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Liban : la révolution nait des entrailles du chagrin, documentaire de Sarah Claux, Arthur Sarradin et Charbel El-Cherif

LCP, 2021, 52 min, replay sur la chaîne

14 octobre 2021 Article Culture

Le titre du film, Liban : la révolution naît des entrailles du chagrin, peut apparaître obscur ou provocateur. Le plongeon dans ces semaines de révolte en dit pourtant la grande force. Durant cinquante minutes, quatre militants de la Thawra (révolution) sont interviewés et revivent leur révolution : du 17 octobre 2019 jusqu’à l’explosion du port de Beyrouth en août 2020, ils font partager leurs espoirs, leur colère et les transformations de leur pays. Ils viennent de la capitale, Beyrouth, de Tripoli au nord ou de la plaine de la Bekaa, et sont tous militants. Ils étaient dans la rue dès le 17 octobre contre la vie chère, la corruption des élus et le confessionnalisme. Leur parole est accompagnée de nombreuses images d’archives – parfois les leur : des manifestations, des prises de paroles ou encore des extraits de journaux télévisés.

Pour ceux qui n’ont pas suivi les évènements qui ont agité le Liban, comme pour ceux qui veulent les revivre, ce film en retrace les grandes étapes : les premières démissions du gouvernement, l’ivresse de la lutte et du tous ensemble, qui bouscule les clivages religieux entretenus et institutionnalisés par le régime, le combat commun. Mais aussi les difficultés : la répression, les mensonges du gouvernement, les trahisons répétées des cliques religieuses au pouvoir, ces cliques liées à tout un passé de domination sur les classes populaires du pays, dont un grand nombre de réfugiés palestiniens et syriens. Et aujourd’hui, la pauvreté, la misère et l’inflation.

Les images comme les témoignages sont une réponse partielle à la question posée par le documentaire : non, ils ne se sont pas battus pour rien, le mouvement a fait sauter certaines barrières. En premier lieu, une dénonciation unanime du gouvernement dont l’incurie s’est illustrée de la pire des manières lors de l’explosion du port de Beyrouth, laissant les Libanais seuls pour prendre en charge les dégâts, humains et matériels. Autre force du mouvement, la volonté d’affronter ensemble ce pouvoir qui ne favorise que les élites, force d’un mouvement qui dépasse désormais les clivages confessionnels. Les dirigeants de la demi-douzaine de cliques rejetées par cette révolution, qu’ils soient chrétiens maronites, musulmans chiites (dont le Hezbollah) ou musulmans sunnites ont démontré leur solidarité pour leurs intérêts propres contre ceux de la population. Et se sont tous rangés, d’une façon ou d’une autre, contre la révolte. Intéressant est l’échange entre le relativement jeune professeur engagé dans la révolution d’octobre 2019 et son père, encore porteur de quelques illusions sur un Hezbollah vivant beaucoup de clientélisme social.

Une question reste cependant en suspens : que faire désormais ? Face aux difficultés qui accablent les Libanais, comment reprendre la lutte ? Aujourd’hui, 50 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Les pénuries d’essence, l’inflation, et les trois heures, au mieux, d’électricité par jour rendent le quotidien des travailleurs invivable. Le film ne répond pas mais montre une population, certes très estudiantine, qui n’a pas perdu le souvenir et les espoirs de sa révolution, et n’attend que de pouvoir la raviver. Ce qui s’était fait au printemps 2020, malgré la chape de plomb de la pandémie de Covid et avant le terrible coup (200 morts et des milliers de blessés) de l’explosion du port de Beyrouth. Due aussi à l’incurie des castes dirigeantes – celle de Hariri entre autres ayant eu longtemps l’appui de l’impérialisme français.

Alix Nilabli

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