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Le regroupement des révolutionnaires, un objectif à se donner ? Par où commencer ou par où continuer…

Mis en ligne le 14 septembre 2020 Convergence révolutionnaire internationale Monde

C’est une évidence qu’il manque aujourd’hui aux révolutionnaires communistes, au premier rang desquels les trotskystes, une internationale qui serait un état-major des forces prolétariennes, une direction pour toutes celles et ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre et/ou subissent des oppressions spécifiques. Ce besoin est d’autant plus pressant que face au talon de fer des multinationales et à l’agressivité politique guerrière des grandes puissances qui en défendent les intérêts, empilant les plans d’austérité et rognant jusqu’à l’os les services publics, des révoltes sociales ont éclaté dans de très nombreux pays, non seulement concomitantes mais dressées contre les mêmes injustices et inégalités du système capitaliste, avec la jeunesse urbaine aux avant-postes.

Ce potentiel contestataire si ce n’est révolutionnaire, portant des idéaux démocratiques bousculant les défigurations des vieilles démocraties bourgeoises discréditées, exigerait d’être renforcé par des liens, des échanges d’informations et d’expériences, voire des actions et des interventions communes – autour de perspectives d’émancipation sociale et de renversement des pouvoirs en place de la bourgeoisie. Une internationale, un drapeau et un programme, seraient plus que jamais indispensables dans la situation actuelle, d’autant plus que les chocs violents qui ont marqué ces dernières années et tout particulièrement 2019, après la vague de révoltes des printemps arabes en 2011, ne seront probablement pas si facilement étouffés par la tragique pandémie de coronavirus et la recrudescence de mesures répressives auxquelles elle donne lieu de la part des pouvoirs en place, sous prétexte de faire respecter le confinement. Sous nos yeux, on le voit aujourd’hui un peu partout dans le monde, ce prolétariat auquel l’impérialisme offre la seule alternative de mourir du coronavirus (entre autres maladies et épidémies liées à l’incurie sanitaire) ou de mourir de faim.

Du côté des révolutionnaires, le tableau offert n’est évidemment pas celui du front international contre l’ennemi ! Plutôt d’une totale désorganisation et dissémination, rarement atteintes jusque-là. Mais la situation est-elle aussi catastrophique qu’en apparence ?

Une situation « objectivement » favorable, car on a connu une remontée de mobilisations sociales qui ont pris un caractère planétaire

Les atouts : les révoltes et insurrections qui saisissent la planète, en vagues concomitantes et en réaction à des causes diverses mais similaires, peuvent être le ciment d’un rapprochement organisationnel entre courants et groupes représentant les révoltés et les insurgés. Les conditions imposées par la pandémie mondiale, partout gérée dans l’intérêt non des vies mais des profits, peuvent renforcer le ferment commun. C’est de situations de luttes sociales et politiques – rarement de temps de paix – que peuvent émerger des prises de consciences et des organisations révolutionnaires – même si rien n’est automatique. Et émerger un regroupement international quand les révoltes saisissent précisément presque toute la planète dans un même temps, même si c’est en ordre dispersé.

Depuis des décennies, depuis les lendemains de la seconde guerre mondiale, la planète n’a malheureusement pas manqué de feu et de sang : une vague de révoltes coloniales a existé ; puis des révolutions ou mobilisations de masse dans certains pays de l’Est contre la mainmise de la bureaucratie soviétique ; puis la vague contestataire de l’année 1968 ; puis des vagues d’émeutes dans le tiers monde contre les plans d’ajustement du FMI ; puis de grandes vagues de grève, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, aussi bien au Brésil qu’en Corée, en Pologne ou en Afrique du sud, à une époque où l’on vivait encore dans un monde cloisonné en deux blocs dont la division (apparente) a certainement nui à la cohésion mondiale de la lutte de classe. Avec quelque optimisme – révolutionnaire, il en faut – fondé sur la mondialisation de la lutte de classe à laquelle on assiste aujourd’hui – avec toutes ses faiblesses -, on peut espérer que la mondialisation plutôt sauvage du capitalisme issue de la disparition de l’URSS et de sa zone d’influence, engendre un niveau d’exaspération et de mobilisation prolétaires, à l’échelle de la planète, qui pourrait amener à des contacts et des interventions concertées, et être le creuset d’une future internationale. A un très petit niveau bien sûr, nous avons vu ressurgir dans les mobilisations en France, en particulier chez les Gilets jaunes mais pas seulement, en réaction souvent à la brutalité sociale et policière, les cris slogans de « anticapitaliste » ou « révolution ».

