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Le 2 juin, un soir de manifestations interdites : des milliers et dizaines de milliers de jeunes dans la rue !

3 juin 2020 Article Politique

À Paris et dans quelques villes du pays, mardi 2 juin au soir, les rassemblements – interdits ici et là – à l’appel du comité « Justice pour Adama ! » (Adama Traoré, un jeune de 24 ans mort dans une gendarmerie après une arrestation brutale en 2016 à Persan dans l’Oise) ont sacrément décoiffé ! Là où on attendait des dizaines, voire centaines de manifestants, il en est venu plusieurs dizaines de milliers à Paris (probablement 30 000, déjà 20 000 selon la préfecture de police elle-même), plusieurs milliers à Lyon, Marseille, Lille, Grenoble, à plusieurs centaines à Tours et dans d’autres villes…

Partout, « un grand moment » selon les participants. Très jeune, très féminin, très coloré. Très anti-flics et leurs violences. Une grande envie de montrer que le confinement n’avait pas effacé la colère et toutes ses raisons, dont le racisme et les injustices sociales grandissantes dans la société. Que le confinement à la sauce Macron a certainement attisées. Les mobilisations aux États-Unis ont servi de catalyseur. « Black Lives Matter », « Justice pour Adama Traoré »… pouvait-on lire sur bien des pancartes de confection artisanale. Cette soirée venait après la Marche des solidarités réussie du samedi 30 mai, elle aussi interdite et elle aussi étonnamment nombreuse. Il s’agit bien d’un rejet du monde d’avant, d’un refus du retour à l’anormal.

Une étudiante de région parisienne, P., raconte comment la mobilisation s’est faite, à sa surprise : « Entre hier et aujourd’hui, quand j’ai vu à quel point l’événement tournait sur les réseaux sociaux, j’ai décidé d’aller au rassemblement. Au-delà du milieu militant, la plupart de mes potes, contacts et habitués des manifs avaient prévu d’y aller. C’était déjà étonnant de le découvrir. Et dès l’arrivée aux abords, on a tous été impressionnés par le monde… Dès l’avenue de Clichy, en remontant vers la porte de Clichy et le tribunal, ça commençait à grossir, avec des allures de grande marche. Énormément d’inconnus, mais ici ou là des visages familiers aussi, des connaissances de fac ou d’ailleurs, d’anciens de diverses mobilisations, pas vus depuis longtemps et retrouvés là. Très majoritairement des jeunes. Sur place avec des amis, j’ai pu accéder au parvis du tribunal, mais pas au plus proche de l’entrée non plus, tellement il y avait de monde, donc assez loin des organisations qui formaient un genre de cortège avec drapeaux et banderoles. La foule s’étendait très loin. Celles et ceux avec qui j’étais venue ou que j’ai croisés étaient là pour Floyd, pour Adama, contre la répression et avec l’idée que les luttes reprenaient. Il était palpable qu’il y avait beaucoup de colère, exprimée par ce cri du cœur : « Je ne pouvais pas ne pas être là. »

M. de son côté, confirme l’étonnante efficacité du bouche-à-oreille numérique : « C’est un événement qui m’avait été transmis par un copain et que j’ai vu passer sur les réseaux sociaux. J’ai décidé de m’y rendre parce que pas mal de personnes en discutaient autour de moi comme d’un écho aux révoltes aux USA. Sur place beaucoup de jeunes étaient venus par groupes d’amis. Pas mal de pancartes faisant écho à George Floyd. Quelques slogans « La France c’est nous »… et encore et toujours le classique « Tout le monde déteste la police ».

A., lui, a été frappé par le grand nombre de filles et femmes, très jeunes, de toutes les origines et couleur de peau, certaines venues de loin en banlieue. Des associations féministes avaient appelé. Du point de vue de la situation faite aux femmes, aucune envie non plus d’un retour à l’anormal !

Après bien des hésitations et tout à la fin – que faire face à une telle foule qui s’était invitée en bravant les interdits ! – les CRS ont envoyé des lacrymogènes depuis le toit du tribunal, pour disperser la foule. D’où un mouvement vers le périphérique sur lequel des manifestants se sont engagés, ont plus ou moins bloqué des véhicules qui klaxonnaient en signe manifeste de solidarité.

(Photo : à Nantes)

À Marseille, environ 2 000 personnes se sont retrouvées au rassemblement, qui s’est transformé en manifestation du Vieux-Port à la préfecture. Le cortège était plus dense et plus dynamique qu’à l’accoutumée, avec énormément de jeunes ; là aussi, féminin et coloré, avec bien des gens qu’on ne voit pas en manif d’ordinaire. Pas de drapeaux visibles (sauf les JC qui l’ont vite rangé), beaucoup de pancartes improvisées, demandant justice pour Adama et faisant le lien avec la situation aux USA (« I can’t breathe »). D’où est venu l’appel ? Il semblerait que l’info ait circulé localement, relayé par quelques comptes Facebook personnels, pour demander vérité et justice pour Adama et tous les tués par la police en France et aux USA. Il s’agissait d’abord et surtout de dénoncer les violences policières. Il n’y a pas eu d’affrontements pendant la manif mais la police a copieusement gazé à l’arrivée à la préfecture. Les gens ont reflué puis sont revenus ; la police a de nouveau gazé, après quoi les affrontements ont doucement viré à des accrochages plus classiques de fin de partie… gagnée par les manifestants.

Partout dans le pays, les mêmes slogans sont revenus en boucle : « Justice pour Adama », « Pas de justice, pas de peine », « Zyed, Bouna, Théo et Adama, on n’oublie pas, on n’pardonne pas », « Révolution », « Tout le monde déteste la police », « Police partout, justice nulle part ».

Tous les témoignages mentionnent l’ambiance « à la fois calme et électrique ». Électrique… comme l’accumulation de colère qui explose spontanément. Oui rage et orage dans l’air.

Correspondant(e)s


Dialogue entre manifestants à Lyon

« Et toi, tu t’attendais à tout ce monde ?

– Non ! Franchement, pour une première, c’est enthousiasmant.

– Carrément ! »

Un peu moins d’un millier de personnes à Lyon à 19 heures, devant le palais de justice des 24 colonnes, toutes masquées. Au-dessus d’elles, une forêt de pancartes, « Qui appeler quand la police tue ? », « Pas de justice, pas de paix » et bien sûr « Black Lives Matter », en écho à ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique.

Le rassemblement a été appelé la veille au soir, par quelques militants lyonnais. L’information s’est répandue comme une trainée de poudre. Beaucoup de jeunes, des lycéens et des étudiants, qui pour beaucoup avaient participé aux manifestations de cet hiver et qui étaient contents de se retrouver après trois mois pour entonner « Zyed, Bouna, Théo et Adama, on n’oublie pas, on pardonne pas ». Au détour d’un slogan, quelqu’un lance « Je ne peux pas respirer » et tout le monde en est convaincu : c’est la même police qui tue des deux côtés de l’océan.

« Et la Maison Blanche plongée dans le noir ?

– Ouais, j’ai vu, impressionnant !

– Fou ! »

Vers 19 heures 30, un mouvement est tenté pour partir en manifestation. Les flics bloquent. Certains tentent de les prendre à revers. Viennent les gaz qui, eux, n’avaient manqué à personne. Les manifestants se dispersent alors le long des quais avec une certitude : rendez-vous ce week-end.

(Photo : à Lyon)



Et ce mercredi 3 juin, à Toulouse

   

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