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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 105, avril-mai 2016

PSA Poissy : « Ça tourne dans les têtes »…

Mis en ligne le 21 avril 2016 Convergences Entreprises

À l’usine automobile de PSA Poissy (5 000 salariés, à 30 kilomètres au nord-ouest de Paris, le long de la Seine), la mobilisation du 9 mars a été de 180 grévistes sur 3 équipes et 80 salariés à la manif. Des délégations d’une trentaine de cégétistes sont allées aux manifestations des 17 et 24 mars. Cette usine a une histoire de répression anti-ouvrière très dense avec un syndicat jaune, pro-patronal, très influent. La mobilisation y est compliquée, mais loin d’être impossible.

Mais le jeudi 31 mars notre usine a été un cas particulier : la direction a décidé un lock-out, une fermeture pour empêcher la grève.

Le vent de contestation

En effet, pour la préparation du 31 mars, un vent de contestation montait dans l’usine. Les discussions aux pauses avec les militants fonctionnaient et la liste d’inscrits pour le débrayage s’allongeait.

L’actualité nous a aidés : le PDG du groupe, Carlos Tavares, a annoncé le doublement de son salaire (14 500 euros par jour, samedi et dimanche compris. Nous, nous avions eu droit à 8 euros d’augmentation). Sans parler d’un nouvel accord de compétitivité bloquant encore nos salaires pendant 3 ans, avec évocation de suppressions de primes et de congés. Cerise sur le gâteau, la direction du site expliquait qu’il fallait 1 200 salariés en moins sur notre site dans un an, pour juin 2017. Des centaines de salariés commençaient à être convoqués un par un dans les bureaux des chefs pour recevoir une lettre personnalisée leur demandant cyniquement de profiter du redimensionnement du site pour démissionner et saisir « l’opportunité » de trouver du travail ailleurs… Les ouvriers comprenaient bien que la loi Travail allait être un accélérateur phénoménal pour vider l’usine et aggraver encore plus une flexibilité déjà insupportable.

Préparation militante du jeudi 31 mars

L’équipe CGT, bien dynamique (dont des camarades venus de l’usine d’Aulnay ayant l’expérience de la lutte de deux ans contre la fermeture), estimait pouvoir faire débrayer environ 200 à 280 salariés voire plus dans l’équipe du matin, l’équipe la plus rebelle. Cela aurait été un record.

Le lock-out contre l’ambiance contestataire

Pour couper l’herbe sous le pied de la CGT, au nom d’un prétexte bidon de manque de pièces (des blocs hydrauliques), la direction a annoncé l’annulation de l’équipe seulement 12 heures avant de la séance de travail du jeudi matin 31 mars. Et pour punir cette équipe du matin d’avoir osé penser faire grève, la direction lui a imposé que, deux jours plus tard, le samedi matin soit travaillé pour rattraper le retard.

Ainsi, du moins pour ce jeudi 31 mars, la direction évitait l’arrêt de production, un défilé important de grévistes dans les ateliers et avertissait par la même occasion qu’elle allait pourrir la vie de l’ensemble des salariés si une partie d’entre eux s’aventuraient à débrayer. Une guérilla psychologique contre les ouvriers, qui visait à empêcher que ceux de l’ensemble des bâtiments sentent leur force en défilant massivement ensemble, se réunissent et discutent. Le fait d’avoir perdu du temps de production et sûrement un peu d’argent a été secondaire pour la direction. Son but principal a été de chercher à casser les sentiments de solidarité et de révolte.

Tout de même 150 ouvriers à la manif de Paris

N’étant pas venu au travail ce jeudi matin 31 mars, habitant très loin, bon nombre de salariés ne sont finalement pas allés à la manifestation, et l’équipe de l’après-midi n’a pas débrayé. Mais il y a avait tout de même plus de 150 salariés PSA Poissy à la manifestation, le double du 9 mars. Tous les salariés de l’usine ont compris la manœuvre de la direction, personne n’a cru au manque de pièces. Cela a été perçu comme une faiblesse d’une direction inquiète.

Un début de revanche ouvrière

Le lendemain, le vendredi 1er avril, en équipe du matin, une centaine de salariés se sont réunis aux différents temps de pause à l’appel de la CGT pour un point d’information. Le secrétaire du syndicat a eu la bonne surprise de voir son discours coupé sans arrêt par les salariés qui criaient des slogans contre la loi Travail et le samedi matin travaillé. Les ouvriers réunis ont décidé de faire grève sur le site le mardi 5 avril. Et, ce mardi, nous avons commencé à exercer notre revanche et avons été 100 à débrayer 1 h 30 et à défiler dans l’usine.

L’accueil des étudiants de Nanterre, nos slogans en manifs

L’équipe CGT de l’usine est un syndicat de site qui s’est fixé comme but de syndiquer la multitude de sous-traitants qui travaillent au sein de l’entreprise ainsi que les intérimaires. Elle a accueilli avec enthousiasme des étudiants de la fac de Nanterre qui voulaient s’adresser aux travailleurs de notre usine par tract et mégaphone. Lors des manifestations à Paris, nous défilons côte à côte derrière les banderoles de la CGT Renault Flins et CGT PSA Poissy.

Nous crions le slogan « Interdiction des licenciements ! », très populaire dans notre cortège, pour aller au-delà de rejet de la loi Travail.

Changement de climat

Nous ne savons pas comment les événements vont évoluer dans l’usine. Force est de constater que, le 9 avril, peu d’ouvriers de PSA Poissy se sont déplacés à la manif, beaucoup auront préféré passer le samedi en famille. Mais, par exemple, dès le mardi 12, dans un secteur précis du Montage, les ouvriers des équipes du matin et de l’après-midi se sont mis en grève contre la volonté de la direction de supprimer un poste et de surcharger les postes voisins. Même ceux de l’équipe « la plus calme » (comme l’appelle la direction) se sont mobilisés, en tenant durement tête à la maîtrise.

Sur l’équipe nuit, la seule menace de débrayage dans ce secteur a suffi à faire remballer son projet la direction.

Même si les gars ont la pression du chômage depuis des années, « ça commence à tourner dans les têtes ». Le climat change dans l’usine : par exemple, dans le milieu « blanc », les propos racistes, anti-immigrés sont en net recul. Et de nombreux ouvriers jusque-là influencés par les idées d’extrême droite regardent avec sympathie nos débrayages. Sans oublier des ouvrières qui se mobilisent et en remontrent aux collègues masculins.

Les ouvriers demandent à être tenus au courant des bilans des manifestations et débrayages, veulent discuter de la loi Travail, de l’attitude du gouvernement et des syndicats ; ils posent des questions sur les Nuit Debout, les réformes du travail en Italie et en Espagne, etc. Pour l’instant, peu franchissent le pas de se mobiliser mais, déjà, on entend les ouvriers encore dans l’expectative dire « nous » en parlant de manifestants, c’est déjà beaucoup. Comme quoi, tout peut basculer vite.

16 avril 2016, Correspondant

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