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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 66, novembre-décembre 2009

L’Allemagne après les élections

Mis en ligne le 30 novembre 2009 Convergences Monde

Six semaines après les élections du 27 septembre 2009, le nouveau gouvernement constitué par les conservateurs de la CDU et les libéraux du FDP a pris ses fonctions. Une nouvelle coalition « noire et jaune », plus conforme aux intérêts du capital, disent certains. Mais le « rouge et vert » du SPD et des Verts leur allait bien aussi ! D’où la claque électorale pour le SPD qui a fait son plus mauvais score depuis 1945.

La campagne de la CDU dirigée par la chancelière Angela Merkel a reposé sur la popularité de sa candidate qui ne s’est guère embarrassée de programme. Le FDP a promis avant tout des ristournes d’impôts aux riches, sans préciser où il dénicherait l’argent. Et la tentative du SPD de redorer son blason par un débat sur le nucléaire, face à des incidents dans des centrales comme à l’opacité en matière de stockage des déchets, a fait plouf. Voilà trop longtemps que le SPD défend une politique nucléaire, contre une majorité de la population, et trop longtemps surtout qu’il mène l’offensive contre les classes populaires, en particulier par ces « lois Hartz » [1] qui ont poussé des millions de chômeurs vers la misère et de travailleurs vers les bas salaires. Seul Die Linke (« La Gauche ») a fait mouche auprès des travailleurs avec ses slogans : « Richesse pour tous », « À bas Hartz IV », « Pour un salaire minimum » [2], et « Armée allemande hors d’Afghanistan » [3]. Sans un mot, cela dit, sur la façon dont ces revendications pourraient être satisfaites… à part en votant pour ce parti.


Résultats électoraux

Participation électorale : 70,8%

voix en 2009 % en 2009 Différence avec 2005 Sièges
CDU 14 658 515 33,8% -1,4% 239
FDP 6 316 080 14,6% +4,8% 93
SPD 9 990 488 23,0% -11,2% 146
Die Linke 5 155 933 11,9% +3,2% 76
Verts 4 643 272 10,7% +2,6% 68
Extrême droite 874 683 2,0% -0,2% 0

Si la CDU a fait aussi le plus mauvais résultat de son histoire [4], c’est le SPD qui a le plus trinqué. Quand il est arrivé au pouvoir en 1998, avec la promesse d’une politique sociale, il dépassait encore de peu les 20 millions d’électeurs. Onze ans d’attaques contre les travailleurs et tout particulièrement les chômeurs lui ont valu de tomber juste en dessous des 10 millions. