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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 91, janvier-février 2014 > DOSSIER : Centrafrique, Françafrique : la spirale guerrière

Libye… Mali… Centrafrique… Sud-Soudan… Autant de guerres pour le contrôle des richesses de l’Afrique

14 janvier 2014 Convergences

Un an après le début de la guerre du Mali, lancée il y a un an, le 11 janvier 2013, où les troupes françaises sont toujours enlisées, François Hollande s’est engagé cette fois dans le pays voisin, la Centrafrique. Au Mali, c’était – prétendait-il – contre le « terrorisme » des groupes armés islamistes qui occupaient le nord du pays. En Centrafrique, ce serait de l’« humanitaire », pour sauver le pays des massacres intercommunautaires.

Si tel était le cas ? pourquoi Hollande aurait-il attendu six mois pour intervenir après le renversement, en mars dernier, du président Bozizé par les groupes rivaux de la Séléka (appuyés par le Tchad) ? Renversement suivi des exactions de ces derniers contre la population centrafricaine, puis des massacres perpétrés en retour par les « anti-balaka » ou milices chrétiennes liées au dictateur sortant ? Et, surtout, pourquoi la France aurait-elle soutenu si longtemps la dictature de Bozizé ? Car la France ne s’était pas contentée de l’aider à prendre le pouvoir en 2003. En 2007, ce sont les troupes et l’aviation françaises qui ont aidé à sauver son régime contre les rebelles du nord, ceux-là même qui constituent aujourd’hui la Séléka, dans une guerre où l’armée de Bozizé (un ami bien peu « humanitaire » !) avait rasé plus de 10 000 maisons du nord du pays et fait plus de 200 000 réfugiés.

À deux pas de l’aéroport de Bangui et de la logistique française, la détresse des réfugiés…

À tous ceux qui rêvaient que l’intervention de la France puisse – malgré tout – arrêter les massacres, les événements de décembre ont apporté leur triste démenti : se sentant renforcés par l’arrivée des troupes françaises, les groupes chrétiens et « anti-balaka » en ont profité pour multiplier leurs massacres dans les rues de Bangui, y faire la chasse aux gens du nord supposés musulmans, pro-Séléka ou Tchadiens. Avec les exodes vers le nord auxquels on a assisté.

Quant aux populations de Bangui qui ont cherché refuge auprès de l’armée française en s’entassant autour de l’aéroport, elles s’y retrouvent démunies de tout, sans eau potable, sans latrines, sans douches, avec un hôpital de fortune monté par une ONG. Au 1er janvier ce camp de fortune regroupait 100 000 personnes. À deux pas, sur l’aéroport, s’étalait la logistique militaire française, cargos déversant hommes et matériels… mais rien pour la population ! Sans parler des bavures des troupes du Tchad, alliées de la France au Mali et en Centrafrique, qu’on s’efforce donc d’écarter en les envoyant faire la police dans le nord, après qu’elles ont tiré sur des soldats burundais de la force internationale, tué des civils centrafricains, et ont été prises en haine par une partie de la population de Bangui (et évidemment par les milices anti-balaka) pour le soutien qu’elles ont apporté à la Séléka.

L’intervention de l’armée française en Centrafrique semble bien guidée par les seuls intérêts des trusts français. En Afrique en général, davantage qu’en Centrafrique elle-même dont le bois, une extraction de diamants en perte de vitesse ou un gisement d’uranium à l’état de prospection à ce jour, pèsent moins que l’uranium du Niger ou le pétrole du Tchad. Mais il s’agit du maintien de l’ordre dans la région, pour que continuent à couler les profits tirés de l’exploitation des richesses de l’Afrique.

Si la France a reçu l’aval de l’ONU, c’est que les grandes puissances y trouvent aussi leur compte : les marchés sont bien plus diversifiés et entremêlés aujourd’hui qu’au temps des colonies ou à l’aube des indépendances. Mais la France impérialiste escompte que son rôle de maître d’œuvre de l’opération lui permettra de garantir, voire de renforcer ses parts de marché qui seraient en érosion, même dans ses ex-colonies. [1].

Un jeu de dominos infernal

Et c’est un drame sans fin. Car le pillage forcené des richesses du continent africain, comme l’enchaînement des guerres dites de maintien de l’ordre, engendrent cette situation de guerre permanente que connaît tout une partie de l’Afrique aujourd’hui. Jeunes dans la misère, centaines de milliers de personnes déplacées, multiplication des camps de réfugiés, développement des groupes armés et rivalités régionales religieuses ou ethniques exploitées par des potentats locaux en mal de pouvoir, voilà les plaies nourries par les exactions de l’impérialisme.

On assiste à un jeu de dominos infernal. La guerre de Libye, avec le reflux vers le sud africain des mercenaires de Kadhafi et la multiplication des trafics d’armes, a fait vaciller le fragile équilibre du Mali. L’armée tchadienne largement mobilisée au Mali a contribué à déséquilibrer la Centrafrique. Les dictatures entretenues par la France et les opérations de répression menées ou épaulées par son armée ont mené à la fragilisation accrue de la Centrafrique. Sur fond d’uranium ou de pétrole. Car, non loin de là, au Sud-Soudan, c’est la course à l’or noir qui a incité les grandes puissances, USA en tête, à basculer en 2011 du côté des rebelles indépendantistes contre un régime de Khartoum qui n’était pas à leur botte, ou pas assez. Mais, depuis décembre, c’est la guerre à l’intérieur même du nouvel État du Sud-Soudan, avec intervention des grandes puissances. Pour le pétrole.

2 janvier 2014, Olivier BELIN


[1La ministre française du commerce extérieur s’en plaignait début décembre : « Notre part de marché diminue nettement dans les pays d’Afrique francophone, où elle a été divisée par deux en 20 ans (…) la France, qui reste hors hydrocarbures le premier investisseur en Afrique, a vu sa part de marché décliner, sur l’ensemble du continent africain (…) alors que, dans le même temps, celles des Chinois passait de 2 % à 16 % sur l’ensemble du continent ». La guerre, un moyen de les relever ?

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