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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 122, novembre 2018 > DOSSIER : 2008-2018 : La crise, dix ans après ?

DOSSIER : 2008-2018 : La crise, dix ans après ?

Les prémices de 2008, ou le capitalisme d’après-guerre, au fil des crises…

Mis en ligne le 13 novembre 2018 Convergences Monde Économie

Durant lesdites Trente Glorieuses (de la reconstruction d’après-guerre au choc pétrolier de 1973), la forte croissance économique dans les pays avancés a permis au patronat de lâcher une infime partie des nouvelles richesses aux travailleurs. L’inflation était forte mais les salaires augmentaient encore plus vite et le chômage était réduit. L’inflation a grimpé et la période a connu de nombreuses grèves – dont évidemment celle de 1968 – qui ont imposé des augmentations de salaire. Au début des années 1980, c’en était pourtant fini. Les chocs pétroliers des années 1970 avaient fragilisé les économies avancées.

Les années Mitterrand : retour des années fastes pour les patrons et les actionnaires

Les gouvernements des pays industrialisés ont alors lancé l’offensive. Reagan aux USA, Thatcher au Royaume-Uni, se sont attaqués aux syndicats, et derrière eux à tous les travailleurs, avec l’intention de réduire les salaires. En France, c’est Mitterrand (élu président en 1981) et le Parti socialiste au gouvernement (avec des ministres communistes) qui ont imposé le gel des salaires, supprimé des milliers d’emplois et réorganisé l’appareil productif par des nationalisations massives qui furent suivies de privatisations une fois les entreprises redevenues rentables. Cela a conduit en France à ce que les économistes appellent un « repartage de la valeur ajoutée » produite dans les entreprises : jusqu’en 1982, dans les secteurs de l’industrie, de la construction et des services marchands hors secteurs rentiers (finance, assurance et immobilier), les rémunérations salariales, cotisations patronales incluses, représentaient 76 % de la valeur ajoutée. La part revenant aux patrons étant de 24 %. À partir de 1988, en France, la part des salariés tombe à 68 % et celle des patrons monte à 32 %, soit une perte de 8 points pour les salariés dans ce partage. Pour l’illustrer plus concrètement : ces 8 points de valeur ajoutée représentaient 87 milliards d’euros en 2016, soit 5 000 euros par emploi, sortis de la poche des travailleurs de ces secteurs pour enrichir les actionnaires.

Aux États-Unis, il n’y a pas eu la même baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée, tout au moins en moyenne, puisqu’elle n’a été « que » de 3,5 points. Ce qui s’explique en partie par l’énorme augmentation des hauts salaires : les cadres dirigeants se sont versé des rémunérations mirobolantes. Si bien qu’au final, les 1 % les plus riches ont capté 23 % du revenu national en 2006, alors qu’ils n’en captaient que 8 % dans les années 1970. Ils retrouvaient ainsi le niveau de 1928 (24 %), veille de la grande dépression.

Nouvelles technologies

Les quinze années qui ont précédé la crise de 2008, entre 1995 et 2006, ont connu une croissance relativement forte, en particulier aux États-Unis (en moyenne 3,3 % par an) et en Chine (9,5 %), contre 2,3 % en France et 2,5 % pour l’ensemble de l’Union européenne. C’est l’économie américaine qui tirait l’ensemble de l’économie mondiale. Dans cette période, il y a eu une véritable croissance aux USA, boostée par la consommation à crédit, qui a largement contribué à la croissance mondiale. La productivité a beaucoup augmenté, avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication qui ont permis une organisation des entreprises, une utilisation des capitaux et une rationalisation du travail (y compris dans les services) plus aptes à dégager des profits. Ce fut l’essor de l’informatique, de la robotique et de l’introduction de ce qu’on appelle le lean management, ou Toyotisme, avec ses principes de zéro stock, de flux tendu et de processus qualité pour éviter les interruptions dans la chaîne de production. Ce qui voulait dire l’accélération des cadences pour les travailleurs.

