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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 55, janvier-février 2008

La « modernisation du marché du travail » sauce Sarkozy et Parisot : 100 ans en arrière !

Mis en ligne le 17 janvier 2008 Convergences Politique

« Avant fin 2008, la vraie flexisécurité à la fran­çaise aura vu le jour » , a déclaré François Fillon dans Les Échos du 10 décembre 2007. Une référence au « système danois » qui aurait la vertu d’allier liberté totale pour l’employeur de licencier et haut niveau de protection sociale pour le salarié. Érigé en modèle… à droite comme à gauche [1].Tel serait le but fixé par le gouvernement aux négociations sur la « modernisation du travail » qui se déroulent depuis septembre 2007 et viennent de s’achever. Les « partenaires sociaux » étaient sommés de se mettre d’accord sous peine de voir le gouvernement légiférer.

La « sécurité » ?

Dans le projet proposé par le Medef, on la cherche en vain :

– Création d’un « contrat de projet »  : un « CDI »… à durée déterminée, puisqu’il serait conclu pour la réalisation d’un projet précis et pour au moins dix-huit mois (par exemple la durée du lancement d’une nouvelle voiture dans l’automobile) ; sa réalisation entraînerait la fin du contrat, qui ne serait pas considérée comme un licenciement économique  [2]

– Instauration du licenciement « par consentement mutuel »  : l’employeur pourrait « se séparer à l’amiable » d’un salarié qui moyennant une indemnisation « fixée librement par les deux parties » renoncerait à toute procédure judiciaire. Sous prétexte de l’accord du salarié, évacuée la nécessité de motiver le licenciement !

– Allongement de la période d’essai à 3 mois pour les ouvriers et employés et 6 mois pour les cadres – renouvelable une fois. Autrement dit, réintroduction par la bande du CPE, cette fois pour tous les salariés !

Si gouvernement et Medef ne parlent plus d’introduire le « contrat unique » évoqué par Sarkozy durant sa campagne, mais de « fluidifier » ou « moderniser » le marché du travail, l’objectif reste : à défaut de pouvoir supprimer purement et simplement le CDI, il s’agit de le vider de sa substance. Les salariés embauchés en CDI n’en seront pas moins licenciables, durant leur période d’essai (rallongée) ou après, puisque « libres » de négocier leur licenciement « à l’amiable »  ! Sans parler de ceux qui décrocheront un « CDI de projet »

Ce travail de sape ne date pas d’aujourd’hui

Si le CDI reste le contrat de travail dominant (les 2/3 des emplois en 2005), la précarité a énormément progressé : entre 2003 et 2005, les deux tiers de l’accroissement du nombre de salariés sont dus aux emplois temporaires (CDD, intérim) – sans compter les CNE (8 % des embauches en 2006 dans les entreprises de moins de 20 salariés) qui peuvent être rompus à tout moment sans motif au cours des deux premières années. Quant aux « obstacles » aux li­cenciements (comprendre les protections du salarié), le patronat n’a pas attendu pour les contourner : utilisation massive des préretraites et recours croissant aux licenciements pour « cause individuelle » [3] (les 2/3 de l’ensemble aujourd’hui). Le projet du Medef s’inscrit bien sûr dans ce processus, mais il représente bien plus qu’un énième coup de canif au CDI : il vise non plus à contourner mais à faire sauter toute entrave au droit de licencier.

Rien à négocier, et pourtant les directions syndicales palabrent !

Si la réforme souhaitée par le gouvernement et le Medef constitue une attaque sans précédent contre le monde du travail, la méthode choisie pour l’introduire devient banale : celle de la négociation acceptée par les syndicats. Avec l’objectif d’ « équilibrer » le texte par des mesures de « sécurisation des parcours professionnels » .

Alors que la CGT revendiquait que tous les droits liés à l’ancienneté dans le précédent emploi soient transférés dans le nouveau, les autres syndicats insistaient sur la « transférabilité » de certains seulement, comme les droits à la mutuelle et à la formation. La CFDT, de son côté, acceptait l’idée du « CDI de projet » mais ciblé sur certains secteurs, car « les problèmes posés sont réels » ou encore celle de la « rupture à l’amiable » à condition qu’elle soit « encadrée » , avec des « garanties lisibles pour les salariés » , mesures très critiquées par la CGT et FO.

Derrière ces nuances, il y a la même acceptation de négocier une précarisation accrue du contrat de travail en échange de miettes de « sécurité ».

Les concessions dérisoires du Medef ont suffi pour que tous les syndicats se félicitent des « avancées » obtenues et envisagent d’accepter l’accord. Y compris la CGT qui tout en refusant pour le moment de signer un texte où « il reste toujours plus de dangers et de précarités que de mesures positives pour les salariés » , revendique d’être « restée jusqu’au bout pour avoir un texte qui soit le moins mauvais possible pour les salariés » . Un texte « rééquilibré »… qui entérine le principal objectif du patronat : licencier sans entrave ? Quel progrès !

Leur faire ravaler, comme le CPE

Rien à attendre donc des directions syndicales qui, toutes à des degrés divers, apportent leur caution à l’attaque menée par le gouvernement et le patronat. Une attaque qui s’ajoute à bien d’autres : contre les retraites (avec l’allongement de la durée de cotisation à 41 ans… pour commencer), la santé (avec l’entrée en application des franchises médicales), la déjà faible protection des chômeurs (radiés après deux refus de propositions d’emploi dites « acceptables »), etc.

Gouvernement et patronat poursuivent leur guerre contre le monde du travail. Les négociations auxquelles ils font mine de se prêter sont pur décorum. C’est sur un tout autre terrain qu’il nous faudra ferrailler : celui des luttes !

12 janvier 2008

Agathe MALET


Les mini concessions du Medef

— Le CDI à objet précis serait rebaptisé… « CDD à objet défini » et réservé aux cadres et ingénieurs… à titre expérimental ; à la rupture du contrat (d’une durée maximale de 36 mois), le salarié toucherait une prime s’élevant à 10% de son salaire.

— Le licenciement « à l’amiable » serait indemnisé à la même hauteur que le licenciement économique, soit un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté.

— La période d’essai serait revue à la baisse : 1 à 2 mois pour les ouvriers et les employés, 2 à 3 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens, 3 à 4 mois pour les cadres – renouvelables une fois par accord de branche.

— La couverture complémentaire santé serait « transférable » pendant un tiers de la période ouvrant droit au chômage, avec un minimum de 3 mois, ainsi que la totalité des droits à la formation.

— Un état des lieux des compétences des salariés serait dressé tous les 5 ans et un fonds spécialisé chargé de financer la formation des salariés peu qualifiés ou en situation de précarité serait mis en place.

— Une prime pour les jeunes licenciés de moins de 25 ans qui n’ont pas droit à l’indemnisation chômage… à condition qu’ils aient déjà travaillé.


[1Sur l’envers du « modèle danois », cf. Convergences Révolutionnaires n°52, « La flexicurité ou les sirènes danoises ».

[2Ce type de contrat existe déjà dans certains secteurs comme celui du BTP, avec le contrat de chantier. Il s’agirait donc de le généraliser.

[3Assortis d’une transaction convenant du versement d’une indemnité complémentaire en contrepartie de la renonciation à tout recours judiciaire par le salarié…. le « licenciement par consentement mutuel » avant l’heure !

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