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Accueil > Éditos de bulletins > 2009 > octobre > 26

« On bosse ici, on vit ici, on reste ici ! »

Grand déploiement de forces policières samedi dernier, au petit matin à Paris, dans le quartier de la gare Saint-Lazare. C’était l’évacuation d’un « piquet » de grève de quelque 300 travailleurs sans papiers, installés dans les locaux de l’agence d’intérim Synergie. Qu’à cela ne tienne, ils se sont installés plus loin, dans d’autres agences d’intérim, car il n’en manque pas qui alimentent le patronat, grand ou petit, directement ou par sous-traitance interposée, en main-d’œuvre fragilisée par son absence de statut légal.

Nettoyage, sécurité, bâtiment, travaux publics, aide à la personne, restauration, agro-alimentaire, dont l’intérim, sont autant de secteurs qui recourent aux travailleurs sans papiers. Main-d’œuvre surexploitée, livrée aux travaux les plus pénibles, souvent dans des conditions effroyables. France Info entre autres, a donné le micro à Bathildy, Abdy, Mamadou, trois parmi ces centaines de milliers de sans-papiers qui vivent en France. Employés par ASTEN, un sous-traitant de la RATP, ils s’engouffrent tous les soirs dans les bouches du métro pour refaire les quais. Ils cassent l’asphalte, remontent des plaques de 50 kg sur leur tête, transbahutent des seaux de goudron bouillant, le tout sans gants, sans casques, sans chaussures de sécurité, sans droit à des soins en cas d’accident du travail. Sans droit à rien, mais avec le courage de s’être mis en grève.

L’exemple est venu des 2500 travailleurs qui sont parvenus à obtenir des papiers l’an dernier, à la suite d’un mouvement courageux et tenace. Il avait fallu sortir de l’ombre, prendre des risques. Mais preuve était donnée que même sans « existence légale », il était possible de repousser, voire d’abattre, les murs du fric et de l’hypocrisie gouvernementale. Car ces « sans papiers » ne manquaient pas, pour la majorité d’entre eux, de bulletins de salaires, de feuilles d’impôts, de quittances de loyers. Mais le durcissement des conditions d’obtention de titre de séjour, poursuivi par tous les gouvernements de droite comme de gauche depuis une vingtaine d’années, a transformé des travailleurs immigrés en « sans papiers », puis multiplié les moyens de chasse contre eux.

Ce sont cette fois 3800 travailleurs sans-papiers qui participent depuis le 12 octobre à la nouvelle vague de grève démarrée à l’initiative d’organisations syndicales (CGT, Solidaires, CFDT, UNSA) et associatives (dont la Cimade, la Ligue des Droits de l’homme, RESF). Ils exigent leur régularisation, sans parler du simple respect d’engagements que le gouvernement, prétendant régulariser par le travail, avait pris à la suite des grèves de 2008. Mais face à l’arbitraire des préfectures, la colère est montée : «  On est exploité, sous payé et on a aucun droit : si on ne dit pas « non » à un moment, rien ne changera jamais  ».

Le mouvement 2009 est d’emblée plus ample et organisé qu’en 2008. Un peu partout, les grévistes ont des délégués de chantier. Les intérimaires ont décidé de s’organiser en comité de grève pour coordonner les piquets nombreux et épars. En une semaine, le nombre de grévistes en région parisienne est passé de 1000 à près de 4000, dont plus du quart de l’intérim. Des agences comme Synergie ou Adecco ont vu fleurir des piquets de grève. Quand ils n’occupent pas leur lieu le travail, parce qu’isolés dans des petites entreprises, les travailleurs rejoignent des piquets par secteurs d’activité. Il y a des cartes de grévistes.

Cette lutte des sans papiers mérite notre soutien. Bravo à ceux qui se défendent dans une situation pas facile, alors que le patronat profite de la crise pour faire pression sur les salaires, licencier et précariser. Et ces travailleurs sans papiers, en luttant pour que le patronat ne puisse pas impunément utiliser leur situation pour tirer vers le bas les conditions de salaire et de travail, agissent dans l’intérêt de l’ensemble du monde du travail. Il faut que cette grève s’étende et gagne, que les travailleurs sans papiers soient régularisés – et avec eux tous les sans papiers qui dans ce pays, qu’ils aient un emploi ou pas, appartiennent à la classe ouvrière.

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