Coup d’accélérateur de la finance

Le développement de la finance dans les années 1980-1990 a contribué à accélérer le processus. Les banques centrales ont mené une politique contre l’inflation, pour limiter les hausses de salaire et pour plaire à la finance – car si vous prêtez de l’argent à un taux de 5 % avec une inflation de 10 %, ce n’est pas une bonne affaire. La finance a été réorganisée, avec une vague de concentrations bancaires. En France, c’est encore Mitterrand qui s’en est chargé à coups de nationalisations suivies de reprivatisations. Les capitalistes ont développé leurs fonds d’investissement (avec les fonds spéculatifs ou fameux hedge funds, fonds de pensions, assurances-vie, etc.), maniant des masses financières énormes. Les PDG ont suivi le mouvement, eux-mêmes intéressés à augmenter leurs marges à coups de primes et stock-options. Le capitalisme s’est réorganisé sous la coupe de holdings géants et expansionnistes. Les années 1990 à 2007 ont vu un nombre croissant de fusions-acquisitions dans tous les secteurs. On peut citer l’exemple de « J2M », Jean-Marie Messier, qui a transformé la Compagnie générale des eaux en un géant de la communication (avec notamment Cegetel), de l’environnement (avec le futur Veolia) et du divertissement (avec entre autres Canal +, Pathé, Universal) sous le nom Vivendi. Les capitalistes ont été pris d’une boulimie de concentration du capital. L’année 2007 a battu tous les records, avec un montant total de fusions-acquisitions dépassant les 3 000 milliards d’euros. Presque le PIB de l’Allemagne de cette année-là.

En 1997 : crise asiatique

Les États d’Asie du Sud-Est avaient financé leur développement rapide à partir des années 1960-1970 en empruntant auprès des financiers occidentaux. Des emprunts en dollars et à court terme. Le succès de ces économies émergentes que certains ont qualifiées de « dragons » (Corée du Sud, Hong Kong, Singapour et Taïwan), puis de « tigres » (Thaïlande, Malaisie, Indonésie, Vietnam et Philippines), a attiré une masse de capitaux friands de taux d’intérêts élevés… et de main-d’œuvre à bas coût. Les crédits se sont répandus, ont alimenté non seulement les investissements, mais aussi la consommation. Une bulle de crédit a gonflé… jusqu’à exploser en 1997. D’abord en Thaïlande, où l’État endetté n’avait plus les moyens d’assurer la parité de la monnaie nationale, le baht, par rapport au dollar. Le baht s’est effondré. Les financiers occidentaux, qui avaient prêté à court terme, avec des prêts qui devaient être renouvelés régulièrement, ont retiré leurs capitaux. Les banques thaïlandaises se sont donc retrouvées en faillite par manque de liquidités, puisqu’elles ne pouvaient pas récupérer immédiatement l’argent qu’elles avaient elles-mêmes prêté pour les investissements, qui étaient des crédits à long terme et qui plus est en bahts. Une crise financière a donc éclaté. Et les capitalistes qui se sont mis à douter de l’ensemble des pays d’Asie du Sud-Est, ont retiré en masse leurs capitaux de la région. La crise s’est donc étendue à toute l’Asie du Sud-Est, et même au-delà à l’ensemble des économies émergentes en 1998 : Russie, Brésil et Argentine.

