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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 102, novembre-décembre 2015 > DOSSIER : COP 21 : avec de tels sauveurs, la planète est mal barrée

Leur slogan : Vive l’économie verte… à condition qu’elle devienne rentable !

9 décembre 2015 Convergences Société

Les patrons des multinationales, dont certains finançaient hier les climato-sceptiques, préfèrent aujourd’hui s’afficher dans les COP et mettre en scène leurs ambitions écologistes plutôt que de nier l’évidence. BP, responsable de la plus grande marée noire de l’histoire dans le Golfe du Mexique, s’est rebaptisée aujourd’hui « Beyond Petrol » (« au-delà du pétrole »), et investit, comme les autres trusts de l’énergie, dans les énergies renouvelables. Les éoliennes ont recouvert le Danemark et le Nord de l’Allemagne, les panneaux solaires sont produits en masse en Chine, avec des améliorations technologiques notables. Même si la croissance de la part du renouvelable dans le « mix énergétique mondial » est très lente, même si elle n’empêche pas la croissance en valeur absolue des énergies fossiles, ces investissements « verts » existent et rien n’interdit qu’ils se développent à l’avenir, s’ils deviennent rentables.

Contrairement à l’image d’Épinal, les capitalistes et leurs gouvernements, qui se partagent le monde, s’intéressent de très près aux problèmes écologiques et en particulier au changement climatique, car cela a des conséquences sur leur accès aux ressources et sur toute l’organisation sociale dont ils sont les maîtres.

Mais ils prennent en compte les contraintes écologiques à leur manière, bien particulière. Stopper ou freiner le réchauffement climatique ? Peut-être, mais pas pour prévenir les dangers terribles qu’il fait peser sur les populations les plus pauvres, celles qui, du Bangladesh à l’Afrique subsaharienne, en ressentent déjà les effets. Non, seulement dans la mesure où celui-ci menace les conditions de la production, et donc du profit, à moyen terme.

La « transition énergétique », qui consiste à transformer l’appareil de production de façon à émettre moins de gaz à effet de serre, est envisagée uniquement par le prisme du profit. Cela se traduit à la fois par une course de lenteur entre pays et entre industries pour débourser les sommes nécessaires à cette coûteuse transition, mais aussi par la volonté de chacun des acteurs d’être bien positionnés sur la ligne de départ si jamais l’économie verte décollait.

Les contours de cette économie verte aujourd’hui en gestation sont discutés dans les COP. Rien ne garantit qu’elle se développe réellement – on se souvient des mirages de la nouvelle économie numérique. Mais les mesures prises pour en déterminer les règles sont tout à fait significatives de la manière tordue dont le système capitaliste organise la production à l’échelle mondiale.

Les pétroliers contre le climat

À Bonn, lors d’une réunion de négociation préparatoire à la COP 21, les principales ONG environnementales ont remis à l’ONU une pétition demandant l’exclusion des représentants des industries fossiles des négociations. Ils n’ont pas été entendus.

Les intérêts des géants du pétrole, du charbon et du gaz sont pourtant diamétralement opposés à l’objectif de limiter le réchauffement à 2°C. Car pour l’atteindre, il faudrait qu’elles acceptent de laisser sous terre 4/5 des réserves fossiles dont elles sont propriétaires. Or ces réserves sont capitalisées, c’est-à-dire qu’elles sont comptées dans leurs actifs et déterminent leur cotation en bourse. Y renoncer équivaudrait à une destruction de capital coûteuse, à moins qu’elle ne soit compensée par les États – donc payée par les contribuables.

Par ailleurs, la majeure partie du système de production d’énergie mondial, basé sur les fossiles (centrales thermiques), devrait être mis à la casse avant amortissement. Ces installations (dont la plupart ont été construites dans les années 2000 dans les pays émergents comme la Chine) ont en moyenne encore 40 ans de durée de vie devant elles. Cela représente un cinquième du PIB mondial, autant de capital qui devrait être détruit.

