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Accueil > Éditos de bulletins > 2018 > juin > 11

Poker menteur… pour les travailleurs

À ma droite, Total, géant mondial du pétrole, 8,6 milliards de profits l’an dernier, ses dizaines de raffineries et ses dépôts de carburant. À ma gauche, quelques milliers de producteurs de colza. Total veut remplacer dans ses agrocarburants l’huile de colza par de l’huile de palme de Malaisie et d’Indonésie. Des petits poucets contre Goliath ? Rien n’est moins sûr…

Derrière le syndicat des agriculteurs FNSEA, qui organise les blocages en cours depuis dimanche soir, on trouve le groupe Avril. Le précédent président de la FNSEA, Xavier Beulin, cumulait cette casquette et celle de PDG d’Avril. Sous sa direction, cette coopérative est devenue une vraie multinationale : des profits par dizaines de millions, un chiffre d’affaires en milliards et 7 200 salariés dans 22 pays. Total qui passe à l’huile de palme, c’est, selon la FNSEA, amputer le marché du colza de 25 %. Avril joue donc gros dans cette histoire.

La filière colza en France

À l’origine, Avril s’appelle Sofiprotéol. Il organise une filière de production de protéines végétales pour le bétail, à base de colza, pour contrer le soja américain. Dans les années 1980, Sofiprotéol fabrique de l’agrodiesel (et non du biodiesel : il pollue comme les autres). L’entreprise transforme le colza, produit des huiles alimentaires ou cosmétiques, comme la glycérine, et domine de plus en plus les agriculteurs qui la fournissent. Ses commerciaux vendent les semences, mais aussi suggèrent quelle machine acheter, quel engrais utiliser, quels travaux faire pour « moderniser » la ferme. Une fois endettés, les agriculteurs n’ont plus le choix. Il leur faut produire le plus possible et vendre leurs récoltes à Sofiprotéol. Autrement dit, la structure qui devait les protéger de la domination des industriels américains du soja les a réduits, sinon en esclaves, du moins en salariés surexploités.

La politique de la FNSEA

Que les producteurs de colza se défendent contre la multinationale Total est bien normal. Et qu’ils n’hésitent pas à bloquer les raffineries, au risque de provoquer une panne sèche générale, ne devrait pas susciter notre opposition, mais au contraire notre envie d’en découdre contre Macron et nos propres patrons. Et puis, pour une fois, agriculteurs et écologistes sont d’accord, car l’huile de palme est à l’origine de désastres écologiques importants en Asie du Sud-Est.

Mais le colza est-il plus vertueux ? Les agriculteurs ne sont-ils pas contraints, rendement et donc rentabilité oblige, d’arroser les champs de pesticides ? Et si les agriculteurs l’emportent face à Total, qui garantit qu’Avril leur paiera un prix correct ? La FNSEA a sa réponse : alléger… le coût du travail saisonnier ! Autrement dit, intensifier l’exploitation des plus précaires des travailleurs des champs. Elle cite en exemple l’Italie, où le travail coûte 37 % de moins… parce qu’il est fait dans des conditions parfois proches de l’esclavage, où l’on va jusqu’à assassiner un syndicaliste, Soumaïla Sacko, tué par balles le 2 juin dernier en Calabre.

Mais du moment qu’Avril préserve ses marges…

Le protectionnisme ne protège que les patrons

La FNSEA et Avril réclament aussi une barrière douanière contre l’huile de palme. Au moment où Macron, ce week-end encore au G7, pose au défenseur du libre-échange, ça ne manquerait pas de sel.

Du reste, la Malaisie et l’Indonésie, premiers pays producteurs d’huile de palme, ne se fient pas à ce sketch. Elles ont activé leurs meilleurs avocats français : les industriels de l’armement menacés de boycott de leur camelote en représailles. Lesquels en feraient payer aussitôt le prix à leurs salariés.

Libre-échange ou protectionnisme, il n’y a pour nous travailleurs que des impasses dans le capitalisme. L’avenir est à une autre société, qui produirait ce dont l’humanité a besoin, en répartissant le travail entre toutes et tous à cette échelle-là aussi. En misant sur la coopération internationale et pas sur la concurrence, qu’elle soit mondiale ou nationale.

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