Aller au contenu de la page

Attention : Votre navigateur web est trop ancien pour afficher correctement ce site internet.

Nous vous recommandons une mise à niveau ou d'utiliser un autre navigateur.

Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 33, mai-juin 2004 > DOSSIER : Elargissement à 25, nouvelle constitution : l’Union européenne, (...)

L’euro, expression de la domination des bourgeoisies les plus puissantes

14 mai 2004 Convergences Monde

Ce n’est pas seulement pour faciliter les échanges commerciaux que les capitalistes européens se sont dotés d’une monnaie commune.

Certes, le flottement incontrôlé des monnaies entrave quelque peu le commerce. Pourtant les marchés des changes et d’autres marchés aux mécanismes un peu plus sophistiqués, les marchés « dérivés » permettent en quelque sorte de « s’assurer » contre les risques de variations du change. Cette assurance a un coût pour l’industriel mais elle rapporte un profit à d’autres catégories de capitalistes... Et ce sont souvent les mêmes, en tout cas en ce qui concerne les grandes firmes qui mènent des activités financières en plus de leurs activités de production.

Quel problème à conserver plusieurs monnaies ?

Les capitalistes sont confrontés à un dilemme. D’un côté, une monnaie faible peut faire leurs affaires. Les prix de leurs marchandises, convertis dans une monnaie étrangère, seront plus bas, ils en vendront plus et feront plus de profits. Mais d’un autre côté le capitalisme actuel se caractérise plus encore que par l’exportation de marchandises par celle de capitaux. Or pour exporter des capitaux, c’est à dire investir à l’étranger en y créant des moyens de production ou en rachetant ceux qui existent déjà, mieux vaut avoir une monnaie forte.

Entre les deux termes de cette alternatives, l’intérêt des capitalistes varie selon leur activité, les pays et les moments.

Au sein du marché commun, les pays européens étaient dans des situations diverses. Certains, comme la France, l’Allemagne ou l’Angleterre comptaient des trusts d’ampleur internationale. D’autres, comme l’Espagne, la Grèce, le Portugal, étaient plus retardataires, et n’avaient pas de rôle important dans la hiérarchie impérialiste.

A partir du moment où on supprimait les douanes à l’intérieur de l’Europe, certains pays pouvaient être tentés de laisser chuter le cours de leur monnaie. Il suffisait, par exemple, de faire tourner la « planche à billets » en augmentant le déficit de l’Etat. Alors leurs produits valaient moins chers et puisque aucune barrière douanière ne les arrêtait plus, ils menaçaient d’envahir l’Europe.

Les pays capitalistes européens les plus riches n’avaient pas du tout intérêt à cela. Leurs multinationales étaient en pleine expansion. Ils exportaient de plus en plus de capitaux, surtout à partir des années 80. Répondre à la dévaluation par la dévaluation, comme ils l’avaient fait parfois, ne les arrangeait plus. D’autant qu’avec des usines plus performantes, ils avaient moins besoin d’une monnaie faible pour exporter.

Une solution : prendre le contrôle des monnaies des autres

Le problème s’est posé à partir des années 70, car jusque là toutes les monnaies étaient définies par rapport au dollar, dans le cadre du système de Bretton Woods créé à la fin de la guerre.

Lorsque les cours des monnaies commencèrent à flotter, les puissances européennes dominantes cherchèrent d’abord à obtenir la coopération des autres afin de limiter d’un commun accord l’ampleur de ces fluctuations : ce fut le Serpent monétaire européen (avril 1972), qui connut un fiasco retentissant dans les années qui suivirent. Fut alors tentée la création d’un système plus contraignant : le Système monétaire européen (mars 1979). Cette fois les monnaies étaient censées respecter une parité fixe. En pratique les parités « fixes » furent sans cesse révisées et pour finir le système explosa entre 1992 à 1994, lorsque devant la récession et la baisse des profits, chaque Etat fut appelé au secours de sa bourgeoisie nationale.

Quelle possibilité restait-il ? Supprimer le problème lui même, en supprimant les monnaies.

Avec l’euro, la politique monétaire devient l’apanage des plus puissants

Bien entendu, les capitalistes français et allemands (car entre temps, la Grande-Bretagne, qui doit compter avec l’importance de sa place financière et de ses liens transatlantiques, avait fait bande à part) ne pouvaient annoncer de but en blanc aux autres membres de la CEE, puis de l’UE qu’ils allaient s’arroger le contrôle de leur politique monétaire.

Une fiction bien commode fut la soi-disant indépendance des banques centrales : on allait rendre les banques centrales indépendantes des gouvernements, et la Banque centrale européenne, qui les absorberait toutes, serait ainsi une vraie institution supranationale. Mais chacun sait qu’à l’instar de l’Onu ou du FMI, les institutions supranationales sont le masque des intérêts impérialistes dominants.

De plus, avec le Traité de Maastricht prolongé par le Pacte de stabilité, tous les candidats à l’euro s’engageaient solennellement à ne plus recourir à la planche à billets. Derrière cette harmonieuse apparence ce cachent des rapports de force et des règles du jeu inéquitables.

Les pays les plus riches, à commencer par l’Allemagne et la France, contrôlent la politique de la BCE, et transgressent les règles du pacte de stabilité quand cela leur chante. Cette année, Raffarin et Schröder ont augmenté leur déficit budgétaire en dehors des limites imposées, c’est-à-dire qu’ils ont financé les subventions à leur bourgeoisie en créant des euros, ce qui était soi-disant strictement défendu. Les mécanismes de sanction prévus par le pacte de stabilité ne se sont pas appliqués !

Pour les capitalistes européens plus faibles, l’euro est un mal nécessaire car ils ne peuvent se permettre, comme le fait la bourgeoise anglaise, de rester en dehors de la construction européenne : ils le paieraient sur un plan commercial et financier.

Au total, l’euro est le produit de l’échec des puissances qui dominent l’Union européenne à encadrer les fluctuations des monnaies des puissances mineures. Pour que celles-ci ne soient pas tentées d’utiliser leur devise nationale comme une arme commerciale, il a fallu les en priver...

Julien FORGEAT

Mots-clés : |

Imprimer Imprimer cet article

Abonnez-vous à Convergences révolutionnaires !

Mots-clés