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Mali, Algérie : les tribulations de Macron en Afrique

7 octobre 2021 Article Monde

Honni soit qui Mali pense

Démagogie contre démagogie, Emmanuel Macron s’est senti vexé comme un pou d’entendre le Premier ministre malien parler d’ « abandon en plein vol » du Mali par la France, à propos de la décision de Paris de réduire les troupes de l’intervention Barkhane. D’autant plus vexé que le gouvernement malien vient d’acheter quatre hélicoptères militaires à la Russie et envisage d’embaucher la milice privée russe Wagner pour remplacer les militaires français. Un coup de Trafalgar certes moins coûteux que la perte du marché de douze sous-marins en Australie, mais qui augure mal de l’avenir de la mainmise de la France sur le Mali. Et le président français de traiter le Premier ministre malien d’« enfant de deux coups d’État » dont « la légitimité du gouvernement actuel est démocratiquement nulle ».

Au Tchad voisin, il y a quelques mois, Macron avait au contraire apporté tout son soutien au fils du dictateur Idriss Deby lorsque celui-ci s’était arrogé tous les pouvoirs par un coup d’État, après la mort de son père (tué par ses « rebelles » ou par ses « amis », on ne saura jamais). Selon les intérêts de Bouygues, Bolloré, Total ou quelques autres, il y a les bons et les mauvais coups d’État.

Au Mali par contre, le gouvernement français ne sait plus trop où donner de la tête depuis le renversement en août 2020 de son protégé, le président Ibrahim Boubacar Keïta (surnommé IBK), de plus en plus impopulaire. De même qu’était de plus en plus impopulaire la présence de l’armée française, cette force Serval, renommée ensuite Barkhane, envoyée au départ en 2013 pour lutter contre les séparatistes du nord et le terrorisme, mais surtout pour sauver le régime et dont la population malienne a dû subir les bavures.

Les officiers de l’armée malienne qui ont pris le pouvoir à l’été 2020 ne sont pas davantage au service de la population, bien sûr, que ne l’était IBK. Ils prenaient en quelque sorte les devants pour contrôler une situation marquée en 2019-2020 par le mécontentement social, une vague de grèves et de manifestations. Mais ils pouvaient se targuer d’avoir débarrassé le pays d’IBK et s’appuyaient sur des politiciens d’opposition dont le très réactionnaire imam Dicko qui avait pris la tête des manifestations de Bamako. Par des pressions, notamment en organisant un boycott économique du pays par ses voisins, la France avait cherché à obtenir des militaires au pouvoir une meilleure collaboration, en quelque sorte à remplacer IBK. Mais les relations s’étaient à nouveau tendues après le renversement en mai dernier, par le comité militaire, du premier ministre de compromis qu’ils avaient nommé en septembre 2020 (ce second coup d’État dont parle Macron). C’est cette indocilité vis-à-vis d’une présence française honnie qui vaut encore aujourd’hui aux militaires putschistes une certaine popularité, que les dernières déclarations de Macron ont encore renforcée (à en juger par l’écho qu’elles ont eu parmi des travailleurs maliens émigrés ici).

Mais évidemment le seul fait que ces mêmes militaires, non seulement s’accaparent le pouvoir mais ne trouvent rien de mieux, pour le renforcer, que de chercher des hommes de main et des instructeurs du côté d’une autre grande puissance (la Russie) et de ses milices privées, substituer un prédateur à un autre, n’annonce non plus rien de bon pour la population malienne.

La contestation sociale de 2019-2020, détournée, aurait toutes les raisons de reprendre, elle serait un plus grand revers pour la France et pour l’actuel pouvoir malien que leur querelle actuelle.

La guerre des visas pour doubler Le Pen

Pour parfaire son image « France d’abord », Macron y est également allé, à propos de l’Algérie, de ses petites phrases contre son « système politico-militaire » qui s’appuie sur « un discours qui, il faut bien le dire, repose sur une haine de la France », ou parlant de cette nation qui « s’est construite sur une rente mémorielle et qui dit : tout le problème, c’est la France ». Après 130 ans de colonialisme et huit ans de guerre, de la haine contre la France il y aurait de quoi. Mais pourquoi donc Macron a-t-il débité, le 30 septembre, de tels propos devant des enfants des écoles et les journalistes… pour qu’ils soient répercutés. Surenchère de campagne électorale exige, évidemment. En rétorsion, le gouvernement algérien a interdit le survol de son territoire à tout avion militaire français. Bien fait pour l’opération Barkhane, son ravitaillement n’aura qu’à faire un détour.

Mais Macron récidive : quelques jours plus tôt, il annonçait une réduction drastique des visas pour la France accordés aux ressortissants des pays du Maghreb, Algérie, Tunisie et Maroc, à laquelle par contre le gouvernement algérien n’avait que très mollement réagi. Le prétexte invoqué pour cette mesure serait les refus de ces pays du Maghreb de délivrer les « laissez-passer consulaires » nécessaires au retour des immigrés refoulés de France. En clair les consuls des pays d’Afrique du Nord refuseraient trop souvent de donner leur aval aux expulsions d’immigrés supposés venir de chez eux. Pouvoir expulser à tour de bras, tel est le nouveau souhait affiché par Macron.

« La déclaration d’Emmanuel Macron à propos de l’Algérie montre ce profond désarroi d’un homme qui, faute de gagner les grandes batailles, espère tout au moins gagner sa bataille électorale », a commenté l’opposant algérien Karim Tabbou, plusieurs fois arrêté pour sa participation au Hirak. On ne dirait pas mieux.

Olivier Belin

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