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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 117, janvier-février 2018 > Rupture conventionnelle collective à PSA

Rupture conventionnelle collective

PSA pilote de formule 1 du débauchage collectif !

8 février 2018 Convergences Entreprises

Vendredi 19 janvier, au comité central d’entreprise du groupe PSA, les organisations FO, CFE-CGC, CFDT, CFTC et GSEA, qui prétendent représenter 78 % des salariés, ont signé un projet de ruptures conventionnelles collectives (RCC). Seule la CGT s’y est opposée. À noter que les élus CFDT ont voté contre, c’est la déléguée centrale qui a signé l’accord par-dessus leur tête.

Au menu donc : 2 200 postes supprimés dans le groupe, 1 300 en rupture conventionnelle collective et 900 en congé-sénior (payé à 70 % du salaire brut). À quoi il faudra ajouter, sur une durée pour le moment indéterminée, pas moins de 6 000 mutations internes par an, mutations définitives ou « prêts » de salariés à d’autres sites du groupe (parfois à l’autre bout de la France) sans garantie de retour, une bonne méthode aussi pour dégager du monde. À quoi il faudra ajouter 1 000 « parcours de reconversions internes » : rien de moins qu’une obligation à changer de métier sur le même site, sous menace de se faire éjecter ailleurs.

PSA, laboratoire de la loi Macron

Côté direction, la mise en place de la RCC, accompagnant cette nouvelle saignée, n’a pas fait sensation. « C’est une tempête dans un verre d’eau, affirme Xavier Chéreau, DRH du groupe PSA. Nous sommes dans la continuité des dispositifs définis dans notre accord d’entreprise signé en 2016 avec cinq organisations syndicales ». Vantant la « co-construction » avec les représentants du personnel, il ajoute : « Cette année, nous ne faisons que nous adapter à l’évolution législative, et nous pouvions déjà procéder à des départs volontaires et réembaucher derrière. » [1] Tous les accords de compétitivité imposés localement à PSA – bien avant qu’ils soient généralisés par la loi Travail et les ordonnances Macron – permettaient en effet d’imposer depuis longtemps, sous le chantage et avec l’accord de syndicats « béni-oui-oui », toutes les entailles à la loi et toutes les attaques anti-ouvrières.

Car PSA est un des plus grands laboratoires des destructions d’emploi depuis des décennies. La mise en place de cette rupture conventionnelle collective apparaît aux ouvriers comme le nouveau gadget d’un arsenal à licencier déjà bien fourni. Mais si la nouvelle loi Macron ne fait que peaufiner à PSA un dispositif déjà en place, elle permet surtout de généraliser en quelque sorte à l’ensemble des entreprises le système expérimenté à PSA. Ce qui n’est pas rien.

Du départ « volontaire » au plan de licenciement collectif camouflé

Les syndicats signataires de l’accord le répètent, notamment à PSA Poissy : « il n’y a pas de plan de licenciement », ce ne sont que des plans de départs « volontaires » mais cette fois « collectifs ». Finis les plans de licenciements collectifs contraints disent-ils, et autres plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) à la Michelin qui, en 1999 licenciait 7 500 salariés (10 % du personnel) avec deux milliards de bénéfice net ! La bonne blague… On avait déjà entre les deux, depuis 2005, la technique désormais rodée pour virer des salariés en masse, la « gestion prévisionnelle des emplois et compétences » (GPEC). Introduite par la loi de modernisation sociale et renforcée par les différents accords compétitivité depuis 2012 [2], ces différents plans de départs permettaient de comprimer les effectifs sans annoncer de plans de « licenciements secs ». Une grande foire aux départs prétendus « volontaires » que les salariés à PSA ou à Renault ont vite rebaptisés « forçariat » : on supprime ton poste, on te somme d’en trouver un autre toi-même, si tu ne trouves pas, choisis la porte : « Dépêche-toi sinon c’est le PSE ! » (Voir encadré sur PSA Poissy).

