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Accueil > Les articles du site > Réunion publique du 21 mars 2021 : La Commune n’est pas morte (...)

« La forme politique enfin trouvée » (Karl Marx, La guerre civile en France)

Mis en ligne le 25 mars 2021 Article Culture

Réunion publique du 21 mars 2021 sur la Commune de Paris — 7e et dernière partie (Accès au sommaire)


La Semaine sanglante

Le 21 mai 1871, les Versaillais rentraient dans Paris. Ils allaient mettre la ville à feu et à sang pendant une semaine. Leur férocité était en proportion de la trouille que les Communards leur avaient infligée. En montant « à l’assaut du ciel », ceux-ci menaçaient trop de forteresses bourgeoises !

La Seine ne pouvait même pas charrier tous les cadavres ! Chaque quartier est passé au peigne fin pour capturer les gardes nationaux, reconnaissables avec la poudre à leurs doigts et l’hématome à l’épaule du fait du recul de leur fusil. Trainés devant une Cour martiale quand ce n’est pas jugé sur place, à coup de pistolet. Les plus chanceux ont fini sur la plaine de Satory, à côté de Versailles, avec au choix, le poteau ou la Nouvelle-Calédonie où ont échoué Louise Michel, Maxime Lisbonne et tant d’autres… Thiers avait promis, juré et craché que seuls les Parisiens coupables de la mort de Clément Thomas et de Lecomte le 18 mars passeraient en justice. L’avorton n’en était pas à son premier mensonge.

Une rue à Paris en mai 1871, Maximilien Luce

Avec des « il fallait »…

On a souvent répété que la Commune pouvait éviter le massacre. Plus facile à dire qu’à refaire. Avant coup, l’histoire n’est jamais écrite. Mais après la bataille, on aurait tort de ressasser les « coups manqués ». Mieux vaut tenter de comprendre ce qui a cloché et pourquoi. Il fallait marcher sur Versailles dès le 18 mars ! Il fallait prendre la Banque de France ! Il fallait envoyer dans toutes les villes des représentants de la Commune de Paris pour étendre la révolution ! Il ne fallait pas tomber dans la comédie de la conciliation ! Assurément.

La Banque de France a vite choisi son camp : la Commune a touché 20 millions de francs, Versailles, 250. Le vieux Charles Beslay, un ancien patron, proudhonien et partisan de l’association capital-travail, a dit à la Commune : « La Banque de France est la fortune du pays ; hors d’elle, plus d’industrie, plus de commerce ; si vous la violez, tous ses billets font faillite ».

Craintive, la Commune s’est inclinée. Il ne suffisait pas de remplacer le vieux Beslay par un « homme d’action ». Des hommes d’action, la Commune n’en manquait pas ! Peut-être la Commune n’a-t-elle pas fait le meilleur usage de ses plus valeureux soldats et des canons pour lesquels les Parisiens s’étaient battus le 18 mars.

Mais le problème n’est pas là. La Banque de France, l’impéritie militaire, la participation aux séances de conciliation, la religion du légalisme, tout ça trahit le fait que le Comité central puis la Commune manquaient de confiance dans leurs propres forces. Pourtant, ils ne pouvaient qu’en constater l’ampleur : à Paris, ils ont inventé une nouvelle société.

À l’assaut du ciel

Pendant deux mois, les communards ont eu le champ totalement libre pour se livrer à toutes les expériences. Dans les clubs, dans les bataillons de la Garde nationale, dans les comités de quartier, dans les ateliers, partout, il n’y avait plus d’opposition entre les aspirations des gens et leurs actions : ce qu’ils voulaient, ils pouvaient le faire, du moins le tenter. On vient de dire que la Commune a interdit le travail de nuit des boulangers. Ce qui compte, ce n’est pas l’interdiction en tant que telle, encore que, à l’époque, une telle mesure était véritablement révolutionnaire ! Mais ce qui compte, c’est que, pour l’obtenir, les garçons boulangers ont exprimé leur demande et que la Commune l’a immédiatement prise en compte, sans faire passer cette revendication dans la moulinette des « négociations » et du « dialogue social ». Et, quand les patrons ont voulu atténuer la portée de la nouvelle loi, la Commune n’a pas transigé. Dans chaque boulangerie, la décision de la Commune était un appui contre l’exploiteur.

Affiche de la Commune de Paris sur « les justes demandes » des ouvriers boulangers

On a beaucoup reproché à la Commune d’avoir enfilé des vêtements trop vieux pour elle, ceux de la Révolution française. La symbolique est omniprésente et a gêné l’action réelle des communards. Mais remarquons que c’est de la Révolution française que proviennent des mesures comme l’éligibilité et la révocabilité de tous les fonctionnaires ! La tradition révolutionnaire de 1792 et 1793, insuffisante pour bouleverser le fond des choses de 1871, a tout de même fourni les formes politiques qui, au contact de l’action des masses parisiennes, ont donné le premier État ouvrier de l’histoire.

Pour aller au fond des choses, il fallait un autre bagage, qui manquait à l’époque. Mais en inventant la Commune, en inventant cette « forme politique tout à fait susceptible d’expansion », cette « forme politique enfin trouvée » qui allait permettre de réaliser « l’émancipation économique du travail », pour reprendre les mots de Marx, les masses parisiennes ont tracé la voie pour nos combats d’aujourd’hui. Le bagage leur manquait parce que, justement, ce sont les Communards qui l’ont créé de toute pièce.

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