Aller au contenu de la page

Attention : Votre navigateur web est trop ancien pour afficher correctement ce site internet.

Nous vous recommandons une mise à niveau ou d'utiliser un autre navigateur.

Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 138, avril 2021 > DOSSIER : La guerre d’Algérie et ses suites : non, on n’oublie pas (...)

DOSSIER : La guerre d’Algérie et ses suites : non, on n’oublie pas !

La mémoire du passé, pour nourrir les luttes du présent

Mis en ligne le 3 mai 2021 Convergences

Comme d’autres, l’émigration algérienne a été une immigration de prolétaires, assignés aux tâches les plus pénibles. Contre eux s’est dressé un racisme d’État nourri jusqu’à aujourd’hui par l’esprit revanchard d’une partie de la bourgeoisie française contre celles et ceux qui ont eu l’outrecuidance de lui tenir tête, de chasser les colons et d’arracher leur indépendance par un rapport de force courageusement imposé.

L’immigration algérienne en France, ancienne et spécifique

Jusqu’à la fin des mal nommées « Trente Glorieuses », plus de 90 % des Algériens en France étaient ouvriers, dans le bâtiment, l’automobile, la sidérurgie, ou dans l’agriculture comme ouvriers agricoles.

L’État français cherchait à contrôler cette immigration qu’il jugeait trop sauvage, à coups de quotas trimestriels et de certificats de résidence. Des circulaires spécifiques sur les Algériens pleuvent de 1964 à 1970 : ceux qui voulaient faire venir femmes et enfants d’Algérie devaient prouver qu’ils disposent d’un logement correct, avec des normes de surface et de confort précises, à une époque où la plupart des travailleurs algériens habitaient des taudis, des cités de transit boueuses, des hôtels-meublés insalubres, des foyers de travailleurs ou encore des bidonvilles comme à Nanterre, où ils furent jusqu’à 14 000 à être entassés.

En 1974, Valéry Giscard d’Estaing suspend officiellement l’immigration, façon de tenter de légitimer le racisme ambiant, de faire un lien entre la crise économique et l’immigration, bref de laisser croire que les immigrés voleraient le boulot des Français.

Aujourd’hui, dans une France qui contrôle sévèrement l’immigration, des Algériens obtiennent encore quelques visas, pour étudier surtout. D’autres sont des harragas (littéralement ceux qui brûlent leurs papiers), c’est-à-dire des jeunes hommes qui tentent de quitter l’Algérie en barque au péril de leur vie. Ce mouvement, qui avait ralenti pendant le Hirak, a repris de plus belle depuis mars 2020. Pour le seul mois de janvier 2021, une ONG a comptabilisé 75 disparus en mer venus d’Algérie dans six embarcations.

Une immigration marquée par ses luttes

Sur la question importante des logements, de 1975 à 1980, les foyers Sonacotra, lieu d’encadrement et de surveillance des travailleurs immigrés quasiment assignés à un statut de célibataires, furent le terrain de luttes combatives pour baisser les loyers, exiger des conditions de vie salubres, la reconnaissance des comités de résidents et la fin des contrôles racistes et même, cerise sur le gâteau, le renvoi des directeurs racistes, souvent d’anciens officiers pendant la guerre d’Algérie.

Une autre insubordination fut celle des grèves en tant qu’OS (ouvriers spécialisés) dans les années 1970 et 1980. Des grèves pour de meilleurs salaires, mais aussi pour la dignité ouvrière, pour ne pas être condamnés à vie aux boulots les plus durs et les plus mal payés. Ces travailleurs ont marqué de leur détermination bien des luttes dans le bâtiment, les mines ou l’automobile dans les années 1980 et 1990, où les socialistes au pouvoir ont tenté de les stigmatiser comme manipulés par les ayatollahs – ce qui était pure fantaisie.

Grands-pères, pères et fils ou filles, ces prolétaires sont toujours là

L’immigration algérienne a changé de look au fil des décennies : on les trouve aujourd’hui davantage dans des boulots précaires, dans la santé ou le social – ou dans les rangs des chômeurs – que dans de grandes concentrations ouvrières… qui ont fondu. Entre eux et leurs camarades « Français de souche » (si ça existe !), il reste bien des barrières à abattre… En France d’une part, mais aussi entre les deux rives de la Méditerranée, pour rapprocher les combats des uns et des autres. Un courant de sympathie réciproque s’est manifesté à l’occasion du mouvement des Gilets jaunes et de celui du Hirak. Rapprochements et solidarité naissent dans les combats communs.

Dans son rapport, Benjamin Stora propose entre autres à Macron d’encourager la préservation des cimetières européens en Algérie ainsi que des cimetières des harkis « morts pour la France ». Pour notre part, nous sommes plutôt intéressés par les vivants, et bien évidemment ceux de notre classe. À l’heure de la loi sur le séparatisme qui, sous ses apparences de chasse aux musulmans, désigne tous les « musulmans d’apparence » (supposés l’être) comme des dangers potentiels, notre tâche d’internationalistes est importante pour envoyer au cimetière des antiquités tous les restes de ce passé colonial, par l’organisation et la victoire d’une lutte de classe internationale, par-delà les frontières.

Imprimer Imprimer cet article