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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 73, janvier-février 2011

Martinique : d’une justice coloniale… au procès des exploiteurs

Mis en ligne le 29 janvier 2011 Convergences Monde

Le 15 décembre à Fort-de-France en Martinique s’est déroulé un procès intenté à Ghislaine Joachim-Arnaud, secrétaire générale de l’organisation syndicale CGTM et représentante de Combat ouvrier, suite à une plainte du représentant patronal Jean François Hayot l’accusant de racisme pour avoir utilisé dans ses propos à la télévision le refrain repris par des milliers de manifestants de février et mars 2009 : « Matinik sé ta nou, Matinik sé pa ta yo ! An ban bétjé, pwofitè, volè : nou ké fouté yo dewò ». « La Martinique est à nous, la Martinique n’est pas à eux, une bande de békés profiteurs, voleurs, on les mettra dehors ».

Plusieurs centaines de personnes étaient présentes ce jour-là devant le tribunal. Le procès prévu le matin a été reporté à l’après-midi. Toute la matinée des prises de paroles se sont succédé. Certains sont même restés jusqu’à minuit et demi devant le palais de justice. Il y avait des tambours et des chants aussi. Le climat était tendu car la veille les grévistes de « Mr Bricolage » de Martinique (entreprise du groupe Hayot) avaient été violemment chargés par les gendarmes. Un gréviste avait été blessé par flash ball et hospitalisé. Un regroupement s’en était suivi devant le commissariat pour exiger la libération des grévistes en garde à vue. Ce qui fut fait. Ils sont venus devant le palais de justice le lendemain.

Le ministère public a requis contre Ghislaine Joachim-Arnaud une amende de 1 500 euros. Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 2 mars 2011.

Nous publions dans ce qui suit quelques extraits de la déclaration G.J. Arnaud.

(…) Au delà de l’accusation portée contre moi par M Hayot, ce procès est une sorte de prolongement, sur le plan judiciaire, du grand conflit social qui a marqué l’année 2009.

(...) Il est évident que ce n’est pas le soi-disant préjudice de mon supposé racisme, qui a motivé la plainte de Mr Hayot ; mais le rôle social et syndical que j’ai joué dans la grève de 2009.

(…) Les békés, nous dit-on ici et là, ne possèdent pas toute l’économie de la Martinique !

Mais qui ne le sait pas ? Il est vrai que même si M. Bernard Hayot du groupe GBH est la 146e fortune de France, il est encore bien loin derrière les gros propriétaires et actionnaires de la grande distribution comme Carrefour-Promodès, des TOTAL, Bouygues, BNP-Paribas, et autres propriétaires de grosses fortunes… qui sévissent ici.

Nous savons bien aussi que certains de nos exploiteurs sont eux-mêmes descendants d’esclaves noirs ou encore d’émigrés chinois. Les Lancry, Parfait et autres Ho Hio Hen, sont aussi connus comme ayant bâti leur fortune sur la sueur, l’usure, l’exploitation et le mépris de centaines de salariés, et la pwofitation sur la population en pratiquant des marges démesurées sur les articles de la vie courante. C’est contre tous ceux-là que nous appelons les salariés et les pauvres à se battre ! Alors je le répète, nous faisons une distinction de classe et non de race !

(…) Qui est ou n’est pas raciste en Martinique ? Qui a mené sa vie, construit ses maisons dans des zones complètement à part de la population noire ou métis ? Qui a son ghetto de Blancs vers Cap Est ! Qui a dit qu’il fallait préserver sa race, autrement dit se tenir à l’écart de toute vie sociale et culturelle au sein de la population majoritaire ?

(…) Le peuple, les masses travailleuses (…) disent qu’ils ne veulent plus être exploités par « une bande de Békés volè é exploitè ». Ils n’en ont pas après tous les Békés mais, avec raison, ils en ont après ceux-là. Je remarque encore que M Hayot est sensible à mon supposé racisme et à celui des manifestants, mais il est aveugle concernant un racisme vieux de plusieurs siècles qui perdure et qui prend même la forme d’un racisme officiel ! Et qui crève pourtant les yeux en Martinique quand on regarde de bas en haut la hiérarchie économique, sociale et administrative. Plus on monte dans cette hiérarchie, moins il y a de Noirs, d’Indiens ou de Métis dans les postes de direction des entreprises privées ou même des administrations publiques !

(…) Que M. Hayot, et tous ceux qui le soutiennent dans le camp patronal, ne se fassent aucune illusion sur les effets de leur tentative d’intimidation judiciaire ! Bien loin de nous faire peur, elle a eu surtout pour effets d’élargir l’audience de nos propos et de faire connaitre encore plus largement les buts et les idées des militants syndicalistes et communistes révolutionnaires dont je me réclame…

L.G.

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