au printemps dernier. En un an, de novembre 2000 à novembre 2001, leur nombre a progressé de 39,8 % pendant que le chômage lui progressait de 12,7 %. Pour faire croire qu’il se préoccupait des licenciements économiques, le gouvernement a proposé un dispositif, toujours dans le cadre de cette loi de « modernisation sociale », suscitant une longue discussion parlementaire. Le texte n’est finalement qu’une collection de dispositions légales déjà existantes et de vagues recommandations. Et de plus la définition du licenciement économique – fruit de concessions de Jospin au PCF mais qui ne pouvait tout au plus que permettre de retarder de quelques jours la mise en application des licenciements – a été retoquée par le Conseil Constitutionnel.

Non, la gauche n’a vraiment rien fait pour porter atteinte à la libre entreprise, c’est-à-dire au droit que les patrons s’arrogent de jeter les travailleurs à la rue quand c’est bon pour leurs profits.

Maintien de la pauvreté

Reste que si la gauche veut se parer de la gloire de la période de croissance de la législature, elle ne doit pas non plus oublier cette statistique publiée fin de janvier dernier par l’Observatoire de la pauvreté, indiquant qu’après 4 années d’expansion, malgré les créations d’emplois, le nombre des pauvres n’avait pas reculé en France. Ils sont dans ce pays de 4,5 à 6 millions (revenu inférieur à un seuil variant entre 3000 F et 4400 F selon la situation familiale), une masse constituée non seulement de chômeurs et de retraités vivant misérablement, mais aussi de salariés précaires ou à temps partiel dont les activités sont rémunérées en dessous du SMIC.

Louis GUILBERT

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