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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 101, septembre-octobre 2015 > Grèce : Syriza, du gouvernement « anti-austérité » au reniement

Grèce : Syriza, du gouvernement « anti-austérité » au reniement

Mémorandum ou révolution

Mis en ligne le 6 octobre 2015 Convergences Monde

Les travailleurs grecs ont « essayé » un certain nombre de formules gouvernementales (jusqu’à la gauche de la gauche avec Syriza, du jamais vu depuis longtemps en Europe), ils ont essayé diverses formes de mobilisation, toutes finalement syndicales, ils ont essayé toutes sortes de possibilités dans le cadre de la société bourgeoise, et cela continue parce qu’ils n’ont pas trouvé de réponse à la question cruciale : comment en finir avec la ‘thérapie’ de choc qui leur est imposée ? Le problème est qu’il n’y a pas d’autre alternative aux mémorandums que le socialisme et donc la ‘thérapie’ de choc... de la révolution !

Il est difficile, d’ici, de savoir quelle devrait être la façon de formuler une politique révolutionnaire pour qu’elle corresponde à la fois aux nécessités de la situation et au niveau où les situent les travailleurs. On peut cependant tenter d’imaginer quelques pistes.

Par exemple, le 3e mémorandum interdit tout « contrôle social sur les banques », autrement dit leur nationalisation. Mais, face à la crise bancaire, il propose une restructuration, sous la forme de fusions des quatre principales banques sous la houlette de la société américaine BlackRock – un faucon des marchés financiers. En clair, les parlementaires ont voté une mise sous tutelle, une quasi-expropriation des banques, par... un géant de la finance privée ! 25 des 84 milliards de prétendue aide accordée par le mémorandum seront obligatoirement consacrés à la recapitalisation de ces quatre banques. En échange de quoi ? De rien... On est donc en droit de penser que l’expropriation des banques, leur regroupement en un seul établissement… mais fonctionnant non sous le contrôle d’un rapace américain mais sous celui des employés et au service de la population peut apparaître comme un objectif légitime aux yeux des travailleurs.

Un programme politique pour les travailleurs grecs

Un programme politique pour les travailleurs grecs devrait surtout mettre en avant des objectifs immédiatement favorables aux classes populaires. Par exemple : rétablir les conventions collectives, les minima sociaux, le Smic. Mais il ne suffit pas de mettre en avant des objectifs – d’ailleurs, Syriza ne les avait-il pas évoqués, même timidement, avant janvier dernier ? –, encore faut-il préciser comment on compte y parvenir ! Or une telle politique est impossible sans exproprier les armateurs, l’Église, sans cesser de payer la dette et sans utiliser toutes les finances disponibles pour répondre à ces urgences. Cela nécessiterait des mobilisations qui permettraient une forme de contrôle ouvrier sur les comptes de l’État, des banques, des entreprises, des riches, voire sur la production.

La réponse de la BCE ne tarderait pas : elle interromprait tout soutien d’urgence aux banques grecques, et le pays ferait donc face, de fait, à une forme d’exclusion de la zone euro. Mais les travailleurs mobilisés ne seraient pas forcément démunis. Ils auraient leurs propres priorités pour y faire face, comme d’assurer des circuits de distribution pour la consommation populaire, et d’organiser la production des denrées et services essentiels. Et, surtout, de s’adresser aux travailleurs des autres pays d’Europe et d’ailleurs.

Plus que la question de ce qui est mis en avant – Syriza n’a-t-il pas mis un temps dans son programme la nationalisation des banques ? –, la véritable pierre d’achoppement est : dit-on clairement qu’il faut s’en prendre à la bourgeoisie grecque, celle que les travailleurs grecs ont sous la main, sans attendre un éventuel règlement avec l’Union européenne ?

En Grèce comme ailleurs, les révolutionnaires ne déclenchent pas les mouvements. Mais en Grèce, même si cela ne s’est pas encore traduit par des mouvements, un nombre significatif de travailleurs, de jeunes ont perdu les illusions électorales suscitées par Syriza, et que cherche à ressusciter l’Unité populaire. Sans pour autant se reporter vers d’autres courants réformistes ou, pire, vers l’extrême droite. Et la permanence de luttes, comme les difficultés rencontrées par les ténors de Syriza qui s’étaient aventurés dans les entreprises pendant la dernière campagne électorale (voir l’encadré Pas dupes) peuvent laisser penser que des maturations politiques ont probablement été nombreuses dans les derniers mois. Et peuvent s’approfondir.

