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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 134, décembre 2020 > Loi « Sécurité globale »

Loi « Sécurité globale »

La bourgeoisie cherche à se prémunir contre les combats des exploités : elle ne les empêchera pas !

Mis en ligne le 1er décembre 2020 Convergences Politique

Avec cette loi sécurité « globale », ses drones survolant nos allées-venues, ses flics dotés d’impunité, qui pourront nous filmer sans réciproque, ses milices privées, sa surveillance de masse, beaucoup se demandent : est-ce 1984 ? Le fascisme est-il aux portes ? La dictature pointe-t-elle son nez ? Certains le prétendent, ou que tout nous y pousse. Pourtant, la police n’en est pas encore à tirer sur les manifestants, du moins pas à balles de fusil ou de revolver. Nous n’avons pas nos martyrs, comme les révoltés de Tunisie en 2011, qui faisaient face aux snipers de la police. L’armée ne fait pas de descentes chez les militants et travailleurs combattifs pour les enfermer dans des prisons secrètes, les torturer, comme au Chili en 1973. Les contestataires ne sont pas lâchés d’un hélicoptère les pieds dans le ciment comme en Argentine sous la dictature. Et les violences policières, la France en a connu d’autres à différentes périodes.

Crier au fascisme, sans même se poser la question de ce qu’est le fascisme, cela ne permet pas de s’orienter. Mais il est vrai qu’un tournant a été pris : le gaz et les matraques s’abattent sur les manifestants de manière quasi systématique ; les forces de l’ordre social s’avancent au corps à corps, heurtent, mutilent, traînent en justice, emprisonnent, pour dissuader de contester ; des manifestations sont souvent interdites, ce qui était impensable il y a quelques années. La coercition devient le nouveau mode de gouvernance.

Pourquoi maintenant ?

Pour une raison simple. Voilà quelques années que les mobilisations s’enchaînent : contre la loi Travail en 2016, contre une réforme de la SNCF à l’image du démantèlement de bien d’autres secteurs en 2018, la mobilisation des Gilets jaunes en 2018-2019, contre la prétendue réforme des retraites en 2020, contre les mouvements s’opposant aux désastres écologiques ou aux violences policières, à l’instigation d’une partie de la jeunesse.

Cela ne se passe pas seulement en France. Pour ne pas remonter aux premières grandes manifestations altermondialistes du début des années 2000, à Seattle, Bruxelles, Gênes ou Nice, qui s’étaient accompagnées pour certaines d’énormes déploiements policiers et violences les accompagnant, la dernière décennie a commencé avec les révolutions arabes de janvier-février 2011 et le mouvement des Indignés d’Espagne en mai de la même année. 2019 n’a pas été en reste et a connu une nouvelle vague de soulèvements et mobilisations de plusieurs mois chaque fois : Soudan, Algérie, Chili, Liban, Hong-Kong, États-Unis, Biélorussie, et maintenant la Thaïlande et peut-être le Pérou, sans oublier les femmes de Pologne. Ce qui est sûr, c’est que la colère gronde et s’exprime par l’intervention de minorités, certes, mais de celles dont les mobilisations font l’histoire depuis toujours. Et les dirigeants de la planète le sentent bien. La nouvelle crise économique qui a éclaté avec l’épidémie de Covid, et dont on est loin de pouvoir mesurer encore les effets dévastateurs, ne peut qu’aviver les tensions, car il faut s’attendre à une terrible montée du chômage (on vit déjà au rythme de milliers de licenciements annoncés chaque semaine), à une baisse drastique du niveau de vie, entre autres avec des salaires amputés et même la ruine probable d’une fraction de la petite bourgeoisie.

Avec sa loi de Sécurité globale, le gouvernement réagit face à une situation qui se tend à l’échelle internationale. La bourgeoisie tente de prendre les devants, anticipe les mouvements sociaux qu’elle craint et qui pourraient la déborder.

Tous ces révoltés qui ne se laissent pas canaliser

Une crainte d’autant plus forte que les appareils réformistes traditionnels, les vieux partis socialiste ou communiste, comme les vieilles confédérations syndicales qui prétendent défendre le monde du travail, sont devenus des appareils quasiment sans troupes pour les partis réformistes ou des troupes dont les effectifs sont amoindris pour les syndicats, respectueux d’une république bourgeoise pourtant de plus en plus autoritaire, englués dans un prétendu « dialogue social », une « concertation » où ils se font complices des sales coups contre les classes populaires.

De ce fait, ils sont de plus en plus dépassés et on a envie de dire « tant mieux ». C’est ainsi que, ces dernières années, on a vu apparaître et se confirmer des « têtes de cortèges »… rivalisant en taille avec les cortèges des syndicats. Cela a surgi avec les mobilisations contre la loi Travail. Cela a continué sous une forme nouvelle avec les Gilets jaunes, surgis de nulle part (mais quand même des rangs d’un prolétariat exploité et ignoré jusque-là) et qui a pris d’assaut des ronds-points pour s’y installer durablement… mais aussi aller terroriser la bourgeoisie parisienne jusque dans ses beaux quartiers. Jusqu’aux Champs-Élysées.

