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DOSSIER : La « refondation sociale » : une offensive patronale tous azimuts

La « refondation sociale » : une offensive patronale tous azimuts

Mis en ligne le 1er octobre 2000 Convergences Politique

On se souvient que toute cette affaire de « refondation sociale » a commencé fin 1999, quand le MEDEF, qui menaçait de quitter les caisses de Sécurité sociale s’il n’avait pas la garantie qu’aucune ponction ne serait effectuée pour financer les 35 heures, a décidé de pousser l’avantage. Le syndicat patronal met alors en avant sa « nouvelle constitution sociale pour la France » et propose aux organisations syndicales d’ouvrir un « énorme chantier ». Les confédérations syndicales protestent mollement, se fendent d’une déclaration commune mais… se précipitent à la table des négociations à partir du 3 février. Pendant des mois, tout ce beau monde discute et bien peu filtre de ce qui se trame derrière des portes soigneusement fermées… jusqu’à ce que le PARE fasse parler de lui.

Pourtant l’enjeu est de taille et se situe intégralement sur le terrain voulu par le patronat. Il n’est donc pas inutile de revenir à la source, à la définition et au contenu de la refondation donnés par le MEDEF lui-même, d’autant que le cadre réel des actuelles discussions est exactement celui fixé par les patrons et accepté par les syndicats.

La volonté patronale est claire et parfaitement affichée. Il s’agit de « proposer une nouvelle politique plutôt que d’adapter les structures existantes ». Il faut « innover sans hésiter à remettre en cause les règles conventionnelles, législatives, voire constitutionnelles ».

Baisser le coût du travail

Dans le détail la refondation sociale c’est huit chantiers : l’évolution des retraites complémentaires, la négociation collective, l’assurance-chômage, la précarité et les nouveaux contrats de travail, la santé au travail, la formation professionnelle, l’égalité professionnelle, l’encadrement, la protection sociale. Seuls les quatre premiers points sont pour l’instant abordés, mais l’examen des propositions patronales permet, au-delà du verbiage sur la liberté, le libre choix, la modernité… de mettre en évidence l’obsession permanente des patrons : baisser le coût du travail et pour cela fragiliser les salariés en attaquant leurs droits collectifs.. Il y a urgence, les patrons veulent profiter au maximum du rapport de force en leur faveur. Toute embellie économique, toute baisse du chômage ne risque-t-elle pas de rendre à nouveau ceux d’en bas plus exigeants ?

Baisser le coût du travail, c’est tout à la fois baisser le salaire direct, celui qui est au bas de la feuille de paie chaque mois, et remettre en cause le salaire socialisé, cette autre partie de notre salaire que le patron ne nous verse pas directement mais paye sous forme de cotisations patronales. Cette deuxième partie, augmentée de nos propres cotisations sociales permettent d’assurer de quoi vivre à celles et ceux qui ne peuvent pas ou plus travailler : retraite, chômage, maladie...

Notons au passage qu’en ce qui concerne le salaire direct, la modération salariale qui accompagne bon nombre des accords de réduction du temps de travail a déjà accompli une partie du travail. Ce que le Medef appelle « faire de l’assurance-chômage un instrument actif d’une politique de retour à l’emploi » (que l’on pourrait traduire par : faire de l’assurance–chômage un instrument de chantage pour contraindre les chômeurs à accepter n’importe quel emploi à n’importe quel salaire) est un moyen d’exercer une pression à la baisse des salaires.

Protection sociale minimum

Mais l’accent est plus encore mis sur le salaire socialisé. C’est le sens de toutes les propositions patronales sur la protection sociale et les retraites qui visent à réduire les droits au minimum et à proposer un complément « volontaire » payant. Quand en plus c’est le responsable de la fédération patronale des assurances, Denis Kessler, qui se mêle de refonder la protection sociale on peut se dire que c’est le loup dans la bergerie. Le même Kessler veut augmenter le nombre d’années de cotisations pour ouvrir le droit à la retraite, mais en même temps il « offre » à chaque salarié la possibilité de choisir son âge de départ à la retraite et pour cela, il propose de compléter les retraites par les fonds de pensions.

Discuté pratiquement dans l’ombre (la presse s’est simplement fait l’écho d’un « projet d’accord », passé le 12 septembre, au moment où nous écrivons, entre le MEDEF et les syndicats), le « chantier de la santé au travail » constitue pourtant une attaque d’ampleur. Réforme de la médecine du travail, suppression de la visite annuelle obligatoire pour tous les salariés, remplacement du médecin du travail par des cabinets privés, et surtout révision du système des maladies professionnelles. Pour baisser le coût du travail, tous les coups sont permis, même les plus bas !

Précarisation croissante

Pour réussir de manière durable, toutes ces attaques doivent s’accompagner d’une précarisation et d’une insécurité croissante des salariés.

L’assurance-chômage, la précarité et les nouveaux contrats de travail sont regroupés en un seul et même chantier et c’est déjà tout un programme. Le chapitre n°3 s’intitule « Lutter contre la précarité en créant de nouveaux types de contrats de travail ». Et là il faut suivre l’argumentation : la précarité serait due à la gamme actuelle trop limitée des contrats de travail : CDD, CDI, intérim. Certes ces derniers « préfigurent la société de demain fondée sur le dynamisme et la mobilité ». Mais ils ne sont pas encore assez souples, il faut donc étendre le principe des contrats de chantier du bâtiment à d’autres branches sous formes de contrats de projet ou de contrats de mission, et créer un contrat à durée maximum qui ne peut excéder 5 ans. Et comme si tout cela n’était pas suffisant, les patrons demandent en plus un « droit à l’expérimentation » d’autres formes de contrats par simple accord d’entreprise !

Se débarrasser des protections de la loi

Ici on débouche sur le dernier étage de la fusée refondation, concentré dans le volet négociation collective.

Pour les patrons, dans le système élaboré dans les années 50, la raison d’être de la loi en matière de droit du travail était d’assurer « des règles de concurrence normale » en « évitant tout dumping social au sein des professions et entre celles-ci ». Ce système serait aujourd’hui dépassé et insuffisamment souple. La loi réglerait trop de détails. Dans le collimateur il y a surtout la clause dite la plus favorable qui donne la priorité à la loi sur l’accord de branche, à l’accord de branche sur l’accord d’entreprise... et ne permet que de faire mieux que l’étage supérieur.

Le but de la discussion est donc de redéfinir le champ de la loi et de la négociation collective, c’est-à-dire le moins possible dans la loi et le plus possible dans la négociation et au niveau le plus bas possible, là où le rapport de force est le moins favorable aux salariés. Et ils ajoutent, au cas où on n’aurait pas compris qu’ils préfèrent les salariés isolés, réduits à vendre comme ils peuvent leur force de travail, « sans omettre le rôle du contrat individuel » !!!

L’enjeu est annoncé, se débarrasser de tout ce qui dans les lois actuelles représente les garanties et les acquis des salariés, y substituer la négociation au cas par cas et le contrat, quitte à refaire valider ensuite par la loi le nouveau rapport de force ainsi créé.

12 septembre 2000, Frida FUEGO

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