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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 17, septembre-octobre 2001 > DOSSIER : La santé malade du profit

Les médicaments sont une marchandise… profitable

22 septembre 2001 Convergences Société

Comme beaucoup d’autres secteurs, l’industrie pharmaceutique est l’objet depuis quelques années de concentrations à l’échelle mondiale, mais la particularité de cette industrie est qu’elle est sensée apporter la santé, aider à vivre et à vaincre des maladies.

On en est évidemment loin et quelques chiffres sont à eux seuls révélateurs : aujourd’hui 15% de la population mondiale consomme 81% des médicaments vendus. Evidemment ces 15% se concentrent en Amérique du Nord, Union européenne et Japon… L’Europe de l’est, l’Asie et l’Afrique représentent ensemble à peine plus de 11% du marché.

Deux raisons essentielles : la première, commune au reste de l’économie, est évidemment la concentration du marché là où les populations ont les moyens d’acheter des médicaments ; la seconde est le lien entre ce marché et les systèmes de santé, puisque une bonne partie de l’achat de ces médicaments est pris en charge dans ces pays par les systèmes de protection sociale, publics ou privés. C’est donc dans cette zone du monde que le complexe médico-industriel concentre son activité pour qu’elle soit la plus rentable. Et rentable elle l’est, puisque la profitabilité de la pharmacie est deux fois supérieure à celle de la chimie, et que de plus en plus les grands trusts de la Chimie différencient leur activité pharmacie et créent des structures mondiales regroupant Recherche et Développement, production et distribution.

Une dizaine de grands trusts de la pharmacie se sont constitués ces dernières années, américains et européens : en tête l’américain Pfizer (anticholestérol, Lipitor et Viagra), en second le britannique GlaxoSmithKline. Viennent ensuite Sanofi-Synthelabo, l’allemand Bayer, AHP (American Home Products), Aventis, Lilly (le fabricant du Prozac), Novartis, Roche… La majorité d’entre eux sont le produit de fusions récentes : Pfizer avec Warner-Lambert, Pharmacia avec Monsanto, Bristol-Myers avec Dupont, Hoechst et Rhône-Poulenc qui ont formé Aventis… ces concentrations se traduisant le plus souvent par des milliers de suppressions d’emplois.

Maintenir les trusts en bonne santé

Le problème de ce secteur est comme toujours la profitabilité, avec une particularité qui est le temps limité des brevets (de 10 à 15 ans) qui impose de rentabiliser le médicament sur un temps court et donc de jouer sur l’échelle de la vente. En effet, si en France la fabrication des médicaments génériques ne couvre que 5% du marché, ce chiffre est de 50% aux Pays-Bas, plus de 40% aux USA et 33% en Allemagne.

L’autre paramètre est le coût très élevé des travaux de Recherche et de Développement Un médicament n’est mis sur le marché que si l’on est sûr de son succès commercial. En pratique, les labos visent les block-busters (mot américain désignant à l’origine les très grosses bombes), les « méga-médicaments » : 22 d’entre eux représentent des chiffres d’affaires supérieurs à 5 milliards de francs. La plupart des grands labos vivent donc sur quelques médicaments phares : l’anglo-suédois Astra-Zeneca réalise 40% de ses ventes sur un anti-ulcéreux le Losec… qui va « malheureusement » tomber dans le domaine public.

Acheter le médecin pour vendre sa marque

Cette recherche du profit concentrée sur certaines spécialités amène tous les grands trusts à apporter beaucoup plus de soins au marketing qu’à la recherche. Les 15 plus gros laboratoires américains dépensent ensemble près de trois fois plus en marketing et frais administratifs qu’en R&D (Pfizer, par exemple, a dépensé 39% de son CA en 1999). Les entreprises françaises dépensent chaque année 12 milliards de francs au titre de la promotion auprès des prescripteurs.

Ainsi le laboratoire américain Lily a mené une véritable campagne de guerre pour faire vendre le Prozac en France. Campagne auprès des psychiatres pour obtenir des avis d’experts, campagne dans la presse médicale, séduction auprès des généralistes… la boucle est bouclée, ce médicament-miracle contre la dépression est prescrit désormais à 85% par des généralistes. Et la France est un marché de choix, puisque les Français consomment, par exemple, huit fois plus de tranquillisants que les britanniques.

Peu de secteurs donnent lieu à tant de dépenses de stages/villégiatures, de plaquettes luxueuses, de travail de lobbying auprès des ministères, de pressions directes sur les chercheurs universitaires, de mise sur pied d’armées complètes de visiteurs médicaux… Ainsi en France, tous ceux qui ont eu des bronchites connaissent le Rhinatiol… très peu la carbocistéine qui a rigoureusement les mêmes effets. Mais le premier est produit et efficacement distribué par Sanofi !

Gaspillages colossaux d’un côté, abandon de la recherche et de la production sur des produits de grande nécessité, prix exorbitants des certains médicaments pour assurer les profits : les grandes déclarations ministérielles et patronales sur le système de santé ne s’attaquent évidemment jamais à ce système du complexe médico-industriel. La recherche, la fabrication et la distribution des médicaments sont pourtant bien un besoin social qui devrait être totalement géré comme un service public, un service social qui touche un des besoins fondamentaux de la population.

Laurent CARASSO


Toujours plus

Aux USA, en 2000, les dix plus gros laboratoires pharmaceutiques ont réalisé un chiffre d’affaires de 179 milliards de dollars, avec une valeur ajoutée de… 121 milliard de dollars (soit l’équivalent du PIB d’un pays comme la Grèce ou le Portugal). Avec des taux de 18,6 à 30%, ils atteignent la marge nette la plus élevée de toutes les industries américaines.

Le groupe Sanofi-Synthelabo a, en 2000, amélioré son bénéfice annuel de.. 58% avec 985 millions d’euros. Et au 1er semestre 2001, ce groupe a encore amélioré de 50% son bénéfice avec 671 millions d’euros. Pour le même semestre, le groupe suisse Novartis a amélioré son résultat de 10% avec 2,44 milliards d’euros. Le groupe Roche, toujours au 1er semestre 2001, a dégagé un bénéfice net de 1,97 milliards d’euros. Ce groupe, trouvant sa marge trop faible (18% du chiffre d’affaires en 2000), a décidé de supprimer 3000 emplois pour porter cette marge à plus de 20%. Quant au numéro 1 mondial Pfizer, il a annoncé pour le second trimestre 2001 une progression de 30% de son bénéfice net avec 2,17 milliards d’euros !

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