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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 120, juin-juillet-août 2018 > DOSSIER : Mai 1968 dans le monde – II

DOSSIER : Mai 1968 dans le monde – II

Le Mouvement Noir de libération en 1968

Mis en ligne le 14 juin 2018 Convergences Monde

Nous ne sommes que des cadavres ambulants, tant que nous ne luttons pas. – James Forman

Dans les années 1950, les Noirs américains du sud des États-Unis vivaient sous un régime d’apartheid – un système où la ségrégation était totale. Les Blancs vivaient dans leurs quartiers, avaient leurs propres toilettes, hôpitaux, écoles ou leurs places réservées à l’avant des bus publics. Les Noirs devaient se contenter d’équipements publics de piètre qualité… quand ils existaient. C’était un système brutal, entretenu par des forces de police violentes et par des groupes terroristes comme le Ku Klux Klan. Entre 1877 et 1950, plus de 4 000 Noirs sont morts lynchés aux États-Unis. Les corps noirs pendus aux arbres étaient un avertissement adressé à tous les Noirs : toute opposition serait matée.

Dans le nord, le racisme prenait des formes différentes. Il n’y avait que quelques pancartes affichant « Réservé aux Blancs », pas d’impôt par tête – plus injuste que l’impôt sur le revenu puisqu’il frappait autant les Noirs pauvres que les riches Blancs – ni de métayage, la forme d’exploitation la plus répandue des agriculteurs noirs dans le Sud. Néanmoins, les Noirs du nord vivaient en général tout comme ceux du sud dans des quartiers surpeuplés où régnait la ségrégation, fréquentaient des écoles pauvrement dotées et de fait réservées aux Noirs, et encaissaient les coups des flics..

Le début du Mouvement des droits civiques

C’est dans ces circonstances qu’a explosé le Mouvement des droits civiques. En 1954, la Cour Suprême ordonna aux écoles publiques de s’ouvrir aux Noirs « à la vitesse la plus mûrement réfléchie », une phrase floue que les racistes utilisèrent pour ralentir la fin de la ségrégation dans les écoles publiques. Ce jugement changea peu de choses. Mais beaucoup de gens y virent une base légale pour porter leurs revendications.

Le lynchage d’Emmet Till à l’été 1955 vint après cette victoire juridique. Till était un jeune Noir de 14 ans de Chicago qui rendait visite à sa famille au Mississippi. Lors des funérailles, sa mère fit ouvrir son cercueil. Les images du corps meurtri d’Emmet Till déclenchèrent l’indignation à travers tout le pays. La même année, la communauté noire de Montgomery boycotta le service public des bus jusqu’à ce qu’il soit contraint de mettre fin à la ségrégation. Les années qui suivirent, des militants noirs organisèrent leurs communautés en multipliant les sit-in, les « freedom rides » (voyages de la liberté, en bus), les campagnes d’inscription des électeurs, et plus encore. Les succès des peuples africains dans la lutte pour la décolonisation les inspirèrent également.

La force du mouvement résidait dans le fait qu’il était populaire et tirait profit des talents et de l’engagement de gens ordinaires. Des luttes locales ont été souvent menées par des femmes et des jeunes, nombre d’entre eux n’ayant qu’une éducation sommaire.

Un parti pour les Noirs

En 1964, Fannie Lou Hammer et d’autres militants formèrent le Mississippi Freedom Democratic Party (MFDP, parti démocrate de la liberté du Mississippi). Le Parti démocrate tenait dans cet État des élections réservées aux Blancs pour élire leurs chefs, tous blancs. Le MFDP fit irruption à la Convention nationale des démocrates à Atlantic City et se battit pour faire reconnaître ses délégués. Les dirigeants démocrates nationaux refusèrent de les investir, leur offrant des postes honoraires à la place. Bien des militants noirs en tirèrent la conviction qu’il leur fallait un parti à eux. Certains formèrent en Alabama le Lowndes County Freedom Organization, un parti politique indépendant enraciné dans la communauté noire. Il était connu pour son symbole – une panthère noire.

