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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 9, mai-juin 2000 > La révolte du mammouth

La révolte du mammouth

La révolte du mammouth

Mis en ligne le 1er juin 2000 Convergences Politique

Depuis deux ans il semble que les journées d’action sans lendemain proposées par les syndicats ne suffisent plus : 7 semaines de grève en Seine-Saint-Denis durant le printemps de l’année 1998, plusieurs semaines de manifestations des lycéens dans toute la France en novembre 1998, des mouvements de grève dans les lycées de la région parisienne notamment en janvier-février 1999 contre la réforme Allègre, et durant cette même période et encore à la rentrée de septembre, des mouvements plus localisés mais prolongés dans le primaire comme dans le secondaire sur les problèmes de carte scolaire (fermetures de classes), de DHG (dotation horaire globale), et de classement en ZEP (zone d’éducation prioritaire). Allègre a sans doute cristallisé le mécontentement dans un milieu qui est pourtant traditionnellement favorable aux partis de la gauche plurielle, mais les problèmes sont bien plus profonds.

En toile de fond, un projet libéral pour l’école

En 20 ans le pourcentage d’une classe d’âge accédant au bac a doublé ainsi que le nombre d’étudiants à l’université. C’est un vrai progrès, mais dont on peut se demander à quoi il peut servir.

En fait, on a fabriqué un enseignement de masse. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’on a démocratisé l’école. Ni qu’elle offre davantage de débouchés en période de chômage.

Les politiques en matière éducative se sont toutes ressemblées depuis des années : gérer au moindre coût cette massification, avec comme objectif prioritaire celui de garder les jeunes issus des milieux populaires le plus longtemps possible avant qu’ils ne rejoignent la masse des chômeurs. Et si on parle volontiers « d’autonomie des établissements » et de « pratique pédagogique différenciée », c’est pour mieux masquer le fait qu’entre les écoles de riches et les écoles de pauvres, les objectifs ne sont pas les mêmes et les inégalités croissantes.

Des mesures d’urgence pour faire face à une situation qui s’est beaucoup dégradée

Il y a pourtant un point sur lequel tout le monde semble se retrouver, du moins parmi les personnels, les parents et les élèves eux-mêmes : le manque de moyens. Il faudrait en effet créer 30 000 postes d’ATOSS (administratifs, ouvriers, personnels de service…), 40 à 50 000 postes d’enseignants, 10 à 20 000 postes de surveillants, d’infirmières, d’assistantes sociales, pour résoudre les problèmes les plus urgents, alors que tout devient plus difficile du fait notamment de la dégradation des conditions de vie dans les quartiers populaires. Or les 60 000 CES (contrats-emploi-solidarité), les 40 000 emplois-jeunes, et les 15 000 vacataires (ces précaires des précaires) ne suffisent pas pour combler tous ces manques !

Des syndicats sous pression…

Démarré sur des problèmes divers (carte scolaire dans le primaire, statuts des enseignants dans les lycées professionnels, DHG ou rejet des réformes « pédagogiques » ailleurs), dès le mois de février, le mouvement a commencé à prendre l’allure d’un véritable mouvement d’ensemble dans l’Education Nationale à partir du 16 mars, même si le niveau de mobilisation est resté inégal : très fort mais assez localisé dans le primaire, national dans les lycées professionnels, assez faible ailleurs sauf à l’occasion des journées d’action qui étaient il vrai très rapprochées.

La FSU, première fédération syndicale, s’est retrouvée presque immédiatement écartelée puisque le SNETAA (présent dans les LP) était contre la grève, alors que le SNES (présent dans les collèges et les lycées d’enseignement général) était pour. Ayant pris la mesure du mécontentement, ce dernier ainsi que la CGT et FO ont pris suffisamment d’initiatives pour ne pas paraître en retrait. Militant pour des AG purement consultatives, ils ont dû cependant subir d’une certaine manière la pression de l’extrême-gauche.

Dans les assemblées départementales, et aussi à Paris (où les AG rassemblaient tantôt les établissements de la région parisienne, tantôt des délégations venues de toute la France), les appareils syndicaux ont dû composer avec les grévistes. Cela n’a été possible que dans la mesure où une minorité militante (et pour l’essentiel les camarades de Lutte ouvrière) ont milité pour que les grévistes se donnent eux-mêmes les moyens de diriger démocratiquement leur mouvement. La plate-forme élaborée par la « coordination nationale » le 6 mars a servi de référence durant le mouvement.

…qui sont vite rentrés dans les rangs

La démission d’Allègre n’a sans doute pas changé grand chose aux yeux des enseignants qui étaient réellement engagés dans la grève reconductible. La ficelle est trop grosse qui consiste à se servir d’un ministre comme d’un fusible. Et les premières déclarations de Lang ne laissent pas espérer grand chose, sinon quelques aménagements mineurs dans les réformes et un deuxième milliard en supplément (soit 0,25 % du budget de l’Education nationale).

Mais au niveau des appareils syndicaux, il en va autrement dans la mesure où Lang et Mélenchon ont semblé leur faire quelques sourires, à la différence de leur prédécesseur. Le SNES a même voté le nouveau statut des PLP (professeur des lycées professionnels) incluant flexibilité et annualisation. Il est d’ailleurs tellement peu convaincu de son argumentation (ce serait une avancée par rapport au projet Allègre) qu’il s’est surtout empressé de batailler pour exclure les autres enseignants d’une possible extension de ce statut. Or ce qui est « bon » pour les PLP le sera aussi pour les autres à terme…

Le mouvement est provisoirement interrompu. Mais la crise dans l’Education nationale est suffisamment profonde et durable pour qu’elle produise inévitablement de nouveaux soubresauts.

4 mai 2000, Raoul GLABER


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