Les manifestations « qui dégénèrent » n’ont pas cessé… parce que les flics n’ont pas cessé de les faire dégénérer par une attitude provocante ; par le choix de les encadrer totalement, d’en faire d’immenses nasses ; par le choix de lancer grenades lacrymogènes et autres projectiles sans aucune justification ; par le contrôle et l’arrestation de manifestants à l’arrivée dans la nasse, du seul fait qu’ils auraient sur eux ou elles de quoi se protéger…

C’est ce qu’on a connu dans toutes ces années, jusqu’aux manifestations pour le climat, pour le droit des femmes, contre le racisme et les violences policières ou encore les manifestations de ces deux dernières semaines contre la loi Sécurité globale. Sur toutes ces questions – éminemment politiques et générales, et pas seulement « revendicatives » et locales –, qui mettent en cause la politique de gouvernements défendant brutalement des intérêts capitalistes, la sauvegarde de profits plutôt que celle des vies, oui, on a vu se lever une fraction de la jeunesse – scolarisée ou salariée, souvent précarisée. Une fraction de la jeunesse qui a répondu présent, sans pour autant se reconnaître ni dans les dirigeants d’appareils syndicaux, ni dans les organisations politiques et pour tout dire politiciennes, de gauche ou autres. Autant de révoltés qui ne se laissent pas canaliser par des mirages d’élections ou discussions de salon.

La classe laborieuse, dont sa jeunesse, est redevenue la classe dangereuse

Nous ne sommes pas en dictature, mais il ne faudrait pas penser que la bourgeoisie française serait vaccinée contre une des formes qu’elle peut prendre. En matière de maintien de l’ordre brutal, elle arrive de très loin en tête aujourd’hui en Europe ! Elle s’est taillé une réputation et vend même ses armes policières et leur mode d’emploi – service après-vente oblige ! Et la prétendue France terre de liberté et d’égalité, terre de valeurs issues d’une révolution en 1789 (que la gauche, de Mélenchon à Olivier Faure, continue à nous vanter), elle a fait du chemin depuis. L’histoire a connu – entre autres – la répression de la Commune de Paris (30 000 morts), le pétainisme et la complicité de sa police avec les nazis, les guerres coloniales et y compris ses massacres sous des gouvernements de gauche. De la Tunisie à l’Argentine en passant par le Liban, la France n’est pas sans responsabilité, exportant ses armes et techniques de contre-insurrection éprouvées dans ses guerres en Indochine et en Algérie. La Ve République n’est-elle pas elle-même le produit d’un coup d’État ? Rappelons qu’aujourd’hui ses amitiés vont à nombre de dictateurs dans le monde.

Ce n’est donc pas la dictature, mais ça pourrait le devenir si nos luttes ne l’empêchent pas, rien n’est tracé et tout peut changer rapidement, à la faveur d’un nouvel état d’urgence ou d’une révolte. Mais ce qui est sûr, c’est que des forces réactionnaires relèvent la tête et que ce n’est pas en faisant le dos rond que cela pourra être évité, ni en faisant appel à une police « républicaine », à de bons sentiments républicains de la part de la bourgeoisie. Raison de plus pour que l’ensemble du monde du travail et de sa jeunesse, qui ont la force et la masse pour peser sur les événements, se mobilisent aujourd’hui contre ce projet de loi, entre autres son article 24, qui cristallise une colère qui va bien au-delà de cette loi elle-même.

Nous avons en face de nous un ennemi de classe qui défend ses intérêts. Alors, défendons les nôtres. La bourgeoisie sent le besoin de serrer la vis pour faire face à l’explosion sociale qu’elle sent possible, mais aucune forme de coercition n’est une garantie contre la colère populaire. Au contraire, elle peut l’exciter encore, c’est peut-être ce à quoi on assiste. En attendant, si la mobilisation actuelle parvient à faire retirer cette loi Sécurité globale – voire à provoquer la démission des Darmanin et autres Lallement –, ce ne sera certes pas un changement du système, mais ce sera une victoire quand même. Et qui pourra en appeler d’autres.

29 novembre 2020


Cette série d’articles sur la loi Sécurité globale sont tous issus des exposés faits lors de la réunion publique tenue sur Internet par la Fraction l’Étincelle du NPA dimanche 29 novembre 2020 à 15 heures. Le lecteur désireux de retrouver l’intégralité de ces exposés peut les lire sur notre site ou les réécouter sur la page Facebook de notre groupe : https://fb.watch/26pKKZQu9d/

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