Le Mouvement des droits civiques avait réussi à rendre illégales les discriminations raciales dans les lieux publics et dans le mode de scrutin. Mais la ségrégation continuait dans les emplois et le logement privé. À travers le pays, la police perpétuait toutes sortes de pratiques racistes. Pendant l’été 1967, une série d’émeutes éclatèrent dans de nombreuses villes à travers tout le pays. Celles de Detroit et de Newark furent parmi les plus importantes. Mais les soulèvements ne se limitaient pas aux grandes villes.

Cette nouvelle ambiance donna naissance à de nouvelles organisations. En 1966, Bobby Seale et Huey Newton formèrent le Black Panther Party pour l’autodéfense à Oakland, en Californie, reprenant la panthère comme symbole.

La réaction gouvernementale

Créée sur ordre du président Johnson pour analyser les révoltes urbaines de 1967, la Commission Kerner avertissait : « La ségrégation et la pauvreté ont créé dans les ghettos raciaux un environnement destructeur complètement étranger à la plupart des Américains blancs. Ce que les Blancs n’ont jamais totalement compris – mais que le Nègre ne pourra jamais oublier – est que la société blanche est profondément impliquée dans ce ghetto. Les institutions blanches l’ont créé, les institutions blanches l’entretiennent, et la société blanche l’approuve. »

Tous ces facteurs combinés ont préparé le terrain pour 1968 : un mouvement de masse construit sur la base d’une décennie de mobilisations, d’une tradition d’organisation sur le terrain, d’une frustration grandissante envers des changements acquis à pas de tortue, et l’intensification de la répression gouvernementale.

En effet, après les révoltes urbaines de 1967, le FBI intensifia ses attaques sur le Mouvement noir de libération. Il utilisa son programme de contre-espionnage (COINTELPRO), créé dans les années 1950 pour « accroître les luttes de faction, causer des perturbations, et créer des défections » au sein du Parti communiste des États-Unis. Les nouveaux objectifs du programme étaient clairement affichés dans une note interne du FBI :

« • Prévenir la coalition de groupes nationalistes militants noirs

• Prévenir la montée d’un « messie » qui pourrait unifier et électriser le mouvement militant nationaliste noir. Malcolm X pourrait être un tel messie… King pourrait être un concurrent réel à ce titre s’il abandonnait sa supposée « obéissance » aux « doctrines blanches libérales » (la non-violence) et embrassait le nationalisme noir.

• Prévenir la croissance à grande échelle d’organisations noires militantes, particulièrement dans la jeunesse. »

Au début de mars 1968, le FBI détailla son programme pour détruire les organisations noires dans un rapport interne adressé à ses agences locales. Ce rapport soulignait les objectifs du programme, aussi bien que les cibles les plus importantes : le SNCC (Comité de coordination des étudiants non violents, alors en pleine radicalisation), le SCLC (l’organisation de King), la Nation of Islam, ou le Revolutionary Action Movement.

La grève des éboueurs de Memphis

Quelques jours seulement après le massacre d’Orangeburg (voir encadré), les éboueurs de Memphis entrèrent en grève. Leur travail était exténuant, dangereux, et la paye était si basse que beaucoup de travailleurs survivaient grâce à des bons alimentaires. Même si la plupart des travailleurs étaient noirs, les douches étaient réservées à la poignée de Blancs employés comme chauffeurs des camions.

Le 1er février, deux éboueurs moururent broyés par un camion qui dysfonctionnait. Le 11 février, environ 700 travailleurs votèrent unanimement la grève. Ils portaient des pancartes disant « Je suis un homme », une affirmation de leur dignité face à un système qui la niait. Leur précédente grève, en 1966, avait échoué faute d’appuis dans la population. Les grévistes en avaient tiré les leçons. Ils obtinrent cette fois-ci un soutien important de la communauté noire de Memphis, souvent liée aux églises noires. Après que la police eut gazé les manifestants pacifiques, les dirigeants des églises locales créèrent un groupe pour aider les étudiants locaux à s’organiser et appelèrent à l’aide des dirigeants nationaux en vue, dont Martin Luther King. Des travailleurs et le Mouvement des droits civiques s’unissaient à Memphis.

De son côté, après plus d’une décennie de défilés et de cellules de prison, King avait compris que la focalisation sur les lieux publics et le droit de vote n’avait peu ou prou rien changé au quotidien et aux conditions de travail de la plupart des Noirs aux États-Unis. Il vit la nécessité d’étendre le mouvement aux luttes économiques et préparait la Poor People’s Campaign (littéralement la campagne pour les pauvres) quand la grève de Memphis éclata.

