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Manifestations à PSA Douvrin : contre l’enfumage du passage à l’électrique, faire grandir la flamme du « tous ensemble »

Le 27 février, le groupe Stellantis, c’est-à-dire le groupe automobile issu de la fusion récente du groupe PSA avec le groupe italo-américain FCA (Fiat-Chrysler), a annoncé lors d’un CSE que, contrairement à une précédente annonce, aucun nouveau type de moteur ne remplacerait ceux dont l’arrêt de la production est programmé à l’usine de Douvrin. Un second coup de massue pour les salariés après l’annonce il y a quelques mois de l’arrêt en 2022 du moteur diesel actuellement produit. Ce qui ne laisse rien présager de bon pour l’avenir du site, et surtout les milliers d’emplois directs et indirects dans la région.

Aujourd’hui les salariés de Douvrin produisent trois modèles de moteur (deux à essence et un diesel). L’arrêt de la production du moteur diesel et d’un des moteurs à essence signifie une fin programmée d’activité pour plus de 1 000 travailleurs et menace la pérennité du site (qui emploie aujourd’hui 1 700 salariés). Alors qu’il avait annoncé mi-2020 son intention de lancer sur le site de Douvrin un nouveau modèle de moteur, le PDG de PSA-Stellantis, Carlos Tavares, a finalement fait volte-face. Prétexte : la création d’une nouvelle usine de batteries, nommée ACC, à quelques pas de celle de Douvrin, en joint-venture avec Saft, filiale de Total spécialisée dans les batteries. Et le voilà qui prétend que, si le moteur prévu, dit de nouvelle génération, allait plutôt être fabriqué en Hongrie à Szentgotthárd, (une usine rattachée au groupe Opel racheté par PSA en 2017), ce serait pour « libérer des compétences [à Douvrin] pour la montée en puissance d’ACC ».

En septembre 2020, Xavier Bertrand, président de la région, avait servi exactement le même boniment aux salariés de Bridgestone Béthune (à vingt kilomètres de Douvrin). Après avoir versé de l’argent public sans contrepartie à Bridgestone menacé de fermeture, il proposait de reclasser les salariés dans cette même future usine PSA-Total de batteries à Douvrin. Une usine construite avec de l’argent public : 1,3 milliard des États allemands et français, 80 millions de la région… Xavier Bertrand promettait 2 000 emplois, mais oubliait de dire que cette nouvelle usine ACC signifiait la fermeture de PSA Douvrin.

Une reconversion vers l’électrique qui profite de la situation économique…

Ces temps-ci, la pression de l’opinion publique et des quelques – timides – nouvelles réglementations environnementales imposées aux industriels de l’automobile, après qu’ils ont massivement faussé les tests, poussent ces derniers à accélérer une reconversion de leurs outils de production au profit de celle de véhicules hybrides ou électriques. C’est le cas à PSA avec Douvrin mais aussi chez d’autres constructeurs comme Renault où la direction souhaiterait supprimer 4 600 emplois en France, 15 000 dans le monde. Et la pandémie de Covid a bon dos, qui permet de justifier les milliards d’euros de subventions au patronat pour des restructurations prévues de longue date, sous couvert de soutien dans une période de recul du marché. Pour les salariés c’est un permis de licencier avec l’assentiment et l’aide des élus.

Quant aux prévisions d’emploi (promis donc deux fois) pour l’usine ACC dans la région, censées rassurer les travailleurs, elles sont bien en deçà des nécessités : 200 à 300 prévus pour 2023 pour atteindre progressivement entre 1 400 et 2 000 en 2030 ! Certainement pas de quoi rassurer les quelque 1 000 salariés de Douvrin (et encore moins ceux déjà licenciés de Bridgestone) ! D’autant plus que Tavares a beau pérorer en assurant que les employés Stellantis pourront se reconvertir dans ACC, aucune garantie n’est donnée qu’ils seront un tant soit peu prioritaires.

… mais un cache-sexe de la course au profit

Les reconversions à la voiture hybride ou électrique seraient-elles la raison fatale de licenciements des travailleurs spécialisés dans la production de moteurs essence ? Le jeu de Monopoly géant entre constructeurs automobiles en est la cause réelle. Pour s’arracher les marchés de demain il s’agit de créer des groupes toujours plus importants, mieux positionnés pour la concurrence mondiale. Le groupe PSA, avec son rachat d’Opel en 2017 puis la fusion avec Fiat-Chrysler en janvier dernier, en est l’exemple. Avec pour corollaire les concentrations d’effectif et pressions sur les salaires par la mise en concurrence des travailleurs de différents pays, pour mieux les exploiter tous. Pour PSA, ce furent plus de 1 000 emplois en recherche et développement qui ont été détruits à Rüsselsheim en Allemagne après l’intégration d’Opel. Le 23 février dernier, en visite en Italie aux usines Fiat, Tavares a affirmé aux syndicats que le coût du travail était plus élevé sur les sites transalpins que dans les usines françaises ou espagnoles. Les travailleurs français plus compétitifs que les italiens, mais toujours moins que les hongrois, qui le sont moins que les marocains (payés 240 € par mois à Kenitra), et ça dégringole pour que montent les profits. On le voit : ce chantage à la compétitivité n’a pas attendu la reconversion vers l’électrique et l’hybride.

Un début de réaction

Début mars, des salariés de Douvrin avaient réagi en débrayant, puis en organisant le 10 avril une marche regroupant 800 personnes dont plusieurs centaines d’habitants. Car dans cette région où les plans de licenciement et annonces de fermetures font régulièrement la une des journaux, les habitants se sentent tous concernés par l’impact de toutes ces annonces sur l’économie locale et les emplois. Au point que le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, s’était empressé de se réjouir de l’annonce de la production du moteur « nouvelle génération » qui n’est en réalité que le renouvellement de l’ancienne génération. Il va lui falloir recycler sa batterie de baratins, en vantant demain l’usine ACC ou autres trompe-l’œil.

Bien d’autres travailleurs se mobilisent actuellement pour défendre leurs emplois, à commencer par les salariés de Renault (notamment dans l’ingénierie, aux Fonderies de Bretagne et chez le sous-traitant à la fois de Renault et PSA qu’est l’usine MBF de Saint-Claude (fonderie du Jura). Une prochaine mobilisation est prévue le 6 mai à Douvrin, où devraient participer des délégations d’autres sites du groupe PSA. Alors que le même jour ceux de Renault sont appelés à manifester devant l’usine de Renault Le Mans où des dizaines de suppressions d’emplois sont programmées. Mystère des programmations syndicales ! Mais dans les prochaines semaines, rassembler les luttes des travailleurs des différents constructeurs automobiles et sous-traitants serait une étape supplémentaire pour construire le « tous ensemble » nécessaire dans la lutte pour l’emploi.

Ethan Bedel

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