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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 96, novembre-décembre 2014

Livres

20 novembre 2014 Convergences Culture



Un roman

Viva

Patrick Deville

Le Seuil, paru en août 2014, 211 pages, 18 €.


Fin des années 1930. Le stalinisme triomphe en Russie, le fascisme en Europe, les révolutionnaires sont traqués, il est bien « minuit dans le siècle ». Pourtant, le Mexique, par l’action de son président Lazaro Cárdenas, ouvre ses portes aux indésirables de tout poil. Parmi les plus célèbres exilés, Léon Trotsky et l’écrivain Malcolm Lowry, auteur de « Au-dessous du volcan ».

C’est à travers les destins croisés de ces deux figures que l’auteur retrace la vie et l’ambiance de ce Mexique hétéroclite et bigarré. On croise au fil des pages Bernard Traven, Diego Rivera, Frida Kahlo et André Breton, les écrivains Antonin Artaud, Ernest Hemingway et Maurice Nadeau. Bref, tous ceux qui ont trouvé dans ce pays une terre d’asile et d’inspiration.

Avec son Viva, Patrick Deville nous transporte dans une autre époque, dangereuse et bouillonnante. Si les nombreuses références au milieu révolutionnaire peuvent paraître rebutantes pour les non-initiés, on se laisse facilement prendre par l’ambiance que retranscrit l’auteur.

Simon COSTES



Un essai

Affinités révolutionnaires – nos étoiles rouges et noires

Olivier Besancenot et Michael Löwy

Editions de poche Mille et une nuits, août 2014, 5 €.


Dans leur livre qu’ils placent « sous le signe de la Ire Internationale », Olivier Besancenot et Michael Löwy parcourent l’histoire du mouvement ouvrier, de la création de cette internationale en 1864 à aujourd’hui, pour souligner non les débats, mais les convergences entre les deux courants du mouvement révolutionnaire que sont le marxisme et l’anarchisme. Un marxisme libertaire, synthèse de ces deux courants, pourrait, selon eux, fonder l’anticapitalisme du xxie siècle.

Quelques portraits des lutteurs qu’ils affectionnent émaillent le livre. De la communarde Louise Michel à la communiste Rosa Luxembourg, dont ils préfèrent citer les critiques fraternelles à la révolution russe que celles, non moins fraternelles, à l’anarcho-syndicalisme de leur époque. De l’anarchiste d’origine russe Emma Goldman, enthousiasmée par la révolution d’octobre, à l’anarchiste espagnol Buenaventura Durruti. En passant par l’anarcho-syndicaliste français Pierre Monatte, resté internationaliste pendant la première guerre mondiale avec son ami Alfred Rosmer qu’il finit par suivre au Parti communiste et à la IIIe Internationale, avant d’en être tous deux exclus avec le développement du stalinisme.

Mais c’est surtout dans les résumés qu’ils donnent des principaux événements révolutionnaires des 150 dernières années que le parti-pris de Besancenot et Löwy de ne prendre en compte que les convergences les amènent à gommer bien des problèmes politiques.

Les analyses faites par Marx et Bakounine de la Commune de Paris de 1871 étaient, disent-ils, « aux antipodes l’une de l’autre », même si les leçons que tire Marx de la Commune de Paris, « la forme politique enfin trouvée de l’émancipation sociale des travailleurs », témoignaient d’un « anti-étatisme féroce ». Au point que les raisons de Marx de mettre fin à la première internationale (l’AIT) semblent, sous leur plume, le résultat de misérables conflits de personnes (il y en avait aussi sans doute mais on ne peut les réduire à cela).

Cela dit, cette leçon tirée par Marx de la Commune, cette « forme politique enfin trouvée », qu’il appelait aussi « gouvernement de la classe ouvrière, résultat de la lutte de la classe des producteurs contre la classe des appropriateurs » est ce que Lénine a repris à son compte dans sa brochure « l’État et la révolution » (dans laquelle il soulignait tout ce que communistes et anarchistes avaient en commun... contre les marxistes « embourgeoisés »). Sa conception de l’État ouvrier n’est déjà plus au sens propre un État, mais un instrument de la lutte de classe, et a vocation à disparaître. Ce qui a pris dans la révolution russe de 1917 la forme du pouvoir des soviets. Passant sur les vrais problèmes de cette révolution russe, Besancenot et Löwy choisissent surtout de parler de Kronstadt et du conflit entre les bolcheviks et l’armée paysanne de Makhno. Pas un mot de l’analyse du stalinisme qu’ont donnée ceux des bolcheviks qui ont lutté contre la dégénérescence de la révolution, les tendances bureaucratiques de l’appareil dont Staline était en quelque sorte le porte-parole, la contre-révolution en Europe et l’isolement de la révolution qui l’ont fait crever sur pied (problème essentiel à discuter avec les anarchistes).

À notre époque où il est courant de présenter le stalinisme comme l’héritier du bolchevisme, c’est cette analyse qui manque. Même si Besancenot et Löwy rappellent, bien sûr, que, pour eux, il y a bien une rupture complète entre bolchevisme et son antithèse, le stalinisme.

Même omission des problèmes politiques dans le résumé qu’ils donnent de la révolution de 1936 en Espagne, où se sont retrouvés anarchistes et marxistes avec, cette fois, au départ, une nette prépondérance du courant anarchiste dans la classe ouvrière. Les deux auteurs tiennent à citer, sans y porter aucun jugement, le fait que le courant anarchiste, en principe hostile à tout État et gouvernement, a fini par envoyer quatre ministres dans le gouvernement bourgeois du socialiste Largo Caballero « dans l’idée que celui-ci ne fera qu’avaliser les décisions prises par la base ». Et de rappeler par ailleurs que les anarchistes espagnols, pourtant anti-électoralistes, avaient voté en 1936 pour le Front populaire en compagnie du POUM (comme quoi toutes les convergences anarchistes-marxistes ne sont pas forcément pour le meilleur).

Aujourd’hui, où beaucoup tirent un trait d’égalité entre communisme et stalinisme, bien des jeunes révoltés par la société se tournent plus facilement vers l’anarchisme ou vers l’apolitisme des « mouvements sociaux » que vers les idées communistes. Mais c’est aussi pour cela que les problèmes politiques méritent d’être d’avantage posés et creusés que masqués au nom de l’anti-dogmatisme. Car, si nous sommes bien persuadés, comme les auteurs, que libertaires et marxistes auront de nombreuses occasions de se retrouver du même côté de la barricade, ce ne peut être aux dépens d’une confrontation de la politique concrète des uns et des autres.

Olivier BELIN

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