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Dans le monde

Left Forum du 20 au 22 mai à New York

Les débats de 2016 au Forum annuel de la gauche radicale américaine

Mis en ligne le 29 juin 2016 Convergences Monde

Chaque année, une partie de la gauche radicale américaine, surtout sur la côte est, se retrouve dans la ville de New York pour trois jours de débats : ateliers, conférences et évènements culturels se succèdent à un rythme soutenu.

Les quelque milliers de personnes viennent de tous les horizons. Au Left Forum, se croisent ainsi des universitaires renommés, des militants politiques, des étudiants mais aussi des curieux en tous genres. Le but est de débattre de la situation politique tant aux États-Unis que dans le reste du monde. Cette année, le thème annonce la couleur : « Rage, Rebellion, Revolution : organizing our power » [1]. Des printemps arabes aux mouvements des places en passant par les manifestations contre les violences policières racistes aux Etats-Unis, une sorte d’ébullition politique se fait en effet sentir sur toute la planète depuis cinq ans. Dans toutes ces mobilisations, une question revient sans cesse : comment s’organiser ? C’est à ce difficile problème qu’est consacré le Left Forum cette année.

Do you « feel the Bern » [2] ?

Pendant ces trois jours, un nom revient sur toutes les lèvres : Bernie Sanders. Le sénateur du Vermont, qui brigue l’investiture du Parti démocrate pour la prochaine présidentielle, a réussi à séduire de larges couches de jeunes et de travailleurs autour d’un programme centré sur les questions sociales : santé et éducation gratuites pour tous, hausse du salaire minimum et lutte contre les inégalités. Depuis le début de la campagne de Sanders, se dire « socialiste » ne fait plus de vous un hurluberlu malfaisant aux États-Unis.

Un accord cependant parmi les participants du Left Forum : si Sanders se fait l’écho d’une colère et d’un espoir de changement bien légitimes, c’est pour mieux les canaliser dans une impasse : l’illusion de transformer le Parti démocrate de l’intérieur. Sanders a d’ailleurs d’ores et déjà annoncé qu’en cas de défaite aux primaires démocrates (hypothèse quasiment réalisée aujourd’hui), il soutiendrait Hillary Clinton. Or, celle-ci représente justement tout ce que les partisans de Sanders détestent, à savoir une politicienne professionnelle qui ne cache pas ses amitiés avec les patrons les plus riches. Ce constat fait, les désaccords commencent.

Tout un pan de la gauche radicale américaine, à commencer par l’invité phare de la conférence d’ouverture, le journaliste et auteur Chris Hedges, retombent en effet dans les mêmes travers électoralistes qu’ils reprochent à Sanders. Il s’agirait de construire un « troisième parti » rassemblant tous les déçus du Parti démocrate. Quelle stratégie pour ce rassemblement « radical », large et hétéroclite ? On n’en saura rien ou presque… Dans un atelier réunissant notamment des représentants du Parti vert et du groupe Socialist Alternative qui a lancé la pétition en ligne #movement4Bernie, la perspective politique principale était ainsi de faire pression sur Bernie Sanders pour qu’il se porte candidat comme indépendant aux prochaines présidentielles. Tranchant avec ce discours partagé par beaucoup, nos camarades de Speak Out Now [3] insisteront tout au long du week-end sur la nécessité de construire un parti révolutionnaire dans la classe ouvrière.

« Not climate change, system change ! »

Ce slogan, entendu dans les manifestations pendant la dernière conférence climatique à Paris, semble avoir le vent en poupe au Left Forum. Il s’agit de dénoncer la farce des négociations internationales et plus généralement l’imposture du « capitalisme vert ». Ce système économique peut-il intégrer des problématiques environnementales ? Ici, en tout cas, on n’y croit pas et on a des arguments : la protection de la nature demande souvent des mesures sur le long-terme qui ne génèreront aucun gain financier. Or, le capitalisme ne jure que par la course aux profits à court terme ! Le livre de Richard Smith au titre évocateur (Green Capitalism : The God that failed [4]), en bonne position sur les tables de presse du Left Forum, résume bien le propos.

Black lives matter [5] : comment s’organiser ?

Au détour des ateliers et des couloirs, on croise également des militants de Black lives matter : ce mouvement s’est développé pendant les manifestations de 2014 et de 2015 pour lutter contre les violences policières à l’encontre des noirs des quartiers populaires. Des centaines de noirs meurent chaque année sous les coups de la police américaine. Pour certains des militants engagés dans ce combat, un des problèmes réside dans l’existence d’une véritable élite noire. Par exemple, à Baltimore, une ville où d’importantes manifestations se sont déroulées en 2015 après le meurtre d’un jeune afro-américain par la police, la maire est noire ainsi que 50 % des policiers municipaux… Le développement de cette élite noire intégrée à l’appareil d’État — à commencer par Obama ! — n’a en rien mis fin au racisme envers la grande majorité des noirs américains. S’organiser uniquement en tant que Noirs ne suffit donc pas. Pour un intervenant du Black Agenda Report, un média qui se veut l’expression de la gauche noire américaine, le temps est ainsi venu de s’organiser sur les lieux de travail, là où le conflit de classe se déroule. Au cours de ce même atelier, Dan Georgakas [6] est justement revenu sur la lutte menée par un petit groupe militant, la Ligue des travailleurs noirs révolutionnaires, dans les usines automobiles de Détroit dans les années 1970.

Au delà des ateliers et des conférences, ce Left Forum est le lieu de multiples discussions, retrouvailles et prises de contact. La situation actuelle en France intéresse notamment beaucoup de participants : quelle est donc cette fameuse loi travail ? Où en est la lutte ? Peut-on gagner et comment ?

Finalement, un forum annuel positif pour celles et ceux qui aux États-Unis (et ailleurs) n’ont pas perdu l’espoir de changer cette société ! ■

28 mai 2016, Boris LETO

(de la Fraction l’Étincelle, invité par la délégation de Speak Out Now)


[1« Rage, Rébellion, Révolution : organiser notre pouvoir ».

[2Littéralement, « est-ce que tu sens le Bern [Sanders] ? ». « Feel the Bern » - jeu de mot avec l’expression « Feel the Burn » (« Sens la brûlure ») - est devenu un des slogans favoris des partisans de Bernie Sanders.

[3Speak Out Now est un groupe trotskyste militant essentiellement dans la baie de San Francisco  (http://speakout-now.org/).

[4Capitalisme vert : le Dieu qui a échoué

[5Littéralement, « Les vies noires comptent ».

[6Auteur, avec Marvin Surkin, du livre Detroit : pas d’accord pour crever, qui raconte l’expérience de la Ligue des travailleurs noirs révolutionnaires. Disponible en français depuis l’année dernière (éditions Agone, 24 euros).

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Numéro 106, juin-juillet-août 2016

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