L’acharnement d’Assad contre les dernières zones rebelles
23 mars 2018 Convergences Monde
Le régime de Bachar El Assad, soutenu par ses alliés iraniens et russes, a repris le pouvoir sur la majorité du territoire syrien, sauf dans le nord du pays essentiellement sous contrôle kurde. Il s’attaque maintenant, avec la même violence que l’an dernier pour reprendre la ville d’Alep, aux dernières poches de résistance contrôlées par une myriade de groupes rebelles. En premier lieu, dans cette région de la Ghouta qui subit un déluge de feu. 400 000 civils y sont assiégés depuis 2013 et doivent, depuis un mois, se terrer dans les sous-sols pour échapper aux bombardements de l’armée syrienne et de l’aviation russe. Les hôpitaux sont particulièrement visés et l’utilisation d’armes chimiques est de nouveau fortement soupçonnée. La pénurie alimentaire se renforce, jour après jour. Le prix du riz aurait été multiplié par 25 en un mois. L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) [1] recensait au 5 mars plus de 750 civils tués dans la Ghouta orientale depuis l’intensification des bombardements début février. Vendredi 2 mars, l’armée d’Assad a débuté son offensive terrestre et compte bien la poursuivre jusqu’à la reprise intégrale du territoire.
Les grandes puissances au sommet de l’hypocrisie
Certes, du côté des grandes puissances occidentales, pas un dirigeant ne manque à l’appel pour dénoncer les crimes d’Assad : Macron, Merkel, Trump ou encore Theresa May. Mais ces mêmes grandes puissances sont en grande partie responsables du chaos syrien. Depuis 2011, elles l’ont elles-mêmes alimenté : pendant que côté russe on soutenait le régime d’Assad, les puissances occidentales soutenaient, directement ou par le biais de leurs alliés dans la région (Arabie saoudite, Turquie, Qatar…), tel ou tel groupe armé selon les moments. Y compris de multiples groupes armés islamistes dont le groupe Daech qui leur a donné du fil à retordre. Les opérations contre Daech ont donné aux puissances occidentales l’occasion d’intervenir ouvertement en Syrie en y envoyant leurs propres troupes, essentiellement leur aviation et des conseillers militaires, utilisant comme fantassins diverses milices syriennes, arabes ou kurdes. Cette intervention directe, elles la poursuivent aujourd’hui.
Et c’est faute d’avoir trouvé une force militaire à leur solde, capable de mettre en place une dictature de rechange à la dictature d’Assad qu’elles se sont toutes faites à l’idée qu’Assad serait redevenu l’acteur incontournable pour une éventuelle issue du conflit. C’est ce que disait entre autres Emmanuel Macron, en juin 2017, affirmant que le départ d’Assad « n’était pas un préalable à tout » par manque de « successeur légitime ».
Certes, ni le gouvernement français, ni Donald Trump ne veulent d’une victoire complète d’Assad, à leurs yeux trop favorable aux intérêts iraniens et russes. Les USA l’ont rappelé début février en bombardant l’armée du régime à Deir Ezzor [2], ville située sur la rive de l’Euphrate au nord de la Syrie dans une zone riche en pétrole. Les forces d’Assad se seraient trop approchées de positions tenues par les Forces démocratiques syriennes (FDS) (essentiellement constituées par les troupes kurdes) sur lesquelles s’appuient les USA.
Et comme il ne faut pas être de reste, Israël a mené aussi son intervention militaire, le 10 février, par un raid aérien sur des positions du régime d’Assad. L’intervention s’est soldée par la perte d’un avion israélien. Peu importe : afficher sa volonté de s’opposer à tout « danger » d’expansion iranienne a permis à Netanyahou d’alimenter sa propagande belliciste en Israël même.
Loin d’une quelconque attention au sort de la population syrienne, la politique de ces grandes puissances reste dictée par le même calcul : comment avancer au mieux leurs pions sur l’échiquier du conflit pour garantir leurs intérêts dans la région, à commencer par le contrôle du pétrole et des marchés juteux de la reconstruction à venir…
9 mars 2018, Boris LETO
[1] Chiffre disponible en ligne : http://www.syriahr.com/en/?p=86215
[2] http://www.rfi.fr/moyen-orient/20180208-syrie-frappes-aeriennes-coalition-combattants-loyalistes-regime-syrien-deir-ez
Mots-clés : Syrie