La police joua son rôle habituel lors de la grève, notamment en assassinant un jeune de 16 ans nommé Larry Payne et en matraquant plusieurs manifestants alors qu’ils étaient allongés face contre terre sur le parvis d’une église. Le maire blanc de la ville, Henry Loeb, déclara la loi martiale et fit appeler 4 000 gardes nationaux.

King décida d’organiser en réponse une marche à Memphis. Le 3 avril, il s’adressa aux travailleurs en grève dans un discours connu plus tard sous le titre « I’ve been on the Mountaintop » (je suis allé au sommet de la montagne). La nuit suivante, il était assassiné sur le balcon de son hôtel. Quatre jours plus tard seulement, sa femme Coretta Scott King mena plus de 42 000 personnes à travers la ville dans une marche silencieuse pour réclamer justice pour les éboueurs. Le 16 avril, la ville capitula enfin. Mais ces travailleurs durent menacer de faire grève à nouveau pour que les élus municipaux augmentent vraiment les salaires et reconnaissent le syndicat.

Pourquoi ont-ils tué Martin Luther King ?

Martin Luther King fut assassiné au moment où il commençait à lier le Mouvement des droits civiques aux problèmes mondiaux au cœur du capitalisme, notamment au mouvement contre la guerre et aux luttes sociales. Un an avant sa mort, il prononça son discours « Au-delà du Vietnam ». C’était un coup direct porté au capitalisme américain. King voyait dans la guerre du Vietnam une « ennemie des pauvres », appelait à « passer d’une société orientée vers les choses à une société orientée vers les personnes » et critiquait l’intervention militaire des États-Unis en Amérique latine comme une « mission pour maintenir l’ordre social au bénéfice de nos investissements ». C’en était trop pour les cercles dirigeants des États-Unis.

Le meurtre de King indigna des millions d’Américains. Des émeutes éclatèrent dans plus de cent villes. Les émissions d’information diffusaient en boucle des images de King défendant la non-violence, mais cela ne contint qu’à la marge la rage viscérale qui submergea le pays. Les troupes de la Garde nationale et de l’armée se déployèrent dans de nombreuses villes pour faire cesser les troubles. Environ 40 personnes furent tuées, 2 600 blessées et 21 000 arrêtées dans la répression de la révolte.

Une nouvelle ère : le Black Power

En 1968, un nombre croissant de membres de la communauté noire commençaient à penser comme Stokely Carmichael : « Nous voulons le Black Power, C’est vrai… le pouvoir aux Noirs. Nous n’avons pas à avoir honte de cela…. Nous avons supplié le président, c’est tout ce que nous avons fait, supplier et supplier. Il est temps que nous nous levions et prenions les choses en mains. » James Forman le formulait très simplement : « Notre lutte est clairement contre le racisme, le capitalisme et l’impérialisme américain. »

En 1966, Huey Newton et Bobby Seale avaient fondé le Black Panther Party pour l’autodéfense à Oakland en Californie. Les Black Panthers portaient légalement des armes chargées et surveillaient la police afin de dissuader les violences policières. Ils appelaient à un changement révolutionnaire de la société américaine et, alors que des sections locales se répandaient à travers le pays, l’image de ces militants noirs hommes et femmes inspirait des millions de personnes mais menaçait les élites du pays. Huey Newton observait : « Nous avons deux maux à combattre, le capitalisme et le racisme. Nous devons détruire les deux. »

Lors d’un rassemblement le 17 février 1968, H. Rap Brown et Stokely Carmichael du SNCC furent déclarés membres honoraires du Black Panther Party. Carmichael espérait en fait que les deux groupes pourraient fusionner et aboutir à une formidable organisation avec des racines dans le sud profond où le SNCC était organisé, et dans les communautés urbaines où grossissaient les Black Panthers. Dans ces villes, ils organisaient des petits déjeuners gratuits, des programmes de lutte contre l’addiction aux drogues et rendaient aux Noirs leur fierté et leur assurance. Ils commencèrent à créer des coalitions avec d’autres organisations radicales et à entretenir des relations avec des militants du monde entier.

