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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 117, janvier-février 2018 > Rupture conventionnelle collective à PSA

La RCC kékséksa ?

8 février 2018 Convergences Politique

  • Si on obtient l’accord du salarié et des syndicats, tout est permis. Pour PSA en effet, la RCC présente tous les avantages du PSE puisque c’est un plan de départ collectif (mais sans ses inconvénients) et tous les avantages du Plan de départs volontaires (PDV) individuel puisqu’il reste au prétendu « volontariat ». La loi permettra d’étendre ces procédés, jusque-là monopoles des grands groupes qui n’ont pas grande peine à trouver des syndicats à leur botte, à toutes les entreprises qui pourront dès lors licencier sans la moindre contrainte. L’idée est résumée ainsi par un juriste : « s’il y a un accord avec des organisations syndicales et que le départ suppose l’accord du salarié, les restrictions posées par la loi française aux licenciements ne s’imposent pas » [1].
  • Plus aucune justification à fournir. Les patrons pourront anticiper une diminution des effectifs (jugée par eux inéluctable), sans la moindre « cause réelle et sérieuse » pour un licenciement collectif. Ils pourront opérer une réorganisation sans même avoir à démontrer que celle-ci répond à la nécessité de sauvegarder la compétitivité. En d’autres termes : plus besoin de justifications d’une quelconque difficulté économique ou stratégique. Elles étaient de toute façon bidon et falsifiées par le patronat. Pourquoi alors s’embarrasser de telles formalités ? Désormais de vagues considérations organisationnelles suffiront à justifier toutes les suppressions de postes.
  • Extorquer l’accord de syndicats béni-oui-oui. Pour les conditions, les patrons devront juste chercher un accord « majoritaire » (signé par un ou plusieurs syndicats ayant obtenu plus de 50 % des suffrages exprimés) et la validation par l’administration du travail (Direccte [2]). Là où il n’y a pas de syndicat, l’accord peut être conclu par des élus du personnel (mandatés ou non par des organisations syndicales), par des salariés mandatés, ou par référendum. Le chantage ou l’existence de prétendus « volontaires » suffiront à forcer « l’adhésion » des syndicats complaisants.
  • Plus d’obligation de reclassement interne. À l’occasion d’un contentieux sur un accord de compétitivité chez Renault en 2010, en cas de Plan de départ volontaire (PDV) excluant tout licenciement « sec », les patrons avaient déjà obtenu de ne plus être soumis à l’obligation de reclasser les salariés en interne (obligation de rigueur en cas de PSE). Les RCC consolident cet affranchissement. Plus aucune priorité à la réembauche pour le salarié poussé au départ, ni d’interdiction de recruter des CDD sur le même poste pendant 12 mois.
  • Éviter à tout prix les conflits collectifs. Le patron pourra réaliser toutes les compressions d’effectif dans un climat « apaisé ». Le but avoué des plans de départs volontaires, et désormais de la RCC, est bien de remplacer les PSE et autres grands plans de licenciements collectifs, politiquement trop risqués. Comment expliquer en effet que PSA (comme Michelin en 1999) dégraisse encore avec actuellement 2,15 milliards d’euros de bénéfice net, après avoir supprimé 25 000 emplois sur cinq ans ?
  • Si pas assez de « volontaires » : retour aux vieilles formules. Si les syndicats ne se montrent pas assez complaisants, l’entreprise pourra toujours se rabattre sur un PDV ancienne formule. La marque de prêt-à-porter Pimkie est une des premières entreprises avec PSA à avoir annoncé des ruptures conventionnelles collectives pour supprimer 208 postes. Les syndicats CGT, FO et CFDT ont refusé de signer. Qu’à cela ne tienne, Pimkie menace maintenant d’un plan de départ volontaire classique. Là encore, Pimkie appartient à la famille Mulliez (Auchan, Décathlon, etc.), dont la fortune est estimée en 2016 entre 26 et 40 milliards d’euros.
  • Une RCC n’interdit ni certains PDV, ni PSE après. Certes la RCC exclut tout licenciement économique « contraint » (c’est-à-dire qui n’est pas au prétendu « volontariat »), mais le Code du travail ne précise pas sur quelle période. Certainement sur toute la période de mise en œuvre de la RCC. Mais une fois cette période achevée, la loi n’interdit pas que l’employeur puisse directement embrayer sur un PSE ou tout autre moyen de dégager ses salariés.
  • Les seules concessions seront au bon plaisir du patron. Certains vantent de prétendus « avantages » que les salariés pourront obtenir en contrepartie : systèmes de préretraite, aides à la création d’entreprise, financement de formations, reclassements externes pré-négociés avec d’autres entreprises, la renonciation à tout licenciement contraint pendant une période déterminée après la fin de la mise en œuvre de la rupture conventionnelle collective. Mais tout cela reste au bon vouloir du patron et objet de négociation avec les syndicats, sur la base d’un rapport de force que la RCC vise précisément à contourner.

À noter que les indemnités de rupture conventionnelle collective et celles liées au congé de mobilité seraient exonérées d’impôt sur le revenu et exclues, pour partie, de l’assiette des cotisations de Sécurité sociale [3]. Mais le délai de carence pour toucher les indemnités chômage passerait de 75 jours pour les PSE et PDV… à 150 dans le cas de la RCC !

L. B.


Pour en savoir plus, notamment sur les détails et problèmes juridiques, voir Alexandre Fabre, « Rupture conventionnelle collective et congé mobilité : de faux jumeaux », Semaine Sociale Lamy, no 1800, 29 janvier 2018.


[1Liaisons Sociales Quotidien, no 17494, 23 janvier 2018, « “Les ruptures conventionnelles collectives permettront d’éviter la dramaturgie des PSE”, estime J. Grangé, avocat ».

[2Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.

[3Liaisons Sociales Quotidien, no 17455, 27 novembre 2017.

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