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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 22, juillet-août 2002

La CFDT recentrée et renforcée… dans la collaboration de classe

Mis en ligne le 9 juillet 2002 Convergences Politique

En mai dernier la CFDT a tenu son 45e congrès. Elle est en progression et se trouve ainsi confortée dans sa politique de « recentrage ». Avec Edmond Maire – le prédécesseur de Jean Kaspar et de Nicole Notat – la CFDT avait amorcé ce virage qui selon les vœux de sa direction, devait la sortir de l’image de l’après 1968 où elle n’avait pas hésité à se faire passer pour quelque peu « gauchiste » – sans toutefois rien vraiment entreprendre pour déborder la CGT – puis de la période suivante où elle s’afficha ouvertement pour l’Union de la gauche. Aux yeux de ses dirigeants, cette image la desservait dans ses relations avec le patronat et, si elle avait pu un temps lui ramener des adhérents, ne paraissait plus un gage de développement aussi assuré, une fois Mitterrand installé à la présidence de la République.

L’interlocuteur privilégié du patronat

C’est dans le droit fil de ce « recentrage » que la confédération a été amenée ces dernières années, avec Nicole Notat à sa tête, à faire le choix d’être le syndicat appuyant le Medef dans sa « refondation sociale », approuvant le PARE et avec lui les nouvelles contraintes contre les chômeurs, et d’une façon générale se prêtant à toutes les initiatives patronales de remise en question des protections sociales.

Il y a sept ans elle avait déjà appuyé le gouvernement de droite d’Alain Juppé dans sa tentative, avortée pour cause de quasi grève générale, de remise en cause de la Sécurité sociale et du système de retraite des salariés du service public. Elle ne fait donc que persister en proposant l’alignement par le bas du secteur public sur le privé à 40 ans d’ancienneté, fière aussi d’avoir été la première confédération à donner son aval à l’épargne salariale, ces embryons de fonds de pension à la française que Laurent Fabius a fait passer.

Lionel Jospin premier ministre, accorda une certaine place au PCF et à la CGT – considérés comme indispensables pour faire passer en milieu ouvrier les mesures les plus impopulaires – et la CFDT fut remisée au second plan. La gauche plurielle avait plus besoin de la caution de la CGT que de celle de la CFDT, même si celle-ci ne la marchanda pas, par exemple lors de la loi Aubry qui introduisait plus de flexibilité dans les horaires et permettait des baisses de salaires.

A défaut d’être l’interlocuteur privilégié du gouvernement, la CFDT devint donc celui du patronat. Le Medef entama contre le gouvernement une guéguerre pour les besoins de laquelle la bonne volonté de la CFDT à son égard lui rendit un grand service. Les relations entre le gouvernement Jospin et la CFDT n’en furent en conséquence pas des plus sereines. Et c’est sans doute sans trop de regret que Nicole Notat et son successeur François Chérèque voient aujourd’hui le gouvernement repasser à la droite. La confédération s’est d’ailleurs distinguée en appelant la première à voter Chirac au second tour de la présidentielle – ce qui n’a pas empêché la secrétaire générale sortante, de proclamer lors du dernier congrès son refus de mélanger politique et syndicalisme – et en manifestant le premier mai aux côtés de la CGT et des partis politiques de gauche, ralliés eux aussi au vote Chirac, ce qu’elle n’avait pas fait depuis des années.

Le syndicat qui monte

En se situant comme « le syndicat de la négociation et non pas de la grève », en montrant sa volonté de collaborer indifféremment avec les gouvernements de droite ou de gauche comme avec le patronat, cahin-caha la CFDT se présente aujourd’hui comme le gros syndicat qui monte, qui monte… Et effectivement, du moins du point de vue de l’appareil confédéral, la politique de recentrage a été globalement payante.

L’obligation du mandatement syndical pour signer tout accord, introduite avec la loi sur les 35 heures, a amené des salariés à s’affilier à un syndicat. Et la CFDT a été la plus choisie. Elle est présente dans 42,5 % des accords et a désigné 13 000 mandatés. Nul doute que face à un certain nombre de petits patrons, pour le moins réticents à toute introduction d’un syndicat dans leur entreprise, il doit être plus facile à des salariés de faire passer une étiquette CFDT, qui a la réputation d’entretenir des bonnes relations avec le patronat, qu’une étiquette CGT.

Devenue l’interlocuteur privilégié du patronat, la CFDT a aussi pu bénéficier de l’appui de celui-ci pour conquérir des postes tenus dans le passé par d’autres comme FO et jugés de première importance par les confédérations, comme la direction de la Caisse nationale de l’assurance maladie et celle de l’UNEDIC. Et bien d’autres encore, beaucoup moins voyants mais pas moins utiles à l’existence d’un appareil qui ne vit pas que des cotisations de ses syndiqués et qui aspire même à dépendre le moins possible de ceux-ci.

La croissance de la CFDT se fait ainsi sur une base bien différente de celle qui fut à l’origine de la constitution des syndicats, ces organisations de combat contre l’exploitation capitaliste. Cette CFDT, qui se veut « moderne », ne se réclame évidemment pas de la lutte de classes. Encore moins que la CGT, laquelle a aussi jeté cette référence par-dessus bord mais seulement il y a quelques années. C’est sans complexe que la CFDT peut entretenir les vieilles lunes de la collaboration de classes, car c’est depuis toujours qu’elle se veut gestionnaire et non contestataire.

