Déconfinons-nous ! Par la lecture
Avis d’expulsion, enquête sur l’exploitation de la pauvreté urbaine
Matthew Desmond
Lux éditeur, septembre 2019, 23 euros.
Jeune sociologue, Matthew Desmond a décidé de renouveler l’approche que les sciences sociales ont de la pauvreté aux États-Unis : le courant « progressiste » met la lumière sur l’héritage historique des discriminations, le courant « conservateur » sur les soi-disant déficiences individuelles des pauvres, comme le faible niveau d’éducation, mais chaque approche se centre sur les pauvres comme s’ils étaient coupés de la société. Suite à la crise de 2008 et aux expulsions locatives massives qui s’en sont suivi, il a décidé d’écrire un livre sur les relations entre riches et pauvres, et sur la manière dont les riches ont saisi l’occasion d’exploiter davantage la pauvreté urbaine.
Pendant près de deux ans, l’auteur a suivi huit familles dans la ville de Milwaukee, au Nord de Chicago. Il a aussi suivi des propriétaires qui ont profité de la crise immobilière pour racheter quantité de logements pour une bouchée de pain, et les louent ensuite, insalubres, à des familles à leur merci qu’ils pouvaient expulser à tout moment. Du parc de mobil homes au ghetto noir et hispanique du centre ville, l’accumulation de logements hors de prix, grevant le budget de ceux qui n’ont déjà rien, mais refusés au titre de logement social parce que... leurs occupants avaient déjà été expulsés.
Le récit de ce quotidien révèle d’autres aspects de cette situation indigne : une femme avec enfants a toutes les peines du monde à trouver un logement, parce que des propriétaires refusent les enfants, parce qu’appeler la police face à des violences conjugales expose les femmes à une nouvelle expulsion, parce que la police demande alors aux propriétaires de mettre fin aux troubles à l’ordre public et qu’il est plus simple pour tout le monde d’expulser la victime des violences...
Le livre décrit cet engrenage qui, du surendettement, de la pauvreté et de la vulnérabilité des uns, peut faire la richesse des autres. Tout peut s’avérer très rentable dans cette société...
Lydie Grimal
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