Les mesures du nouveau mémorandum vont entrer peu à peu en vigueur. Les travailleurs grecs ont déjà encaissé des mesures d’une brutalité inouïe, mais ils n’ont pas subi de défaite majeure sur le terrain des luttes. Ils ont fait une série d’expériences politiques, en accéléré, testant un par un tous les partis de gouvernement, toutes les nuances politiques des partis de la bourgeoisie. Certains se posent probablement une multitude de questions relatives au pouvoir, ne serait-ce que sous la forme : quel pourrait être un gouvernement qui cesse d’écraser les classes populaires ? Cela paraît donc le moment pour les révolutionnaires de leur apporter leurs propres réponses, les seules qui soient raisonnables, d’ailleurs, même si, aujourd’hui, elles paraissent décalées en l’absence d’une mobilisation significative des travailleurs. Mais de telles idées faisant leur chemin, elles peuvent devenir essentielles quand les mobilisations seront au rendez-vous.

Quand les mobilisations seront au rendez-vous

Car des réactions, des mobilisations, il va forcément y en avoir face à la brutalité des mesures. Le problème n’est d’ailleurs pas tant le fait que les travailleurs ne croiraient plus aux possibilités de la lutte – ce qui reste à voir. Il s’agit bien plus de la volonté de l’impérialisme de ne laisser localement aucune marge de manœuvre, ni, on l’a vu, au gouvernement, ni même au patronat local qui serait sanctionné par des banques elles-mêmes sous contrôle d’organismes financiers lointains. La bourgeoisie impérialiste espère que la conviction que tout est bloqué suffira à dissuader les travailleurs de mener des luttes. Pour le dire autrement, le choix de l’impérialisme est de ne laisser comme issue aux conflits éventuels que la ‘manière forte’...

Mais les calculs ne sont pas la réalité. En Grèce, il y a encore des mouvements, comme le cas de quelques reprises d’usines ou celui des femmes de ménage du ministère des Finances, etc. Ce sont justement de tels mouvements qui pourraient débloquer la situation, mais à condition qu’ils cherchent à entraîner avec eux toute la classe ouvrière et, derrière elle, la jeunesse révoltée, les chômeurs et la population travailleuse pauvre.

Pour qu’une lutte serve de locomotive et en raccroche d’autres, particulièrement dans cette situation, il lui faudrait des objectifs politiques généraux. Plus exactement, si un tel mouvement se déclenchait, se propageait, se généralisait, pour espérer aboutir, il devrait se donner très rapidement des perspectives politiques radicales, en fait des perspectives révolutionnaires, car, très vite, face à l’ensemble des institutions bourgeoises liguées, se poserait la question d’organes autonomes des travailleurs.

Nous en sommes loin ? Peut-être. Mais on a vu l’énorme retentissement à l’échelle de l’Europe de la simple radicalisation électorale de la population grecque. D’abord les craintes que cela a suscitées dans la grande bourgeoisie. Ce n’est pas pour rien que Merkel assistée de Hollande a infligé une telle humiliation à Tsípras, en guise d’intimidation non seulement au peuple grec, mais en fait à tous les travailleurs d’Europe. Mais on a aussi vu les premiers espoirs… et illusions… que les protestations de la jeunesse indignée grecque puis la montée de Syriza ont suscités. Il y a eu des répliques en Espagne avec Podemos, au Portugal, en Irlande… aujourd’hui en Angleterre avec l’élection de Jeremy Corbyn à la tête du Labour… et, qui sait, demain en France. Personne ne peut exclure que le petit vent de radicalité qui souffle sur une frange de la jeunesse et des travailleurs dans certains pays ne va pas monter en puissance.

Les réformistes de tout poil s’y préparent. Les Podemos, Syriza, et autres Jeremy Corbyn répètent à cette frange révoltée de la jeunesse européenne, cette jeunesse qui fait leur succès actuel, qu’il faudrait s’en tenir à l’indignation, aux votes un peu plus à gauche, à la révolution mais à condition qu’elle soit citoyenne et par les urnes.

Cette prétendue « révolution par les urnes », les Grecs l’ont essayée : la réponse politique des dirigeants de l’Europe capitaliste face à Syriza a été ultra rapide. Mais cette démonstration pourrait bien servir de leçon politique et se retourner contre les mêmes Merkel et Hollande et ceux qu’ils représentent.

Si demain, en Grèce, les travailleurs, la jeunesse déjouaient les plans de la bourgeoisie européenne et engageaient la lutte malgré tout, leur combat aurait un retentissement international bien plus grand encore que n’a eu l’épisode Tsípras. Les Pablo Iglesias, Jeremy Corbyn et autres Mélenchon auraient sans doute bien du mal à courir derrière. Une telle mobilisation en Grèce ébranlerait toute l’Europe. On ne parlerait plus alors de l’euro ou de la drachme, mais de l’Europe des travailleurs.

D’accord, nous n’en sommes pas là. Mais, en Grèce, sans doute aussi dans différents pays, une partie de la jeunesse cherche des réponses face à l’impasse que leur offre l’Europe des Hollande, des Merkel ou des...Tsípras. Aux révolutionnaires de lui proposer leurs propres idées qui, elles, n’éludent pas les combats à venir, les éloignent du piège mortel du nationalisme et désignent clairement l’adversaire de classe.

R.P.

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