La Coalition Arc-en-ciel

À Chicago, Fred Hampton mit sur pied la section de l’Illinois du Black Panther Party. Bobby Lee adhéra peu après. Lee et Hampton rencontrèrent des membres des Young Lords, un groupe politique radical portoricain, et les Young Patriots, un groupe radical de Blancs pauvres originaires du Sud. Bobby Lee se souvient : « Il a fallu que je traîne avec ces mecs, que je casse la croûte avec eux, que je passe du temps à la salle de billard. J’ai dû dormir sur leur canapé, dans leur quartier. Puis il a fallu que je les invite dans le mien. C’est comme ça que s’est construite la Rainbow Coalition (la Coalition Arc-en-ciel), très lentement. » Pour Lee, Coalition Arc-en-ciel était un « nom de code pour lutte de classe », tandis que Fred Hampton exhortait les militants à combattre le racisme avec « la solidarité. Nous n’allons pas combattre le capitalisme avec le capitalisme noir, mais avec le socialisme. » À la fin de 1968, la Coalition commença à participer à des luttes communes contre la pauvreté et les violences policières. Ses militants créèrent des cliniques de quartier, organisèrent des petits déjeuners gratuits et des manifestations d’unité.

Cependant, le Black Panther Party était une organisation en partie hors-sol et largement publique. Cela faisait de ses militants des cibles faciles pour la police et le FBI. Pendant deux jours après l’assassinat de King, les Black Panthers patrouillèrent dans Oakland en conseillant aux jeunes de garder la tête froide. Ils craignaient que la police se saisisse du plus mince prétexte pour déclencher la terreur. Dans la nuit du 6 avril, quelques Panthers furent pris dans une fusillade avec la police d’Oakland. Eldridge Cleaver et Bobby Hutton se cachèrent dans la cave d’une maison. Plus de 50 officiers de police noyèrent le bâtiment sous une grêle de balles et de gaz lacrymogènes. Quand la maison prit feu, Cleaver et Hutton furent contraints d’en sortir. Plus âgé, Cleaver dit à Hutton, qui n’avait que 17 ans, de sortir « à poil » de sorte que la police ne puisse prétendre qu’il était armé. Hutton garda néanmoins son pantalon. Cleaver décrit la suite : « Les porcs montrèrent du doigt un véhicule de patrouille au milieu de la rue et nous dirent de courir dedans. Le petit Bobby, à demi étouffé par les gaz lacrymogènes, avança de son mieux en trébuchant, et quand il se fut éloigné de moi d’environ 10 mètres, les porcs se lâchèrent sur lui avec leurs armes. »

La police et le FBI assassinent les leaders

À Chicago, à peine un an après la création de la Rainbow Coalition, Fred Hampton fut brutalement assassiné par la police locale, avec le soutien du FBI, alors qu’il dormait dans son lit. Un autre Panther, Mark Clark, fut également assassiné dans le raid, et plusieurs autres Panthers furent blessés. Aucun d’entre eux ne tira le moindre coup de feu. Des dizaines d’autres Panthers furent assassinés au cours d’opérations semblables.

Un lieutenant de Nixon témoigna des années après : « Nous savions que nous ne pouvions rendre illégal ni le fait d’être Noir ni celui de s’opposer à la guerre, mais en poussant l’opinion à associer les hippies avec la marijuana et les Noirs avec l’héroïne, et en criminalisant lourdement les deux, […] nous pouvions arrêter leurs leaders, perquisitionner leurs domiciles, interrompre leurs réunions et les diffamer soir après soir dans les émissions d’information. »

Une note recommandait ainsi de « donner l’impression que Carmichael est un informateur de la CIA ». En quelques années, les Black Panthers accusèrent Carmichael d’être un agent de la CIA, le SNCC fut dissous, et Carmichael perdit la plus grande part de sa crédibilité dans la lutte de libération noire. L’État perturbait et détruisait délibérément les organisations noires radicales qui gagnaient en popularité en 1968.

