(Photo : Des grévistes du collège Émile Maupas trouvent porte close à leur arrivée au collège du Val de Vire. L’« équipe mobile de sécurité » du rectorat monte la garde. Mais la porte se trouve rapidement ouverte...)
Jeudi 8 septembre, à la sortie des cours à 17 heures, parents et élèves du collège Val-de-Vire apprennent la fermeture de ce dernier à la rentrée de septembre 2023, et sa fusion avec Émile Maupas, l’autre collège public de Vire (Calvados) par les fils d’actualité de la presse locale sur les réseaux sociaux. Les profs et agents du collège du Val n’ont été prévenus que deux heures avant par leur cheffe, qui avait pour consigne de se taire jusqu’à ce que le président du conseil départemental s’exprime. Celui-ci, qui est en charge de l’entretien et la construction des collèges, a en effet pris l’habitude d’annoncer par la presse aux principaux intéressés les fermetures d’établissement – c’est la sixième en moins de dix ans. Blanquer a fait école, pourrait-on dire…
La réaction ne s’est pas fait attendre
Immédiatement, des parents débarquent en catastrophe au collège pour savoir de quoi il retourne. Le standard téléphonique est pris d’assaut. Des gendarmes sont même venus aux nouvelles se demandant s’il ne s’agissait pas d’une fake news.
Le lendemain vendredi 9 septembre, la stupeur n’est pas totalement dissipée. Des élèves pleurent, des parents aussi. Mais la colère et la détermination prennent rapidement le pas. Après avoir expliqué aux élèves la situation, leurs parents et les profs organisent une chaîne humaine : les cours n’auront pas lieu. Puis, tout le monde se met au travail. Pendant que les élèves fabriquent des pancartes et écrivent des mots à distribuer dans les boîtes à lettres du quartier, profs et parents organisent la lutte, bientôt rejoints par les collègues de Maupas. En effet, ces derniers se sont toutes et tous mis en grève ce vendredi matin après une courte discussion avant l’embauche : pas question de se rendre complice de cette décision scandaleuse !
L’après-midi, lorsque la directrice académique, cheffe de l’Éducation nationale pour le Calvados, vient rendre visite au personnel du Val-de-Vire, des collègues de Maupas, qui n’ont évidemment pas été invités, s’incrustent néanmoins. Il ne s’agirait pas que l’on raconte des sornettes aux profs, agents et parents du Val. Car, non, le collège Maupas n’est pas en mesure d’absorber les 250 élèves du Val à la rentrée prochaine ! À commencer par ce petit détail que la directrice académique semblait avoir oublié : Maupas sera toujours en plein chantier de rénovation l’an prochain !
Petit retour en arrière
Quand les travaux ont commencé au collège Maupas, il y a plus de deux ans, le personnel du Val-de-Vire s’est inquiété de l’avenir du collège. Mais jusqu’au printemps dernier, le maire de Vire, également conseiller départemental, leur affirmait que la fermeture du Val n’était pas à l’ordre du jour. Jeudi soir, tout le monde a compris qu’il avait menti.
En outre, les travaux actuels à Maupas consistent à réduire la taille du collège ! Le conseil départemental a en vue des économies de chauffage, mais aussi de personnel d’entretien. Et tant pis si au passage le collège perd en confort – le projet ne comporte par exemple par de préau couvert pour abriter les récréations de la pluie… La capacité d’accueil sera à terme de 600 élèves. Or, avec le transfert du Val à Maupas, c’est 750 élèves qui y seraient attendus ! Et déjà l’an dernier, il manquait des préfabriqués pour remplacer les salles de classe en travaux. Il a fallu que les profs de Maupas se mobilisent en juin pour que la mairie leur en concède deux de plus.
Photo : Les préfabriqués qui remplacent déjà des salles de classe : bienvenue au collège Émile Maupas...
Derrière le collège, le quartier
Le Val-de-Vire est le collège du quartier populaire le plus important de la ville de Vire. L’équipe pédagogique y est particulièrement stable et la taille du collège permet à tout le monde de se connaître. La plupart des élèves habitent à proximité et rentrent chez eux pour manger le midi, par exemple. Et quand un élève « oublie » d’aller en cours, on a déjà vu des profs aller à domicile pour raccrocher les wagons. Ajouter au moins un quart d’heure de trajet – pour les piétons, c’est davantage – et la barrière symbolique du franchissement du centre-ville pour aller à Maupas, c’est forcément prendre le risque d’aggraver l’absentéisme, compliquer la scolarité et les possibilités de réussite de jeunes déjà pas aidés par la vie. Et après la fermeture par la mairie de l’école primaire, c’est tout le quartier qui risque d’en prendre un coup.
Début d’une lutte prolongée ?
À 17 heures vendredi, environ 200 personnes, salariés, parents, et élèves des deux collèges mais aussi des écoles et lycées se rassemblent en centre-ville avec pour mot d’ordre « non à la fusion ». Le maire ne peut alors refuser de recevoir une délégation. L’entrevue a surtout permis de constater qu’il est pour la fermeture – en réaction, seize conseillers municipaux ont publié dans le week-end une lettre pour affirmer leur opposition ; il va y avoir de l’ambiance à la mairie… Les représentants du conseil départemental ont préféré carrément annuler leur venue à Vire, refusant de rencontrer des employés en grève. Reculer pour mieux sauter ? Ils ne pourront pas éternellement refuser de rendre des comptes. Et à Vire, on les attend de pied ferme…
Andrea Martin
Mots-clés : Enseignement
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