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Les urnes auraient parlé en Kanaky-Nouvelle-Calédonie ? Plutôt elles se sont tues !

14 décembre 2021 Article Politique

Le « non » l’a emporté lors du troisième référendum, dit d’auto-détermination, organisé ce dimanche 12 décembre en Kanaky-Nouvelle-Calédonie par l’État français. Selon Emmanuel Macron, le référendum « confirme le souhait de la majorité des Calédoniennes et Calédoniens » qui auraient « choisi de rester français », « librement ». À l’écouter, on aurait donc assisté à un grand moment de démocratie. Vraiment ? Entre des référendums d’auto-détermination où le corps électoral est composé d’une minorité de Kanak (la population originelle de l’archipel avant la colonisation) et le maintien du scrutin alors que le Covid frappe durement l’archipel et particulièrement les populations kanak, cette démocratie a une drôle de saveur ! Sans parler des milliers de policiers et militaires spécialement déployés pour l’occasion.

Les urnes ont parlé selon Macron ? Elles se sont surtout tues : 43,9 % de participation – contre 85 % au référendum précédent – et un boycott des urnes [1] massivement suivi dans les provinces à majorité kanak.

C’est « nickel » pour l’État français

Pourquoi l’État français s’accroche-t-il à ce territoire situé à 18 000 kilomètres de Paris ? Les réserves de nickel sont une source de profits juteux, notamment pour l’entreprise minière française Eramet, et le seront d’autant plus à l’avenir qu’un boom des voitures électriques est annoncé. La mainmise sur l’archipel permet également à la France de maintenir une présence militaire dans l’océan Pacifique et d’y contrôler de larges zones maritimes. Dans l’affrontement impérialiste entre grandes puissances pour le contrôle politique et économique de la planète, l’État français s’appuie sur les derniers restes de son empire colonial, en Kanaky-Nouvelle-Calédonie comme ailleurs.

L’inflexibilité de Macron par rapport à la tenue du référendum – et ce malgré la demande de report du camp indépendantiste au vu de la crise sanitaire qui touche l’île – n’est également pas sans arrière-pensées électorales : il ne s’agirait pas, à quelques mois du scrutin présidentiel, de se mettre à dos l’électorat de droite en apparaissant comme le président qui aurait porté atteinte à la « grandeur » de la France.

Des référendums bidon

Après des luttes indépendantistes intenses au cours des années 1980, et une dure répression de l’État français, celui-ci avait dû promettre, lors des accords de Nouméa en 1998, ces référendums dits « d’autodétermination », programmés pour être organisés… vingt ans plus tard. Mais les dés sont pipés d’avance : les Kanak ne représentent aujourd’hui que 40 % de la population, la Kanaky-Nouvelle-Calédonie ayant été une colonie de peuplement depuis la fin du XIXe siècle. Et sur l’archipel, la stratification sociale recoupe presque en totalité les communautés : les franges les plus pauvres de la population sont kanak tandis que l’économie est principalement entre les mains de quelques grandes familles caldoches, les descendants des colons blancs.

Cette minorisation démographique donne ainsi aux Kanak un « droit à l’autodétermination » tout relatif…

Et si le oui l’avait emporté dans les urnes ? Les dirigeants indépendantistes, issus majoritairement de l’infime part de la population kanak qui a été cooptée à la gestion des affaires depuis plusieurs dizaines d’années, avaient prévenu lors des précédents scrutins : si le « oui » gagnait, il ne s’agirait pas de renverser la table mais de négocier des accords « gagnant-gagnant » avec l’État français. On connaît cette chanson : c’est celle que l’État français avait chantée aux populations africaines dans ses anciennes colonies dans les années 1950 et 1960. Résultat : l’État français a largement confisqué les indépendances pour maintenir sa domination – et celle des grands trusts français – sur place.

Solidarité avec les classes populaires kanak contre la domination coloniale de l’État français !

Ce troisième référendum était donc le dernier prévu par les accords de Matignon signés en 1988, puis de Nouméa en 1998 [2]. Mais la domination coloniale perdure avec le racisme, le chômage et la pauvreté massive qui l’accompagnent pour la grande majorité de la population kanak. Communistes révolutionnaires de France, nous sommes pleinement solidaires des aspirations des classes populaires kanak à lutter contre cette domination coloniale et à arracher une amélioration réelle de leurs conditions de vie. Depuis plusieurs années, on semble assister à un regain de politisation parmi la jeunesse kanak, qui s’est exprimée dans les urnes par le vote massif pour le oui aux deux précédents référendums, mais pas seulement : l’année 2020 a été marquée par de longs mois de lutte contre les grandes sociétés minières. Les aspirations légitimes de cette jeunesse kanak à lutter contre le sort qui lui est réservé ne dépendront pas d’un scrutin ou de tractations par le haut entre l’État français et le camp indépendantiste : l’espoir réside dans leur propre révolte pour renverser cette société, révolte qui pourrait d’ailleurs – pour commencer ! – trouver l’oreille des nombreux travailleurs de l’archipel originaires d’Asie ou des îles du Pacifique.

Boris Leto


[1Boycott appelé par la grande majorité des organisations indépendantistes au vu de la situation sanitaire qui a endeuillé nombre de villages kanak et entravé le déroulement de la campagne électorale.

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