Bien sûr, il n’y a pas dans la situation que des éléments favorables. Des courants réactionnaires s’enhardissent aussi, et pas seulement sur le terrain électoral même s’il demeure privilégié. Même aujourd’hui, dans ce contexte de résistance sanitaire au coronavirus, à la sauce patronale évidemment, on voit surgir des difficultés et problème politiques : des travailleurs, parmi les plus pauvres, que ce soit aux USA ou dans des pays d’Afrique, crient « plutôt bosser que mourir de faim », car on ne meurt pas que du coronavirus, « la pauvreté aussi tue ». Avec le risque que des travailleurs, consciemment ou généralement non, se rangent dans le camp de leurs exploiteurs ou de politiciens de droite ou extrême droite, à commencer par Trump et Bolsonaro, les champions du non-confinement ! A ces courants-là aussi, la période pourrait se montrer favorable. Et dans la course de vitesse, force est de constater que les révolutionnaires n’ont pas une longueur d’avance !

Une situation complexe sur le plan « subjectif » : plus de révolutionnaires que jamais sur la planète, mais plus dispersés que jamais ?

On assiste, ces dernières décennies et tout particulièrement la toute dernière, à une arborescence à l’infini des « internationales » trotskystes et de leurs boutures et surgeons nationaux. Prises toutes d’un genre de frénésie de scissions. Des « monuments » se sont écroulés, et on pourrait dire que tous les grands courants historiques du trotskysme ayant une certaine existence et une histoire de plusieurs décennies (dont des succès) ont subi un même type de choc : à quelques exceptions près et selon des variantes, c’est vrai du SU qui semble s’être effiloché et noyé dans des alliances de gauche, c’est vrai des courants du CWI et du SWP (Royaume Uni), c’est vrai des morénistes, c’est vrai des lambertistes (en France du moins, ailleurs ?), c’est même vrai du courant LO, même s’il s’est montré d’une plus grande solidité apparente. Ces évolutions ont été parallèles. Et si on réfléchit aux raisons profondes, par delà l’anecdotique, on peut faire l’hypothèse – certes à discuter – que la division, y compris à outrance, n’est pas – ou pas que – synonyme d’affaiblissement du mouvement dans son ensemble. Peut-être l’expression étrange d’une renaissance, d’une certaine « croissance » par division cellulaire ? A un genre de transition nécessaire, pas toujours facile à vivre ? Comme la social-démocratie vieillissante européenne a pu être bousculée par les grèves de masse du début du xxe siècle dans le monde ouvrier russe, à titre d’exemple parmi d’autres.

Ces courants « historiques » du trotskysme, ces relativement « gros groupes », de plusieurs centaines voire milliers de militants ou adhérents, dirigés par des leaders « historiques » , n’ont-ils pas éclaté par incapacité de leurs patriarches à s’adapter à de nouvelles situations, voire à assumer des situations de « succès », les plus exigeantes en fait ? (le genre d’arrêt et blocage de croissance de LO dans la première moitié des années 1990... situation jugée « de recul » alors qu’elle ne l’était pas, militerait dans ce sens). Et pour les « rejetons » de ces éclatements, la nouvelle vie indépendante, si elle n’a pas toujours évolué comme un long fleuve tranquille ni bien facilement, a amené une bouffée d’air, un nouvel horizon et nouveau cadre pour se poser les problèmes, se former en reprenant à la base, libérer des talents et des acquis.