Le retour aux sources

La CFDT est née au sein de la CFTC – la confédération des syndicats chrétiens mis sur pied par la hiérarchie de l’Eglise catholique pour faire pièce dans le mouvement ouvrier aux idées socialistes et remplacer l’esprit de classe par l’opium de la religion – une organisation qui a toujours eu comme objectif principal, même lorsqu’elle faisait l’unité d’action avec la CGT, de contrecarrer l’influence de celle-ci. Et si en 1964 la majorité de la CFTC a décidé de jeter l’étiquette « chrétienne » aux orties pour la remplacer par l’adjectif « démocratique », ce ne fut que dans l’espoir de mieux remplir cet objectif de toujours.

Cela ne signifie pas que, en dépit de ces orientations, les travailleurs ou les militants qui viennent à la CFDT n’entendent pas défendre sincèrement les intérêts des travailleurs ou ne sont pas prêts pour cela à participer et organiser les luttes. Beaucoup, les circonstances aidant, se retrouvent en contradiction avec la doctrine et les dirigeants de leur organisation. Heureusement, ce n’est pas toujours un lit de roses pour ces directions syndicales, CGT comme CFDT d’ailleurs, où prédominent aujourd’hui au sommet les mêmes aspirations à jouer le rôle de courroie de transmission du patronat et du gouvernement au sein de la classe ouvrière.

Ainsi ces dernières années certains accords, appréciés comme de véritables capitulations mais ratifiés par les sommets en opposition flagrante avec les aspirations de la base syndicale ou des appareils locaux, amenèrent des militants ou des syndicats entiers à quitter la CFDT : chez Michelin dans la chimie, à RVI ou à Renault dans l’automobile, dans le commerce, à l’ANPE, des militants ont abandonné la CFDT pour créer des syndicats SUD ou rejoindre soit la CGT, soit la FSU.

Le rapport d’activité a cependant été approuvé à 78,51 % des délégués du 45e congrès, le meilleur score paraît-il obtenu par un secrétaire général sortant. Et incontestablement les oppositions sont apparues affaiblies par rapport aux congrès précédents. Pourtant la résignation de la centrale devant les plans sociaux et le refus de se prononcer contre les licenciements dans des entreprises affichant des profits passent mal auprès de certains militants qui s’en sont fait l’écho à la tribune. L’acceptation de l’alignement des retraites du secteur public à 40 annuités comme dans le privé n’est pas avalé par tous comme du bon pain, bien que Nicole Notat n’ait pas manqué d’en justifier une nouvelle fois la nécessité. La signature d’accords par-dessus la tête des intéressés, le fonctionnement imposé par la direction et une certaine brutalité dans les rapports conduisant à éliminer des militants ont été dénoncés.

Les trahisons de ses dirigeants ne doivent donc pas faire oublier aux militants ouvriers lutte de classe qu’ils peuvent trouver des alliés dans la CFDT et qu’il y a toujours nécessité de s’adresser à ses militants.

Louis GUILBERT


Première confédération syndicale française ?

Selon Nicole Notat et les chiffres du rapport d’activité, la confédération se porte bien. Elle se prétend même avec 865 528 adhérents – historiquement son effectif le plus élevé – la première organisation syndicale française, devant la CGT qui n’en revendique elle que 700 000. Une affirmation discutée et discutable. On compte un adhérent pour 8 cotisations mensuelles perçues en une année et le collectage est différent de l’une à l’autre des centrales, la CFDT étant au prélèvement automatique pour 80 % des cotisants. Reste qu’aux dernières élections prud’homales, celles de 1997, la CGT représentait 33,11 % des suffrages, devant la CFDT qui en recueillait 25,34 % (Liaisons Sociales). Reste que dans les élections aux comités d’entreprises – qui concernent donc les entreprises de 50 salariés et plus – pour 1998-99 la CGT était à 23 %, encore même si c’est tout juste devant la CFDT à 22,3 % (Source MES-Dares). Reste aussi à regarder les forces militantes réelles, celles qui comptent dans les mouvements, et pas seulement le nombre d’adhérents ou les résultats électoraux. Reste enfin à mesurer le poids de l’une et de l’autre des organisations dans les luttes syndicales et pas la seule présence dans les négociations de toutes sortes…

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Réactions à cet article

  • Salut, j’étais à la CFTC au début des années 60 et j’ai fait partie du groupe « reconstruction ». En 66 et 70, on avait un peu fait le message, mais le problème avec les militants humanistes, c’est qu’on ne coupe pas vraiment la tête aux vaincus et c’est vrai qu’avec Edmond Maire et la suite, on n’a pas respiré longtemps l’air pur du syndicalisme de classe et de masse.

    N’empêche, je ne suis pas d’accord avec toute l’analyse : la CFDT n’aurait sans doute pas regressé si loin si les copains de SUD n’avaient pas abandonnés le terrain en drainant une bonne part des forces vives de l’organisation.

    Alors, il serait temps, non seulement de rester en contact avec les militants de base, il y en a vraiment des très bons, mais aussi de les rejoindre et de leur donner un coup de main, dans la CFDT.

    Je peux en témoigner, étant resté 43 ans syndiqué, à la CFDT, dont au moins 30 dans l’opposition, avant de prendre ma retraite : C’est plutôt dur, l’opposition minoritaire, mais il doit rester l’espoir d’en sortir .. Alors haut les coeurs !

    Ceci dit, ne m’envoyez pas de bulletin d’adhésion : Je m’intéresse mais de loin et je fais autre chose, maintenant que j’ai cessé de m’opposer en attendant la relève !

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