Aller au contenu de la page

Attention : Votre navigateur web est trop ancien pour afficher correctement ce site internet.

Nous vous recommandons une mise à niveau ou d'utiliser un autre navigateur.

Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 146, juillet-août 2022 > La casse de l’hôpital

La casse de l’hôpital

« Pénurie de personnel » ? Le diagnostic des hospitaliers

Mis en ligne le 5 juillet 2022 Convergences

Un mal frappe l’hôpital public, les « pénuries de personnel ». Politiciens et directions hospitalières auxquels la presse bourgeoise donne la parole assurent faire tout leur possible. Le ressenti sur le terrain est différent. D’autant que les mini-revalorisations salariales des fonctionnaires entrant en vigueur le 1er juillet ne financeront très certainement qu’à peine la moitié d’un plein d’essence pour les salariés gagnant 1500 euros.

Un problème de rémunération qui remonte à quelques années

Lors des mobilisations des dernières années, comme celles des urgences en 2019 qui s’étendaient peu à peu à l’ensemble des hospitaliers, les revendications portaient sur l’augmentation des salaires, outre les réouvertures de lits, de structures et l’embauche de personnel. Le gouvernement avait alors fait le choix de décréter des primes par profession, service ou territoire. Une tentative d’étouffer la contestation de sa politique dans laquelle l’ensemble des travailleurs de la santé se reconnaissaient. Après la première vague de l’épidémie, les mobilisations ont repris en se généralisant à différents services. Le gouvernement a alors annoncé de « grandes discussions » : le « Ségur ». Verdict au niveau des salaires : 183 euros sous forme de « complément de traitement indiciaire » pour les salariés des hôpitaux et les travailleuses des Ehpad.

Depuis le gouvernement se targue d’avoir augmenté les salaires comme jamais et d’avoir revalorisé les « grilles indiciaires », qui définissent le salaire pour les fonctionnaires. Les travailleurs de la santé quant à eux sont dégoûtés car la réalité est autre.

La compresse de Ségur

Les 183 euros net et la réalité des revalorisations de grilles indiciaires hospitalières témoignent d’un mépris bien ancré. Les travailleurs du médico-social se sont mobilisés pendant plus d’un an pour arracher les « 183 euros ». Les nouvelles grilles indiciaires sont très loin de bénéficier à l’ensemble des professions de l’hôpital. L’ensemble des travailleurs en catégorie C en ont été exclus. Leur salaire est équivalent au smic, et cette dernière année le smic a dépassé le salaire de la grille, à plusieurs reprises. La situation des aides-soignants et des auxiliaires puéricultrices, deuxième profession majoritaire à l’hôpital, est aussi révélatrice du mépris politique et d’une volonté ferme de ne pas payer le travail. Leur a été vendu un passage de la catégorie C à la catégorie B… En octobre 2021, au moment de l’application de ces nouvelles grilles, le constat était un gain de salaire effectif par mois de 30 à 100 euros pour les quelques plus « chanceux ». Un changement de lettre, mais le montant en bas de la fiche de paye, pour la majorité c’est encore walou ! Rien du tout. La preuve, au mois de mai 2022, sept mois plus tard, le gouvernement a ressorti son tipex pour corriger les deux premiers échelons de cette nouvelle grille, car ils étaient à nouveau en dessous du salaire minimum ! Serait-ce le salaire minimum qui augmente trop vite ?

Ce n’est pas fini ! Au niveau des salaires, reste la fameuse question de la revalorisation de la valeur du point d’indice. Lors de sa dernière revalorisation en 2016 et 2017, à la suite d’un gel de six ans, la valeur du point était passée de 4,65 à 4,68 euros, par deux augmentations successives de 0,6 % chacune. Fin 2021, après encore cinq ans de gel, Amélie de Montchalin, alors ministre de la Fonction publique, martelait que l’augmentation du point d’indice n’était pas une solution… En avril 2022, un mois avant les élections présidentielles, une annonce était faite par l’équipe de campagne de Macron de revaloriser le point d’indice avant l’été. L’annonce vient d’être faite : il sera revalorisé de 3,5 % à partir du 1er juillet, c’est-à-dire qu’il passe de 3,68 à 3,85 euros ! De quoi partir en vacances ? Avec une inflation de 5,2 % rien que depuis janvier ? Les départs ont bien lieu mais pour chercher un travail ailleurs.