Car ces groupes nouveaux ne sont pas, loin de là, moins vivaces, parfois même le sont plus, et davantage acharnés et capables de recruter, que ne l’étaient peut-être les troncs initiaux ayant perdu leur sève. Et les situations de mobilisations auxquelles se frotter ne manquent pas de rudesse ! Aux terrains classiques de luttes du mouvement ouvrier, se sont ajoutés des phénomènes nouveaux, des flambées altermondialistes, des mobilisations féministes ou écologistes, des mobilisations sur le terrain directement social voire politique mais de quelque ampleur comme la lutte des Gilets jaunes.

Sans compter les nouveaux surgeons révolutionnaires apparus aussi du côté de l’anarchisme, englobant bien des courants aussi.

La situation pose une infinité de questions –politiques et organisationnelles

Comment sortir de cette situation paradoxale, d’existence d’un très grand nombre de courants et de groupes révolutionnaires essentiellement trotskystes, d’inégales tailles, crédit et influence dans leurs propres pays, d’attaches diverses et diversement formalisées à l’échelle internationale avec des groupes d’autres pays, dont certains se rattachent à un courant international déclaré et d’autres pas ou plus modestement ? Comment sortir d’une situation faite, au-delà de la myriade de ces organisations, d’un relativement vaste milieu militant trotskyste ou plus généralement révolutionnaire non actuellement organisé, qui souvent se réactive à l’occasion de remontées sociales et politiques, et dans un contexte où une partie de la jeunesse – même faible – est attirée ou ré-attirée par le programme et les perspectives révolutionnaires ?

Bref, une somme de questions se posent, nationales et internationales, d’ordres similaires souvent à leurs différentes échelles.

Comment passer du plus ou moins petit groupe au parti ? Il s’agirait de dresser un état des lieux – politico-historique – de groupes trotskystes dans quelques pays, en commençant par ceux que nous connaissons le mieux et qui amènerait à mettre en lumière et analyser les atouts voire les succès – toutes proportions gardées – des uns et des autres. Les échecs aussi.

À cette première question sont subordonnées un grand nombre d’autres :

  • Comment des groupes trotskystes se sont rendus visibles dans leurs propres pays, alors que d’autres sont demeurés dans une quasi invisibilité ? Comment des porte-paroles ou dirigeant(e)s ont-ils émergé ? Par leur rôle dans des luttes sociales et/ou politiques (et lesquelles), par leur politique électorale ? Par quel « dosage » entre les deux ?
  • Quel rapport existe entre la taille d’un groupe et ses capacités d’intervention ?
  • Quelle place doivent prendre les interventions électorales, quelle relativité ont leur succès et défaites ?
  • Quels moyens d’un meilleur ancrage dans le milieu ouvrier et dans la jeunesse ?
  • Quels rapports et quelles activités et interventions communes instaurer entre groupes d’un même pays ? Souhaitables ou non et selon quels critères ?

Comment aller vers un regroupement international  ? Là se pose la question des étapes à franchir, et dans quel ordre ? Quelles priorités ? Comment passer de « l’artisanat » en matière de politique internationale, pour certains groupes comme le nôtre par exemple, à quelque chose qui serait déjà une petite entreprise ? Les questions subordonnées sont nombreuses :

  • Celles de la validité et de l’opportunité d’aller vers un regroupement des révolutionnaires.
  • Celles du programme, donc des délimitations politiques qu’il faudrait définir.
  • La question de la « proclamation » d’une internationale ou d’un nouveau regroupement, là où il y en a déjà tant d’autres.
  • La question de la connaissance et de la compréhension mutuelle des politiques respectives (et leur implication concrète au sein de la classe ouvrière) qui parfois, pour ne pas rester abstraite et approximative, doit ne pas se contenter d’échanges oraux et écrits mais passer par des échanges de militants.