En 2000-2001 : crise des nouvelles technologies

Elle frappe cette fois dans les pays avancés. Les capitalistes avaient investi en masse dans les nouvelles technologies et notamment dans l’internet et la téléphonie mobile. C’est aussi la grande époque des start-up. À cette époque, on ne disait pas aux chômeurs de traverser la rue ou de s’acheter un vélo pour devenir auto-entrepreneurs : il fallait fonder sa start-up. Et effectivement, une multitude de start-up se sont créées, pas forcément avec des chômeurs, mais plutôt des ingénieurs et techniciens de l’informatique qui se sont mis à leur compte. Il y eu AOL, Netscape, Amazon, Ebay, PayPal, Free et bien d’autres, certaines qui ont réussi et beaucoup qui ont sombré dans l’oubli. Les grands groupes capitalistes ont regardé ce vivier avec appétit et ont commencé à racheter celles qui promettaient pour l’avenir, à des prix de plus en plus élevés. Par exemple, le futur fondateur de Meetic, Marc Simoncini, a reçu au début de l’année 2000 une offre d’achat pour sa société précédente, iFrance (un hébergeur de site web), de 100 millions de francs (15 millions d’euros) de la part de Bernard Arnault. Déjà de quoi se dire que quelque chose ne tournait pas rond, car sa société était loin de les valoir ! Mais deux mois plus tard, il la vendait pour dix fois plus (182 millions d’euros) à Vivendi. Les investisseurs et autres spéculateurs ne misaient pas sur le capital réel de l’entreprise, mais sur les profits futurs escomptés de l’internet. La bulle a grimpé, grimpé jusqu’au jour où les parts de marché et les bénéfices n’ont pas été au rendez-vous. Jusqu’à l’éclatement de la bulle en 2001, qui n’a pas fait de dégâts que dans le domaine de l’internet : fermetures d’usines de téléphonie, comme Alcatel, qui est passé de 120 sites de production à 12. Car les ventes de téléphones marquaient le pas, du fait d’un taux d’équipement qui commençait à ralentir. D’autres entreprises ont fermé leurs portes au même moment : en France, Mark & Spencer, Air Liberté, Lu-Danone, pour n’en citer que quelques-unes. Une vague de licenciements qui a entraîné des luttes et même des tentatives de convergences des luttes.

La crise, pas pour tout le monde… air connu !

Pour en revenir aux réorganisations et à la concentration du capital qui se sont intensifiées avec leurs lots de suppressions d’emplois dans les années 1990 et 2000, jusqu’à la crise de 2008, celles-ci ont entraîné un chômage élevé, particulièrement entre 1995 et 2000, alors qu’on connaissait des années de croissance relativement importante.

Au final, en France, rien que dans les dix années qui ont précédé la crise de 2008, les entreprises du CAC40 ont vu le total annuel de leurs profits multiplié par 2 et les dividendes versés aux actionnaires multipliés par 3,5. Les dividendes ont atteint 12 % de la masse salariale en 2007, contre 4 % en 1982… 

M.S.


« Licenciements boursiers »… ou seulement une plus grosse part du biscuit ?

Dans les années 1990-2000, les entreprises, sans forcément être en difficulté, ont cherché à redresser leurs taux de marge, poussées par les financiers et actionnaires. L’objectif assigné était d’augmenter en permanence les dividendes versés, un objectif évidemment pas nouveau, mais renforcé par la pression d’actionnaires davantage intéressés par la spéculation boursière et l’encaissement des dividendes que par les profits de long terme. Il ne suffisait plus qu’une activité soit rentable, elle devait l’être au-dessus de la moyenne. C’est d’ailleurs dans ces années qu’est apparu le concept de « licenciement boursier », ne visant qu’à augmenter le cours en bourse ; une notion cependant discutable, moyen facile pour excuser les autres licenciements qui n’auraient pas été boursiers, comme s’ils n’étaient pas tout autant le fruit de la course aux profits. Mais c’est ainsi que, début 2001, les salariés de LU, la branche « biscuits » de Danone, ont pris comme un coup de massue l’annonce de la fermeture de dix sites de production en France, alors que le groupe Danone venait de réaliser un bénéfice de 690 millions d’euros : 7,9 % de profits dans les usines de biscuits, ce n’était pas assez pour le PDG et les actionnaires, qui visaient 15 % sur l’ensemble du groupe.

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Numéro 122, novembre 2018

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