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Migrants morts en mer : la France coupable

30 novembre 2021 Convergences Politique

Mercredi 24 novembre, 27 migrants sont morts noyés dans le naufrage du canot sur lequel ils tentaient de se rendre en Angleterre. Si l’ampleur d’un tel drame est nouvelle dans la Manche, ce n’est malheureusement pas la première fois que de telles noyades ont lieu : plus de 300 personnes sont mortes depuis 1999 en essayant de franchir cette frontière. Et combien de milliers en Méditerranée ?

Manche

À propos du drame de Calais, Darmanin a son idée : selon lui, « l’obsession britannique de renvoyer les migrants en France ne doit pas faire perdre de vue le fait que c’est parce qu’ils n’ont pratiquement plus aucune voie légale pour se rendre au Royaume-Uni que ces hommes et ces femmes tentent cette dangereuse traversée ». Mais, si les migrants en question préfèrent tenter de se rendre en Angleterre où ils ont parfois famille et amis, c’est qu’ils n’ont pas plus de voie légale pour rester et vivre dans cette France qui refuse de les accueillir.

Les migrants à Calais, attendant une opportunité de partir, vivent pourchassés par la police, qui détruit leurs campements et le peu d’affaires qu’il leur reste. Le 7 octobre, l’association Human Rights Watch publiait un rapport [1] sur les migrants de Calais : « Infliger la détresse : le traitement dégradant des enfants et adultes migrants dans le nord de la France. » Le rapport décrit les 950 opérations d’expulsion de migrants qui ont eu lieu en 2020 sur la commune de Calais et la façon dont l’État français harcèle et humilie en toute connaissance de cause environ 2 000 adultes et 300 mineurs, espérant les dissuader de rester.

Le 10 novembre, un rapport parlementaire [2] épinglait à nouveau le gouvernement : « À peine prononcé le mot migrant ou immigré que « Liberté - Égalité - Fraternité » se transforme, par fainéantise ou idéologie, en « peur - indifférence - humiliation et répression ». En matière de respect des personnes, […] les engagements de la société française vis-à-vis des étrangers ne sont pas tenus. Pire parfois : ils sont bafoués, avec des conséquences dramatiques. [...] Même, les droits de l’enfance sont écornés dans notre pays dès qu’il s’agit de ceux des étrangers. » Un exemple parmi d’autres : «  Que dire de cette maman mise en CRA [centre de rétention administrative] à Mayotte, sans son bébé, alors qu’elle l’allaitait tandis que l’enfant, confié à des tiers, s’est trouvé en rupture d’alimentation à un mois ! » La liste est longue des manquements envers les migrants : aide médicale insuffisante et peu accessible, places d’hébergement en nombre insuffisant, impossibilité de travailler, mineurs abandonnés par les services de l’État au prétexte d’examens osseux, douloureux et tout sauf fiables…

Frontière polonaise

La détresse des migrants bloqués par la police polonaise à la frontière de la Biélorussie fait écho à celle des migrants de Calais. Loukachenko, le dictateur biélorusse, serait le seul « responsable » des onze migrants morts à cette frontière plus à l’est depuis l’été. Mais la police polonaise ne repousse-t-elle pas avec la même violence adultes et mineurs ? Les droits des deux à trois mille personnes migrantes ne s’effacent-ils pas aux portes de l’Union européenne face aux considérations politiques, géopolitiques et, surtout, démagogiques de gouvernements prêts à tout pour se défendre d’une prétendue «  crise migratoire  »  ?

Déjà, Human Rights Watch dénonçait les «  graves violations des droits humains  » de chaque côté de la frontière et des «  actes de torture  » côté biélorusse.

Mais, cette fois, les dirigeants français ont mis hors de cause leur « partenaire européen », le gouvernement polonais, envers qui Macron a affirmé sa «  solidarité  ». Un mur sera construit, et nul doute qu’un accord financier sera trouvé avec Loukachenko.

Méditerranée

En mai de cette année, c’est à Ceuta et Melilla, les enclaves espagnoles sur le territoire marocain héritées de la période coloniale, que huit mille migrants étaient bloqués par une barrière de métal que six cents d’entre eux ont tenté de contourner à la nage.

L’Espagne a critiqué l’attitude marocaine, puis a expulsé, parfois illégalement, le plus de migrants possible, y compris les mineurs isolés. La France avait signé de son côté un accord avec le Maroc pour faciliter l’expulsion de ces mineurs [3] et l’Union européenne a financé la monarchie de Mohammed VI pour que sa frontière ne soit pas franchie.

Le même schéma se répète encore en mer Égée entre la Turquie et la Grèce. En octobre, un naufrage a coûté la vie à quatre garçons, âgés de 3 à 14 ans. Pour le ministre grec des Migrations : « Les autorités turques doivent faire davantage pour empêcher, au départ, l’exploitation de migrants par des groupes criminels. Jamais ces traversées ne devraient même pouvoir se produire. » Mais les dirigeants turcs répliquaient alors par une vidéo [4] montrant les garde-côtes grecs essayant de couler un canot de migrants en mer.

Ces tragédies se reproduiront tant que Macron, comme ses prédécesseurs ou le gouvernement français qui lui succédera, se hisseront à la hauteur des Loukachenko, des Mohammed VI et des Erdogan… Ou de ses partenaires européens, qu’ils s’appellent hier Salvini ou aujourd’hui Duda, Johnson et Mitsotákis.

26 novembre 2021 - Pierre Hélelou

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