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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 124, janvier-février 2019 > Gilets jaunes, la lutte continue

Le comité Gilets jaunes de La Courneuve (93)

5 février 2019 Convergences Politique

Lancé à une dizaine il y a deux mois, le comité Gilets jaunes de La Courneuve a triplé en quelques semaines. Aujourd’hui, une trentaine de travailleuses et travailleurs, et quelques étudiantes et étudiants, se réunissent tous les vendredis dans une salle réservée pour eux par une militante de la CGT qui les a rejoints. Les discussions portent sur les activités à mener dans la semaine, mais aussi sur l’actualité du mouvement et son évolution. Manifester tous les samedis, toutes les semaines, n’est pas un but en soi. Le but, c’est d’être le plus nombreux possible pour aller chercher la gagne. Les Gilets jaunes de La Courneuve essaient de se multiplier pour se rendre visibles et convaincre le plus grand nombre de travailleurs de les rejoindre et de militer à leurs côtés : présence au métro, au RER, devant les boîtes du quartier, à La Poste, à Paprec, mais contact aussi en porte-à-porte dans les cités et, tracts en main, avec les ouvriers sur le rond-point de Verdun, au carrefour de nombreuses entreprises.

Faire grossir les rangs du comité, c’est être toujours plus nombreux le vendredi à se poser les questions : comment militer ? Comment convaincre ? À qui s’adresser ? Et, évidemment, comment exécuter ensemble les décisions prises collectivement ? À l’ordre du jour aussi, la répartition des tâches de gestion : écrire des comptes-rendus des réunions et activités dans un cahier et le rendre accessible aux nouveaux venus, avoir une petite cagnotte pour financer les tracts et les déplacements qu’on doit effectuer, tenir une liste de tous les contacts qu’on a...

Cette semaine, un effort particulier a été fait pour entrer en contact avec d’autres comités du 93, avec quelques déceptions : à Montreuil comme Pantin, des assemblées générales ou comités ont semblé bien contrôlés et verrouillés par des militants de la France insoumise cherchant à imposer leurs perspectives purement électorales.

Une course de fond, en équipe

À partir de la mi-janvier, à La Courneuve, prétendant avoir ignoré l’existence du comité (et comment l’ignorer… 700 affiches placardées sur les murs de la ville pour y inviter !), un cadre du PCF (couleur de la municipalité) nouveau venu a accaparé la parole avec bruit et fracas pendant quinze minutes : « Il faut pas bloquer les petits commerces, c’est à la grève de bloquer l’économie et aux syndicats d’y appeler, je suis révolutionnaire, il faut s’adresser aux élus qui nous représentent quand même et leur faire parvenir nos revendications ». L’assistance lui a demandé de respecter l’équitable répartition de la parole, de laisser parler les autres. Il s’est entendu dire : « Il faut vraiment être sourd pour ne pas entendre les revendications des Gilets jaunes, ou ne pas vouloir y répondre. Pour gagner, il faut être plus nombreux. » Hochement de tête général ! Et voilà le cadre douché jusqu’à la fin de la réunion.

Pas de démoralisation donc et, au contraire, la ferme détermination de maintenir et développer ce cadre démocratique de discussion et d’action. Comme l’a dit Olivier Besancenot chez Jean-Jacques Bourdin sur BFM-TV, les gens n’ont pas besoin de professeurs pour les représenter, les défendre, parler à leur place. Cette démocratie-là est au cœur de toutes les discussions des Gilets jaunes, en réunion mais en marge des actions, y compris avec les nouveaux venus : ne plus se faire avoir par des petits chefs qui ne défendent pas nos intérêts ; ne plus voir nos luttes se faire piloter à rebours de ce qui peut les faire gagner… C’est aussi ce que les Gilets jaunes veulent pour la société en général.

Des obstacles mais super accueil

Il est vrai que grossir s’avère compliqué : le froid, la fatigue, les ennuis personnels liés au travail ou à Pôle emploi ne rendent pas les activités faciles. Mais les idées pour se rendre visibles continuent de fuser. La semaine dernière, les Gilets jaunes sont allés à la rencontre des travailleurs du magasin Casino. En effet, un arrêté préfectoral de Seine-Saint-Denis publié il y a deux semaines rend possible, pour les commerces du département, d’ouvrir le dimanche pour rattraper « les pertes causées par le mouvement des Gilets jaunes » le samedi… au salaire horaire du samedi naturellement ! Premiers contacts riches et sympathiques… pas encore le parfum d’une mobilisation, mais super accueil. Il y a aussi la boutique EDF de La Courneuve occupée par des syndicalistes opposés à sa fermeture ; l’action de blocage des travailleurs de Geodis à laquelle ont participé d’autres Gilets jaunes d’Île-de-France et de Picardie… Grosse préoccupation de se mettre en lien avec des travailleurs et d’effectuer la jonction. Pas dans les mots, mais dans la lutte : l’augmentation des salaires, une démocratie réelle y compris dans les entreprises, ça nous concerne tous !

Quant aux manifs à Paris depuis le samedi 19 janvier, elles donnent lieu à bien des discussions avec des Gilets jaunes croisés : parcours déposé par qui ? Pourquoi ? Un service d’ordre militaire agressif parachuté par qui ? Pourquoi ? Beaucoup sont certes contents de pouvoir manifester sans être provoqués par la police… Mais essaient-ils de nous épuiser en nous faisant marcher en rond d’Invalides à Invalides en espérant qu’on finisse par en avoir marre ? Après les tours de manège des manifestations syndicales de ces dernières années, à nouveau tourner en rond ? Sentiment chez ceux de La Courneuve : « On marchait autant avant quand les manifs étaient sauvages, mais au moins on pouvait faire des trucs toute la journée, pas se faire disperser à 17 heures une fois arrivés, pas juste marcher sans enjeu. »

La vraie démocratie... elle est ici !

Pour l’anecdote, le 19 janvier, un gars de la RATP natif de La Courneuve interpelle le cortège et vient discuter. Pour lui, ce qui pourrait encourager ses collègues, c’est justement qu’on ne soit pas dans un truc où on exécute sans pouvoir se demander ce qu’on a envie de faire, « qu’on décide ensemble, comme entre potes ».

La manif était loin d’être plan-plan, pour preuve la vitesse à laquelle elle a avancé ! Et beaucoup d’enthousiasme du fait du nombre : devant nous, derrière nous, la foule jaune jusqu’au fond de l’horizon. Un spectacle impressionnant et qui donne courage. Deux mois de mobilisation et pas de ralentissement de celle-ci !

Le cortège de La Courneuve a lancé un slogan de son cru : « Le grand débat, c’est dégueulasse ! »... Largement repris autour et qui a suscité de chouettes discussions avec les autres manifestants : « C’est entre nous qu’il faut discuter ! » Nous avons croisé des éléments d’extrême droite, des gilets jaunes achetés sur le site de Dieudonné, des « quenelles » entonnées ici ou là, mais pas reprises au-delà. Sans accrochages, mais désagréable. La volonté démocratique peut aider à chasser du mouvement les éléments d’extrême droite qui cherchent à s’y rendent visibles…

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