Pour beaucoup, la RCC poursuit sur la même lancée. Pour le moment à PSA, elle cible en priorité les salariés de la Recherche et développement. Avec la fermeture définitive du site PSA de La Garenne prévue pour 2018, dont l’activité sera transférée sur Poissy et Carrières, la direction prévoit de réduire les effectifs, et va s’empresser de trouver le plus vite possible le maximum de « volontaires ». À titre d’indication, PSA prévoit plus de 700 départs en RCC rien que dans la R&D d’ici à 2019, afin d’absorber les reconversions en interne de milliers d’ingénieurs, cadres, employés et techniciens. À noter que dans les usines, ce ne sont pas les postes d’ouvriers à la chaîne qui sont pointés dans un premier temps par la nouvelle mesure.

But avoué : changer en profondeur la physionomie du salariat à PSA

Encore un but avoué de la RCC, au moins par PSA, et comme le dit la presse patronale : les entreprises pourront s’adonner à « un rajeunissement de la pyramide des âges de l’entreprise en favorisant le départ des seniors ». Virer les anciens usés au travail, mais globalement mieux payés que les jeunes, et les remplacer par des intérimaires, voire des « CDI intérimaires », comme PSA aime à les promouvoir.

Pour faire passer la pilule de la RCC devant les caméras, PSA a annoncé des milliers d’embauches de jeunes en alternance (payés en partie par l’État) et 1 300 embauches en prétendus CDI (autant que de départs en RCC) : 400 pour la production, 200 pour la Recherche et développement et surtout 700 pour les commerciaux. On verra plus tard ce qu’il en sera, mais si on ajoute aux départs par RCC les départs annuels en retraite, le compte n’y est pas. Et encore moins si on compare aux 25 000 emplois détruits dans le groupe depuis cinq ans, un peu comme si PSA avait fermé près de deux sites d’Aulnay tous les ans.

Et la nouvelle conception même du CDI à PSA laisse rêveur. Bruno Bertin, DRH de PSA France, explique : « Le dispositif CDI intérimaire me semble adapté aux cycles de notre activité. Les missions confiées aux CDI intérimaires correspondent principalement à des besoins générés lors des lancements véhicules ou montage de nouvelle équipe. […] Ces contrats de travail à durée indéterminée garantissent aux salariés une employabilité forte et permanente tant chez PSA que sur le bassin d’emploi concerné, via les plateformes territoriales de mobilité. » [3] Le « CDI intérimaire », Macron l’a imaginé, PSA le fait !

En gros, il s’agit de constituer des réservoirs régionaux de salariés précaires disponibles aux « contrats de projets ». PSA veut doubler le nombre d’intérimaires embauchés en CDI par les agences de travail temporaire et travaillant à PSA pour le faire passer de 450 actuellement à 900. Tout cela alors qu’il y a déjà 8 000 salariés intérimaires chez PSA en France. PSA Sevelnord va créer une quatrième équipe pour le week-end en recrutant 600 intérimaires. Il y a quelques mois, 1 500 intérimaires ont été engagés à PSA Sochaux, 800 à PSA Mulhouse, 520 à PSA Rennes. Voilà ce que PSA appelle « CDI intérimaire », des contrats d’intérim qui permettront de remplacer tous les postes en CDI que PSA compte supprimer ces prochaines années, y compris à coups de RCC.

Beaucoup de salariés de PSA sont désabusés et surtout dégoûtés des conditions de travail et d’exploitation. Certains n’attendent que la première occasion pour s’insérer dans un congé senior plus favorable ou dans un plan de départ volontaire, individuel ou collectif, plus avantageux. Ça ne facilite pas les discussions avec tous ceux qui, dans les usines, veulent se battre contre la loi travail et ses effets. Mais que se passera-t-il quand PSA ne trouvera plus de « volontaires » pour vider ses sites ? C’est là que la lutte, tout aussi collective que la rupture conventionnelle, montrera au patronat et au gouvernement la force que peuvent opposer les travailleurs à leurs plans de licenciement, d’autant plus massifs que camouflés derrière la loi.

25 janvier 2018, Léo BASERLI


[1Les Échos, 16 janvier 2018, « Emplois, salaires : PSA prévoit un régime strict pour 2018 »

[2Renégociés à PSA en Nouvel élan pour la croissance (NEC) en 2016, puis en Dispositif d’adéquation des emplois et compétences (DAEC) en 2017.

[3Liaisons Sociales Quotidien, no 17494, 23 janvier 2018, « La rupture conventionnelle collective chez PSA, l’éclairage de Bruno Bertin, DRH ».

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