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L’enterrement de la reine : Moyen Âge en direct à la télé

Mis en ligne le 13 septembre 2022 Convergences Monde

De Vladimir Poutine à Joe Biden, d’Emmanuel Macron à Fabien Roussel, chacun y est allé de sa petite larme. La reine est morte. Pas la monarchie. Son fils a pris sa place sous le nom de King Charles, le même qu’une race canine prisée en Grande-Bretagne.

Il s’est aussitôt déclaré, après 73 ans d’attente, prêt à assumer son lourd destin : l’héritage d’une fortune de 370 millions de livres (420 millions d’euros), certes modeste au regard des plus grandes fortunes mondiales qui se chiffrent en dizaines de milliards. Mais s’y ajoutent les 3 milliards de livres (3,5 milliards d’euros) des bijoux de la couronne, ça devient plus sérieux. Plus 315 biens fonciers, parcs, immeubles, châteaux et des milliers d’hectares de terres agricoles. Que de soucis pour ce pauvre Charles, qui n’a rien fait de ses dix doigts jusqu’à aujourd’hui, insurmontables s’il n’avait l’aide d’une solde annuelle de 86 millions de livres (99 millions d’euros) aux frais du contribuable britannique pour les menus tracas du quotidien.

Modeste, nous dit-on, sous ses chapeaux fluo, la défunte avait le sens du devoir et de l’honneur. Au point que lorsqu’un dictateur argentin avait osé toucher aux îles Malouines, en 1982, sa majesté, du haut de ses déjà 30 ans de règne, ne pouvait laisser passer l’affront, et se devait de bénir l’intervention militaire (décidée par Margaret Thatcher) et décorer les héros : croiseurs, porte-avions, 28 000 hommes, 30 000 tonnes de munitions, 480 0000 tonnes de carburant pour replanter l’Union Jack sur ces ilots caillouteux où l’on ne trouve que des crevettes minuscules et immangeables. Mais si le dictateur argentin y cultivait le nationalisme pour étouffer les mécontentements, la couronne britannique tenait avant tout à y sauver l’honneur perdu de feu son empire. Ça valait bien un petit millier de morts.

Qu’est-ce que ça serait si on touchait aux Caïmans ou aux Bermudes, ces paradis fiscaux, lointains mais toujours partie intégrante du royaume, où la famille royale a coutume de placer une partie occulte de sa fortune, comme l’ont révélé il y a quelques années les paradise papers ?

Et la télévision française de nous montrer en boucle ces Anglaises et Anglais qui viennent déposer pieusement des fleurs sur les grilles de Buckingham Palace, oubliant ceux, bien plus nombreux, qui ne peuvent pas plus piffer la famille royale que la nouvelle Première ministre qui se prend pour une réincarnation de Thatcher. Oubliant ceux dont les grèves contre les bas salaires et la montée en flèche des prix faisaient l’actualité de la Grande-Bretagne ces dernières semaines.

Heureusement que de l’autre bout du monde nous vient un peu d’air frais : d’Afrique du Sud où jusqu’à une période récente, pendant ses 40 premières années de règne, la reine, comme ses prédécesseurs, soutenait le régime d’apartheid ; du Kenya où l’on se souvient des 100 000 morts et 300 000 jetés en prison, lors de la répression de la révolte des Mau-Mau, de 1952 à 1960 alors qu’Élisabeth, toute fringante, venait juste d’arriver sur le trône… et d’autres pays du globe où reste le joyeux souvenir de la férocité de l’empire dont elle était la potiche couronnée. « À l’heure où j’écris, nos histoires continuent d’être effacées [écrit dans The Gardian l’écrivaine anglaise Afua Hirsch, de mère ghanéenne]. Pendant son règne, nous dit la BBC, les colonies ont “gagné leur indépendance” mais aucune mention de ceux qui ont été emprisonnés, tués dans la lutte. […] Je n’oublierai jamais la visite de l’arche de l’indépendance au Ghana. Cette nation était fière d’avoir été le premier peuple africain noir à s’affranchir de l’empire, et voici le point focal physique de cette liberté : une arche portant une étoile noire symbolique. Lorsque j’ai regardé à l’intérieur, j’ai trouvé un rappel à la réalité : une plaque dédiait cette liberté à nulle autre que la reine Élisabeth II. J’ai compris qu’il s’agissait d’une leçon selon laquelle même dans notre liberté, nous ne sommes pas libres. On attend de nous que nous soyons reconnaissants d’avoir été colonisés. »

Mais ça n’empêchera pas la télé de nous servir encore pendant des jours en boucle ses sornettes à la gloire de la royauté et de nous en remettre une couche dans quelques mois, quand l’heureux héritier recevra la couronne des mains d’un archevêque, en jurant sur « les quatre épées », joyaux de la couronne, de maintenir en vie l’Église d’Angleterre.

God Save the Queen, the King and the London Stock Exchange.

Olivier Belin

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