Dodge Revolutionary Union Movement (DRUM)

À Détroit, une brutale accélération de la chaîne d’assemblage de la principale usine automobile Dodge eut lieu en mai 1968. Il était presque impossible pour les ouvriers de tenir la cadence. Du coup, 4 000 d’entre eux lancèrent le 2 mai une grève sauvage. Malgré la participation conjointe de Blancs comme de Noirs, ce sont les Noirs que Dodge punit le plus durement, licenciant plusieurs d’entre eux. Cela exacerba les tensions à l’usine, où les Noirs en avaient assez du climat hostile et extrêmement raciste. Ils étaient souvent relégués aux postes les plus durs, les moins payés, maltraités par les chefs d’équipe, et avaient peu de possibilités d’avancement. Les dirigeants blancs et conservateurs du syndicat de l’automobile UAW se montraient insensibles à leurs problèmes.

C’est alors que plusieurs ouvriers noirs formèrent le Dodge Revolutionary Union Movement (DRUM, mouvement syndical révolutionnaire de Dodge) pour défier le racisme et l’exploitation aussi bien dans l’usine que dans le syndicat. Ils publièrent un texte qui déclarait :

« DRUM est une organisation des ouvriers noirs opprimés et exploités. Elle constate que les ouvriers noirs sont victimes d’un esclavage inhumain. Elle constate aussi que les ouvriers noirs constituent 60 % et plus de toute la main d’œuvre de l’usine d’assemblage Hamtramck et, par conséquent, détiennent un pouvoir exclusif. » Le texte dénonçait aussi les violences policières et le racisme général auquel les Noirs étaient confrontés à Détroit et aux États-Unis. Le 8 juillet, DRUM organisa une grève sauvage de 3 000 ouvriers noirs qui dura trois jours. Bien des ouvriers blancs respectèrent les piquets de grève.

DRUM inspira la création d’organisations similaires dans d’autres usines et entreprises à travers la ville. Elle impulsa la fondation de la League of Revolutionary Black Workers (ligue des ouvriers noirs révolutionnaires) en 1969, qui aspirait à coordonner les groupes isolés dans une organisation ouvrière militante. La League voulait la révolution, pas des réformes. Bien qu’ils se soient finalement dissous dans les années 1970, DRUM et la League ouvraient une nouvelle voie au mouvement de libération des Noirs. Les membres de la League affirmaient clairement que la libération des Noirs nécessitait la fin du capitalisme et croyaient dans la capacité de la classe ouvrière noire à mener la lutte pour changer la société.

Conclusion

Le Mouvement noir de libération a été l’un des plus puissants de l’histoire des États-Unis. Des gens ordinaires montrèrent qu’en se mobilisant et en s’organisant eux-mêmes, ils pouvaient défier un système raciste qui tyrannisait les Noirs depuis 500 ans. Ce mouvement démantela les lois de ségrégation « Jim Crow », inspira les mouvements amérindiens et chicanos. Mais, surtout, ses participants montrèrent le seul chemin menant à un changement réel : celui qui pousse les gens ordinaires à s’engager, mener leur propres luttes et travailler collectivement à combattre pour un monde nouveau. Ce faisant, ils apprirent que c’était possible et gagnèrent une fantastique confiance en eux-mêmes.

Finalement, le mouvement se termina au début des années 1970. Il y eut plusieurs causes à son déclin : la répression gouvernementale intense des organisations militantes noires, les assassinats ciblés de ses leaders, les divisions parmi les Noirs sur la stratégie à adopter, et un sentiment général d’épuisement après pas loin de deux décennies de luttes sans que s’engagent d’autres catégories de pauvres et de travailleurs, en particulier parmi les Blancs. De plus, le Parti démocrate détourna l’énergie de bien des militants des mouvements de masse vers les élections. Aujourd’hui, la faillite de cette stratégie est patente. Une nouvelle élite politique noire – allant des maires de Détroit, Oakland ou Baltimore au premier Président noir du pays –, est apparue. Mais la majorité des Noirs connaît des conditions de vie bien trop proches de celles de 1968. « Je suis un homme » a été remplacé par « Black Lives Matter » – les vies des Noirs ont de l’importance. C’est un cri, une exigence de justice rendue nécessaire par le fait que la qualité de vie de la plupart des Noirs aux États-Unis est toujours incroyablement compromise par la nature brutale et perverse du racisme général. La pauvreté, les incarcérations de masse, les violences policières et bien d’autres formes de discrimination constituent toujours la réalité cruelle du capitalisme et du racisme du xxie siècle. L’héritage du Mouvement de libération des Noirs est la conscience que les gens ordinaires ont la capacité de changer cela. 

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