L’heure n’est certainement pas à construire un cadre international « centraliste démocratique ». Pendant longtemps et jusqu’à ce jour, des courants internationaux se sont trop fait la guerre au lieu de chercher à apprendre les uns des autres. Il y a des raisons politiques à ces choix mais il y a aussi du sectarisme (l’idée généralement erronée que les uns pourraient marquer des points contre les autres, alors que des mêmes situations de mobilisations sociales amènent généralement les uns et les autres à en tirer profit politiquement et sur le plan organisationnel). Cette question de la balance entre rigueur politique et sectarisme se pose aussi et déjà en matière de relations entre groupes, voire sous-groupes, d’un même pays.

En guise de conclusion à ces questionnements

Si la nécessité d’un regroupement des révolutionnaires dans un cadre commun n’est certainement pas discutable aujourd’hui (même s’il y a toujours lieu de se poser la question de la validité de l’unité et du regroupement qui ne sont pas en soi des panacées), au vu de la remontée de luttes sociales et politiques de notre classe à l’échelle de la planète, la grande diversité politique et organisationnelle de l’actuelle planète trotskyste impliquerait à coup sûr qu’un regroupement s’imagine dans un cadre souple, d’attention et bienveillance réciproques, qui mènerait probablement, dans un premier temps et en guise d’étape, à un « front » de révolutionnaires plutôt qu’à une internationale dont la direction aurait autorité sur ses sections... L’histoire des internationales qui ont jalonné le mouvement ouvrier offre matière à réflexions sur cette question – avec exemples et contre-exemples.

Reste l’importante question à nos yeux des tentations qui n’ont cessé de tarauder voire de miner le mouvement trotskyste : entre autres celle de la grande sensibilité à la gauche réformiste, longtemps assimilée au « mouvement ouvrier » (« Votez ouvrier, votez PC-PS » proclamaient encore de nombreux trotskystes jusqu’aux années 1980). Si des alliances politiques avec des partis traditionnels de la vieille gauche semblent devenues caduques avec l’affaiblissement de ces derniers, reste la tentation de nombreux trotskystes (c’est le cas de la direction du NPA en France), sous prétexte de mener une indispensable politique de « front unique », d’être en recherche systématique d’alliances avec des formations généralement dissidentes de cette gauche et qui se situent pourtant sur un net terrain institutionnel bourgeois. Et de les chercher non seulement dans l’intérêt de luttes qui gagnent à un regroupement des forces, mais sur un terrain politique (la frontière entre les deux n’étant pas toujours simple à délimiter) où l’extrême gauche s’efface politiquement derrière des réformistes dont les programmes et perspectives sont des impasses mortelles pour le camp des travailleurs.

Bien des organisations trotskystes dans le monde – pour des raisons qui restent évidemment à analyser et valider ou invalider – sont davantage préoccupées à tenter de nouer des alliances « sur leur droite », vers ces formations réformistes ou « centristes » qui semblent plus fortes électoralement, que tendues à permettre que se dégagent pour les travailleurs des perspectives révolutionnaires (entre autres une politique d’indépendance de classe dans les luttes). Quelle politique révolutionnaire pour les travailleurs et jeunes en lutte, aux échelles nationales comme internationale ? C’est la question qui se superpose, à nos yeux, à celle d’un regroupement des révolutionnaires et d’une direction qui en émergerait. La question est avant tout politique, un regroupement ne voulant pas dire un effacement des divergences en matière de choix de terrains d’action, de conceptions d’organisation mais surtout de politique d’intervention dans les luttes, pour une apparition indépendante et de classe du mouvement ouvrier révolutionnaire dans celles-ci (dégagée des impasses réformistes, politiques ou syndicales).

21 avril 2020


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