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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 24, novembre-décembre 2002 > DOSSIER : Pétrole : ces trusts qui saignent la planète

DOSSIER : Pétrole : ces trusts qui saignent la planète

Les « chocs pétroliers » : mais qui a donc été heurté ?

Mis en ligne le 22 novembre 2002 Convergences Monde

En 1973 a lieu ce qu’on a appelé le premier « choc pétrolier ». Les pays de l’OPEP annoncent une brutale hausse des prix du brut. Les commentateurs parlent alors d’un nouvel ordre mondial, où les pays producteurs imposeraient leurs intérêts au détriment des pays consommateurs. On met en cause les « émirs du pétrole » qui menacent soit disant l’approvisionnement des pays développés.

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1973

En réalité, les grandes compagnies pétrolières, les « majors », sont entièrement favorables à cette augmentation. Mieux, cela les arrange que ce soit l’OPEP qui apparaisse au premier plan pour mieux voiler leur propre responsabilité. Cela ne signifie pas que les pays producteurs ont été de simples pions entre les mains de ces trusts mais que, pour une fois, leurs intérêts coïncident avec ceux des « majors ».

Les prix ont peu varié entre les années 1950 et les années 1960 alors que l’inflation a progressé. Une part de l’augmentation de 1973 ne fait donc que compenser la baisse des revenus réels des pays de l’OPEP pendant la période précédente.

Les compagnies pétrolières, elles, profitent d’abord elles aussi de la hausse décidée par l’OPEP et qui s’applique évidemment aux champs pétrolifères qu’elles exploitent encore directement au Moyen-Orient ou ailleurs. Elles en profitent aussi, grâce à leur position d’intermédiaires obligés dans le transport et le raffinage, pour prendre leurs dîmes sur ces activités et rajouter ainsi de nouvelles hausses à celles des prix à la production. A plus long terme la fin de l’ère du pétrole à bon marché va leur permettre de rentabiliser des investissements dans les gisements aux coûts d’extraction plus élevés ou plus difficiles à atteindre, comme en Alaska ou en Mer du Nord. Cela va aussi leur permettre de financer leur diversification vers d’autres sources d’énergie comme le charbon ou le nucléaire, même si cette stratégie n’a vraiment réussi que pour le charbon, dans lequel les trusts pétroliers ont conquis une position dominante, le nucléaire s’étant révélé moins juteux que prévu.

Ce sont donc bien les géants du pétrole qui ont tiré le mieux profit de ce premier choc pétrolier. On a beaucoup parlé des milliards de dollars revenus aux Etats producteurs, moins de l’augmentation des profits des compagnies pétrolières. En 1973, les bénéfices d’Exxon ont augmenté de 60 % par rapport à 1972, et de son côté la British Petroleum reconnaissait une progression de 370 % du bénéfice net.

1979

Entre 1973 et 1979, le prix du brut n’augmente quasiment plus, alors que le dollar, monnaie de paiement du pétrole, perd annuellement 10 % de sa valeur. A nouveau, le deuxième choc pétrolier, en 1979, vise à compenser ce manque à gagner. Les « majors » profitent alors d’un redémarrage temporaire de la production, notamment aux Etats-Unis, pour rééditer leur coup de 1973 : elles suscitent une peur de la pénurie et font à nouveau passer les pays de l’OPEP pour les seuls responsables de cette nouvelle hausse.

Ces pays ne vont pourtant pas en profiter longtemps. L’inflation et la chute du dollar au début des années 1980 vont vite grignoter la hausse et la réduire à néant pour les pays producteurs. De plus, aux prix de l’or noir qui, comme ceux de toutes les matières premières, ne cessent de chuter alors que ceux des produits manufacturés augmentent s’ajoute le recul de la part de l’OPEP dans la production mondiale : elle passe de 50 % en 1979 à 30 % en 1986.

Les compagnies, elles, peuvent bien accepter de voir chuter les prix à l’achat du pétrole ou les pays industriels faire un effort pour réduire leur consommation d’hydrocarbures sous l’effet du ralentissement de la croissance de l’économie mondiale. Pour elles, l’ère des économies et de la diversification des sources d’énergie est aussi l’occasion de justifier et rentabiliser les investissements faits ou envisagés après le premier choc de 1973. La consommation de pétrole augmente peu par rapport à la consommation de gaz et d’électricité, mais le charbon est remis au goût du jour. Les gisements ayant l’avantage d’être proches des grands foyers industriels ou à l’abri des secousses politiques d’un Moyen-Orient instable, sont de plus en plus exploités. La Norvège devient alors, par exemple, un des premiers producteurs mondiaux.

Les résultats en tout cas sont là. Entre 1982 et 1992 les chiffres d’affaire sont multipliés par 5 ou 6, pour Exxon, Mobil, Royal Dutch Shell, 6,7 pour Total et 11,3 pour Elf/Aquitaine !

2000

A partir de l’année 1999-2000, les compagnies mènent à nouveau une politique de hausse des prix. A nouveau sont agitées responsabilité de l’OPEP et menace de pénurie. En réalité ce sont les trusts eux-mêmes qui ont provoqué une pénurie des produits raffinés sur certains marchés, comme le fioul domestique ou le carburant automobile aux Etats-Unis.

C’est une manière de spéculer sur les cours du pétrole mais aussi de faire financer explorations et recherches nécessaires à l’avenir grâce aux surprofits supplémentaires faits sur le dos des producteurs comme des consommateurs. Et pourtant ces compagnies, encore plus puissantes et concentrées qu’en 1979, ont pu toutes ces dernières années tranquillement et sans trop d’investissements prendre possession de nouveaux champs pétrolifères, en rachetant tout simplement les réserves et exploitations des autres. Mais on ne comble pas l’appétit des ogres.

Lydie GRIMAL


Variation des prix du pétrole et des produits manufacturés de 1970 à 1990 (indice 100 : prix 1980)

1970 1973 1975 1979 1981 1985 1990
Pétrole 5,9 8,7 29,9 82,3 96,1 76,1 48,5
Produits manufacturés 34,0 46,2 63,4 90,2 94,8 87,1 136,8

L’arnaque

Une des tromperies les plus flagrante des opinions occidentales est la responsabilité totale mise sur le dos des pays producteurs, en particulier arabes, dans les augmentation du prix de l’essence. Non seulement le prix à la pompe a reflété de moins en moins le prix du brut et de plus en plus les hausses décidées sur le transport et le raffinage. Mais de plus il a été grevé par les taxes prélevées par l’Etat qui n’ont cessé d’augmenter. En France en 1991, les taxes de l’Etat représentaient 60 % du prix du pétrole raffiné.

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