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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 90, novembre-décembre 2013

Livres

16 novembre 2013 Convergences Culture

Quand le polar s’empare des suicides chez France Telecom

  • Les visages écrasés

de Marin Ledun

Éditions du Seuil. 320 pages. 18 €.

Carole Mathieu est psychologue dans un centre d’appels. Elle a très vite compris que, aux yeux de ses patrons, son rôle est de faire accepter leur sort aux salariés. Méthodes de management : tension permanente suscitée par la concurrence entre collègues et l’affichage des résultats, mutations, valse des responsables d’équipe, infantilisation des salariés, folie de la course aux chiffres, pressions continuelles. Même le cadre élu « Manager de l’année » va craquer. Carole est elle-même victime du harcèlement de directeurs qui estiment que son travail ne correspond pas aux objectifs. Ses relations ne sont bonnes ni avec le personnel, ni avec les patrons, ni avec le syndicat qui cogère plus ou moins mollement la situation.

Ce roman noir très réaliste décrypte au fil du temps tous les éléments qui vont pousser Carole, pourtant mieux armée que les autres, à commettre l’acte fatal. Au passage, nous voyons avec quelle hypocrisie et quel cynisme les patrons gèrent médiatiquement un suicide. L’enquête policière sur le meurtre commis au début du roman sert de fil conducteur, mais l’auteur s’est davantage intéressé au social qu’au suspense. Un livre à faire lire d’urgence à votre DRH s’il se prend trop au sérieux.

G.R.


Témoignages et souvenirs

  • La fin de l’homme rouge

de Svetlana Alexievitch

Éditions Actes Sud. 544 pages. 24,80 €.

L’écrivaine biélorusse, née en 1948, évoque ici deux périodes de l’histoire russe, celle de la défunte Union soviétique et celle qui lui a succédé avec Gorbatchev et les débuts de la perestroïka. La fin de l’homme rouge est une mosaïque de récits, souvenirs et témoignages de dizaines d’habitants de l’ancienne URSS, appartenant à toutes les catégories sociales. L’Homo sovieticus ressemble comme un frère à l’auteure, ayant elle-même traversé cette époque.

En contrepoint, on trouve dans la dernière partie des interviews de jeunes Russes, nés au début des années 1990, exprimant leur point de vue sur l’époque précédente et sur leur propre époque. Cette œuvre polyphonique fait entendre la voix des victimes, parfois consentantes voire complices de la dictature stalinienne, avec leurs contradictions, leurs souffrances, leurs idéaux, leurs espérances, leur aveuglement et leur désenchantement. Elle montre le désarroi de ces « soviétiques » à l’heure de la perestroïka avec ses promesses de liberté, son inflation galopante, ses mafias et ses nouveaux riches comme égarés dans un film de gangsters. Le livre nous rappelle aussi qu’à l’époque des goulags existait malgré tout – ou pour cette raison peut-être – une vie intellectuelle foisonnante en partie clandestine, avec ses lecteurs passionnés, ses écrivains, ses poètes et ses chanteurs. L’auteure – qui rejette dans un même opprobre Lénine et Staline et dont nous ne partageons certes pas les convictions politiques – restitue ici avec sensibilité et talent ce qui « bouillonnait » alors dans « la marmite russe ». Captivant.

Charles BOSCO

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