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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 34, juillet-août 2004 > DOSSIER : Accidents du travail et maladies professionnelles : faux frais de (...)

Protection des travailleurs : des lois mais des morts...

Il ne manque pas de lois et réglementations destinées à protéger les travailleurs de l’accident et de la maladie professionnels. Les quelque 550 articles du Code du travail, auxquels il faut ajouter des réglementations figurant dans d’autres codes (concernant les bâtiments, matériaux, l’hygiène, etc) et des mesures de prévention des caisses régionales d’assurance maladie, représentent une somme que l’association patronale de la métallurgie (UIMM) a regroupée dans un ouvrage de 2000 pages, le « Pluyette ». C’est moins la bible des patrons que celle de leurs cabinets juridiques, qui mènent des guérillas pour ne pas céder un centime supplémentaire aux travailleurs qui se défendent.

Un arsenal préventif... sur lequel le patronat s’assoit

Certains soulignent que cette réglementation relève davantage de l’ingénieur que du juriste. Néanmoins, l’article L.230-2.I du Code du travail fixe que « le chef d’entreprise prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs de l’établissement ». Un autre article L.230-3. stipule certes qu’ « il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé... ». Mais un troisième précise explicitement que cette dernière disposition n’affecte pas le principe de responsabilité de l’employeur ou chef d’établissement. L’obligation de respecter et faire respecter les prescriptions d’hygiène et de sécurité pèse directement sur lui. La jurisprudence lui impose même, en matière de sécurité, une « obligation de résultat ». Il est « obligé d’assurer la sécurité et la santé des travailleurs dans tous les aspects liés au travail ». Dans bien des cas, la justice rejette l’argument selon lequel l’employeur n’aurait pas eu conscience du danger qu’il faisait courir à des salariés, en insistant au contraire sur le fait qu’ « il aurait dû en avoir normalement conscience ». La loi donne même au salarié un droit d’alerte et de retrait, s’il a un motif raisonnable de penser que sa situation présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, ou en cas de défectuosité des systèmes de protection (et précise qu’il ne peut alors subir ni sanction ni retenue sur salaire).

Qui dit mieux ?

A ceci près que le quart du dixième de cette riche et complexe réglementation préventive est respecté. Protester parce que le travail est pénible ? L’arrêter, même de plein droit, parce qu’il est franchement dangereux ? Les travailleurs, individuellement ou collectivement, ne manquent pas de moyens légaux d’intervention. Mais gare aux retours de bâton, aux mesures de rétorsion voire au licenciement sous un prétexte... Malgré l’arsenal juridique et technique, que de nombreux organismes et institutions sont censés faire respecter (Comités d’hygiène et sécurité, Médecine du travail, Inspection du travail, Sécurité sociale), le rapport de force fait que le patronat garde le dernier mot, sauf rares exceptions. La preuve en est que les accidents et maladies professionnels continuent de faire des ravages. Et même au pénal où des patrons peuvent être jugés (car ils attentent à des vies humaines), leurs fautes inexcusables ne les mènent pas en prison. A leur égard, le glaive de la justice - en caoutchouc - offre toute garantie de sécurité.

A défaut de «  prévention  » digne de ce nom, la «  réparation  »

A défaut d’exercer un pouvoir de rétorsion sur le patronat, pour imposer des conditions de travail sans risques, les responsables de la société bourgeoise ont, depuis la loi d’avril 1898, instauré un régime qu’il est convenu d’appeler de réparation forfaitaire (dont les règles sont davantage dans le code de la Sécurité sociale que dans le code du Travail). C’est le fruit d’un marchandage bien discutable au vu des intérêts fondamentaux des travailleurs. En fait, pour ne pas embarrasser les tribunaux à statuer sur les « fautes » des patrons, il est fait à ces derniers un prix. D’un côté, on reconnaît aux chefs d’entreprise d’être responsables de droit - rançon de leur statut ! En contrepartie, ils n’ont que très rarement à payer l’intégralité des dégâts qu’ils créent. Ils sont mis à contribution pour une somme forfaitaire que la Sécu leur calcule en fonction de critères.

Certes, le système oblige les patrons à payer. Mais bien moins qu’ils ne devraient le faire s’ils avaient à réparer les conséquences de leur politique criminelle. Ce n’est qu’en cas de « faute inexcusable » reconnue par un tribunal que la « réparation » intégrale existe.

En fait, la société s’incline devant le pouvoir patronal, y compris de blesser et tuer en toute impunité... sauf à lui présenter une facture, avec prix d’ami ! Les patrons doivent verser à la branche AT-MP (Accidents du Travail - Maladies Professionnelles) de la Sécu, qu’ils sont les seuls à alimenter car les seuls responsables, une cotisation modulée selon un bonus-malus.

Les « décideurs » de cette société, un peu honteux quelque part de ce « deal » sur la peau humaine, ont théorisé les avantages du système. Ladite réparation (financière) imposée au patronat au prorata de ses propres dégâts, aurait des vertus préventives ! Certes. Mais on aboutit à la mise en balance cynique du coût de la prévention et du coût de la réparation. Si le premier s’avère globalement plus élevé que le second, va pour les risques et les dégâts !

Le solde de cette politique, c’est le nombre de morts, blessés et malades au travail aujourd’hui. Et derrière ces chiffres, c’est l’odieux parcours imposé à des dizaines de milliers de travailleurs rendus invalides - ou hélas souvent à leurs « ayant-droits » - pour obtenir de quoi non pas vivre, mais survivre.

Michelle VERDIER

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