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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 141, octobre-novembre 2021

Marseille 73, de Dominique Manotti

Les Arènes, 2020, 385 p., 20 €

Mis en ligne le 25 octobre 2021 Convergences Culture

Le roman Marseille 73 de Dominique Manotti donne un bon aperçu de ce que fut l’extrême droite française au début des années 1970, quand, truffée d’anciens de l’OAS, de policiers et de militaires revenus tout droit de la guerre d’Algérie, elle avait ses clubs de tir et abattait des Arabes dans les rues de Marseille « pour la sécurité des Marseillais » et « contre l’immigration sauvage ».

Écrit sous la forme d’un polar, il est du début à la fin basé sur des faits réels, une série de meurtres racistes perpétrés à la fin de l’été et à l’automne 1973 : une quinzaine recensés dans la seule ville de Marseille, une cinquantaine dans toute la France. C’était la période aussi où, face à une montée du chômage, une circulaire gouvernementale (dite Marcellin-Fontanet du nom de ses auteurs) visait à bloquer l’immigration et à renvoyer une partie des travailleurs immigrés chez eux.

La mort d’un conducteur de bus marseillais, tué par un malade mental qui se trouvait être d’origine algérienne, déclencha une nouvelle effervescence raciste. Campagne raciste dans la presse marseillaise, constitution d’un « Comité de défense des Marseillais » animé par l’extrême droite qui participa (aux côtés de syndicats corporatistes peu regardant sur le racisme) à l’enterrement du chauffeur, avant que dans la soirée même, certains de ses membres se lancent dans des ratonnades, faisant trois victimes, dont le jeune Ladj Lounes (Malek dans le roman), abattu devant un café fréquenté par des Maghrébins dans un des quartiers populaires de la ville.

Le combat contre les crimes racistes – Le Mouvement des travailleurs arabes (MTA)

C’est l’enquête sur ce meurtre qui fait la trame du roman. On y voit les liens étroits entre les groupes d’extrême droite marseillais, le SAC gaulliste de Charles Pasqua et la police, ainsi que la complicité des juges qui s’empressent d’enterrer ces crimes racistes sous l’étiquette de règlements de comptes entre « petits délinquants arabes ».

Manotti fait revivre le combat mené contre ces crimes racistes par quelques associations d’aide aux immigrés, comme la Cimade (association protestante) dont l’un des responsables, pasteur, est expulsé manu-militari sur ordre du gouvernement vers son pays d’origine (heureusement pour lui, la tranquille Suisse) et surtout le combat mené par les travailleurs maghrébins eux-mêmes, dont une organisation qui s’est créée à l’époque, le MTA (Mouvement des travailleurs arabes). Elle lança, après les assassinats, un mot d’ordre de grève qui paralysa le chantier naval de La Ciotat, puis une grève sur toute la ville et, le 14 septembre, une grève au niveau de la France entière, largement suivie notamment dans les usines métallurgiques de la région parisienne.

Les silences complices

Dominique Manotti relate l’action des militants ouvriers maghrébins, la solidarité qu’ils ont trouvée auprès de l’extrême gauche et d’associations de défense des immigrés. Elle souligne aussi le silence complice du maire socialiste de Marseille, Gaston Defferre, et évoque la pleutrerie des directions syndicales. Rappelons que le quotidien communiste régional, La Marseillaise, désavouait en ces termes la grève lancée par le MTA : « Certains groupuscules essaient d’entrainer les immigrés dans des actions irréfléchies qui les isoleraient. Qui manipule ces groupes. Qui cherche ainsi un affrontement en grand ? À qui cela profite ? Sans conteste à ceux qui trouvent intérêt à l’immigration sauvage qu’ils ont favorisée. » La CGT marseillaise avait désavoué aussi la grève. Mais la ténacité du MTA et des mouvements qui le soutenaient a finalement contraint, après moult hésitations, les syndicats nationaux (à part la CFDT…) à se dire solidaires de la seconde grève, celle du 14 septembre.

Le roman rappelle les faits tristement réels de ce septembre 1973. Dans le livre, les trois seuls policiers qui, en opposition avec la maison poulaga, mènent l’enquête jusqu’au bout sont presque trop beaux pour être vrais. Mais on ne fait pas un bon roman policier sans une bonne enquête.

Olivier Belin

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Numéro 141, octobre-novembre 2021