Rien d’étonnant alors que le projet d’accord qui sera fignolé à la COP 21 ne contienne pas d’objectifs chiffrés de réduction d’émissions avant 2050. Les industriels de l’énergie promettent que la prochaine vague d’investissements dans le secteur de l’énergie sera verte. Mais pas question de mettre au rencart les installations existantes, quitte à polluer encore 40 ans alors que des techniques beaucoup moins coûteuses en fossiles existent. Cette limitation guidée par le principe de rentabilisation du capital existant rentre en contradiction avec les préconisations du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) qui insiste pour que des mesures contraignantes soient prises dès 2020.

Leur « transition énergétique »

Les inconvénients de la transition énergétique pour le profit à court terme de nombreux secteurs industriels sont indéniables. Mais c’est pourtant le propre du capitalisme que de « révolutionner en permanence les moyens de production », comme disait Marx. Lorsque les perspectives de profit sont au rendez-vous, bien des industries sont capables de se moderniser en un rien de temps pour les saisir, quitte à mettre à la casse des installations fonctionnelles mais rendues obsolètes par de nouvelles techniques plus rentables.

Par exemple, les États-Unis ont complètement transformé leur production énergétique en une petite décennie en exploitant les huiles et les gaz de schistes, sans aucune difficulté pour lever les centaines de milliards de dollars nécessaires. Il faut dire que cet investissement a été subventionné par l’État américain qui voyait bien des avantages à renforcer sa souveraineté énergétique au moment où les choses se compliquaient au Moyen-Orient.

À l’inverse, la chute actuelle des cours du pétrole rend complètement inutile quantité de plate-formes ou de puits sophistiqués dans lesquels l’extraction est coûteuse, et menace même les récentes installations d’extraction de pétrole de schistes. Ce sont des investissements considérables, gelés par les surprises des lois du marché du pétrole, mais qui n’ont pas empêché les compagnies pétrolières de faire encore du profit cette année.

Tout cela pour dire que le déploiement rapide de nouveaux moyens de production d’énergie plus économes en fossiles peut s’envisager dans le cadre du système capitaliste. Mais il faut, soit qu’il devienne rentable – et c’est loin d‘être le cas –, soit que les États prennent en charge cet investissement et fassent payer le coût de la transition à la population, comme ils nous font aujourd’hui payer la crise.

Cela dit, aujourd’hui nous sommes loin de ces scénarios. Entre 2011 et 2013, les investissements privés dans les énergies renouvelables ont baissé de 23 %. Et le secteur public ne montre pas l’exemple : au niveau mondial, les subventions pour l’énergie verte sont de 100 milliards de dollars, contre 600 pour les énergies fossiles (New climate economy 2014).

« L’économie verte » : extension du domaine de la finance

En mai 2015, au sommet des chefs d’entreprise pour le climat qui se tenait à Paris, dans le cadre de la préparation de la COP 21, Hollande promettait aux patrons de définir le cadre de la transition énergétique avec eux et leur garantissait que cette transition sera une opportunité pour leurs profits, en leur permettant de mettre la main sur de nouveaux marchés, ici et dans les pays du tiers-monde. Comment refuser une telle proposition ?

Pour illustrer cette fonction des COP, voici ce qu’en disait Pablo Solon, qui représentait la Bolivie à la COP 15 à Copenhague en 2009 :

« Pour la logique du capital, la crise climatique n’est pas un problème mais une opportunité, et pas des moindres : c’est pendant les crises que les grandes fortunes se créent, et après un ouragan, il y a toujours beaucoup d’infrastructures et de services à reconstruire [...] Quand les négociations sur le changement climatique ont commencé, il y a de ça 25 ans, le secteur privé n’était qu’un secteur de la société civile parmi tous ceux qui participaient en tant qu’observateurs aux COP. Aujourd’hui c’est le secteur le plus important, avec des milliers de délégués, qui dépassent en nombre tous les autres observateurs de la société civile. »

Le tableau est saisissant. Mais pas tout à fait juste : il n’y a jamais eu d’époque bénie où les sommets pour l’environnement réunissaient des écolos qui se préoccupaient de l’avenir de la planète. Dès leur naissance sous l’égide des Nations unies, ces grand-messes ont toujours été en réalité des négociations commerciales internationales.

Stella MONNOT

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