Des départs en masse et personne à embaucher ?

À ce tarif et dans des conditions de travail insupportables, beaucoup cherchent autre chose. Fin 2021, sur neuf mois, ce ne sont pas moins de 12 000 infirmiers et aides-soignants qui ont quitté leur travail. Ce que la presse bourgeoise dit moins, c’est que dans la santé comme ailleurs, il y a aussi de nombreuses personnes en CDD qui ne demandent qu’à être embauchées de manière pérenne.

Au Centre hospitalier de Saint-Denis, par exemple, les aides-soignants, auxiliaires de puériculture, agents de service hospitaliers et bien d’autres, doivent cumuler deux ans de multiples CDD avant d’espérer un CDI, au mieux une « mise en stage » pour titularisation effective au bout d’une année supplémentaire. Et pourtant les « difficultés de recrutement » notamment au niveau aide-soignant se font également sentir à différents endroits. Il y a à peine six mois, les infirmières de Saint-Denis passaient également par six mois de CDD cumulés avant une éventuelle « mise en stage ». Aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg, les « difficultés à embaucher sont moindres », il faut enchaîner au minimum trois CDD avant la « stagiairisation », et il suffit de changer de service, de tenter de négocier trop fermement un planning ou de s’engueuler avec un chef pour rester contractuel durant des années. Ce « mode de recrutement » se retrouve dans pratiquement tous les hôpitaux. Qui oserait dire que c’est « attractif » ? Quoique la « mise en stage » directe a dernièrement été proposée pour certaines professions dans certains endroits. L’hôpital de Poitiers a récemment osé réaliser des affiches de campagne de recrutement où l’on voit une « gentille infirmière » s’extasier d’avoir une proposition de recrutement en CDI ! Même pas une titularisation ! Doit-on rappeler que le salaire annuel est alors amputé de la « prime de service » qui représente 7,5 % du traitement brut annuel (sans le « complément de traitement indiciaire » donc).

Des luttes ont lieu, trop éparpillées c’est certain, mais à divers endroits, par service, par profession, des voix s’élèvent pour dénoncer et revendiquer. Dernier exemple en date dans la région parisienne, aux urgences de Tenon en grève au mois de juin. Rejoignons ces luttes et défendons ensemble des embauches pérennes et des augmentations de salaire égales pour toutes et tous, ainsi que l’accès à la formation financée avec salaire.


La formation

De nombreux agents de l’hôpital demandent à bénéficier de formation professionnelle : des agents de service hospitalier qui veulent entrer en école d’aides-soignants, des aides-soignantes qui veulent entrer en école d’infirmière… Les places de formation financée, appelées « promotions professionnelles » sont extrêmement limitées faute de suffisamment d’argent alloué pour… Par exemple, en 2021, à l’AP-HP, ce sont 120 personnes ayant réussi le concours pour entrer en Institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) qui ont été recalées par manque de financement. Et ceci se reproduit sur tous les hôpitaux du territoire : « manque de financement » et parfois « nécessité de service » qui empêche de quitter son poste !

Alors que le Collectif inter-hôpitaux recense, ne serait-ce qu’au niveau infirmier, un besoin de recruter 100 000 personnes pour combler la pénurie actuelle, seuls 30 000 jeunes sont entrés en première année d’Ifsi en 2022, sur près de 680 000 candidatures.

Lire aussi :

Mots-clés :

Imprimer Imprimer cet article

Abonnez-vous à Convergences révolutionnaires !

Numéro 146, juillet-août 2022

Mots-clés