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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 19, janvier-février 2002 > DOSSIER : Insécurité : des voyous, des flics et des démagogues...

DOSSIER : Insécurité : des voyous, des flics et des démagogues...

Peurs électorales

Mis en ligne le 1er février 2002 Convergences Politique

« Je peux vous dire que si l’on perd les élections ce sera à cause de la sécurité » déclarait le 2 septembre Henri Weber, sénateur PS. Du coup, pour juguler un véritable sentiment d’insécurité s’emparant de ses troupes à l’approche des échéances électorales, le PS est parti en campagne… sécuritaire. Deux mois plus tard, Noël Mamère qui les connaît bien, pouvait affirmer : « les socialistes sont à la droite de la droite concernant la sécurité ».

Deux mois durant lesquels le gouvernement n’a pas chômé.

Premier front : « la lutte contre le terrorisme » avec, dès le 12 septembre, la réactivation du plan Vigipirate « renforcé ». Premier bilan fin octobre : le nombre de sans-papiers arrêtés et placés en centres de rétention dans les grandes villes avait augmenté de 30 % (enquête de la Cimade, d’après Charlie-Hebdo du 24-10-2001). Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, le gouvernement fait adopter par les députés de gauche le 31 octobre une loi sur « la sécurité quotidienne ». Entrée en vigueur le 15 novembre jusqu’à la fin de l’année 2003, cette loi autorise entre autres mesures « anti-terroristes » la fouille par la police de n’importe quel coffre de voiture. En 1995, une disposition de la loi Pasqua avait déjà voulu permettre ces fouilles et avait été rejetée par le Conseil Constitutionnel, car contraire à l’article 66 de la Constitution. A l’époque, c’est l’ensemble des députés socialistes qui avait saisi le Conseil Constitutionnel… Une toute autre époque, où les socialistes ne rechignaient pas à manifester pour les droits des sans-papiers. Aujourd’hui le ministre de l’Intérieur, Vaillant, envoie des circulaires aux préfets pour les encourager à multiplier les contrôles « dans les endroits où se concentrent les irréguliers ».

Si l’équation « terroristes = étrangers » pouvait donner de bons résultats, pourquoi ne pas essayer celle-là : « jeunes = délinquants » ? La droite le dit, alors le gouvernement le prouve… toujours avec la même loi du 15 novembre qui interdit les rassemblements dans les halls d’immeuble. Le Parti communiste n’est pas en reste, lui qui, par la voix de Maxime Gremetz, le 23 octobre à l’Assemblée, demandait sérieusement comment le gouvernement « allait garantir la sécurité de nos concitoyens ». Gremetz sait de quoi il parle, il a été condamné pour avoir foncé sur des gendarmes avec sa voiture…

Haro sur la présomption d’innocence

A la faveur, si l’on peut dire, de l’assassinat de deux policiers au Plessis-Trévise, par un truand multirécidiviste, venant d’être remis en liberté, la droite a pilonné sur le laxisme de la justice. Des crimes liés au grand banditisme ont servi à dévier sur la petite délinquance, à laquelle la population est beaucoup plus sensible : si des juges relâchaient des tueurs de flics, il fallait en déduire le pire sur les petits délinquants. Toutes les attaques de la droite (et du frère ennemi Chevènement) se sont alors focalisées sur la loi Guigou sur la présomption d’innocence.

Cette loi, votée en juin 2000, permet de protéger un peu mieux les prévenus tant que la preuve de leur culpabilité n’est pas faite. Concoctée à une période où beaucoup de politiciens connaissaient les affres de la garde à vue, elle fut présentée par la gauche comme une avancée fantastique (alors qu’elle ne faisait qu’aligner la France sur la plupart des jurisprudences de l’Union Européenne)… et jugée trop timorée par la droite ! Lors du vote à l’Assemblée, le député UDF Pierre Albertini annonçait que son groupe s’abstiendrait car « cette réforme reste en deçà de ce que nous espérions en matière de garantie des droits de la personne ». Patrick Devedjian expliquait la même attitude du RPR par ces mots : « c’est un projet conservateur et c’est la droite qui vous le dit ». Aujourd’hui la droite présente la loi Guigou comme laxiste et pousse-au-crime, et du coup, la gauche bat en retraite. Jospin a diligenté Julien Dray de la Gauche socialiste pour proposer des aménagements et remettre en cause les droits accordés aux prévenus dès la première heure de garde à vue de façon « à faciliter la tâche des policiers et des gendarmes ».

A qui profite le crime ?

Décidément le gouvernement ne lésine pas pour offrir le maximum de réconfort aux serviteurs de l’ordre. Lors de leurs manifestations, profitant du climat sécuritaire, policiers et gendarmes se sont posés en victimes. Le gouvernement a lâché promptement des milliards pour les salaires et des effectifs supplémentaires. Il n’est pas dit pour autant que beaucoup de flics voteront à gauche. Mais pour la police, l’argent ne doit pas manquer, quitte à le prendre sur d’autres budgets (ANPE, CNRS, Education Nationale, lutte contre les marées noires…). Voulant prouver qu’il n’y a pas besoin de la droite pour voir plus de képis, la gauche conforte l’idée que l’augmentation des effectifs policiers résout tous les problèmes. Pour peaufiner son image de meilleur ami de la police, Vaillant a annoncé le 4 décembre qu’« une journée de la police nationale sera organisée l’an prochain pour exprimer la reconnaissance de la société ».

Vaillant a raison d’anticiper pour l’an prochain… Qui peut prévoir s’il sera encore là ? Mais la peur de perdre les élections n’évite pas le danger de les perdre. La carte sécuritaire est à double tranchant. La droite a sans doute l’avantage de l’ancienneté sur ce thème. Et surtout, à trop marcher sur les plates-bandes de celle-ci, pour éviter qu’elle ne soit la seule à profiter du sentiment d’insécurité, réel ou supposé d’une partie des milieux populaires, la gauche amplifie ce sentiment. Résultat : cela redonne du crédit aux courants politiques les plus réactionnaires, notamment à Le Pen. Peut-être a-t-il du mal à obtenir ses 500 signatures, mais il est crédité actuellement dans les sondages de 10 % des votes.

Marie DARWEN

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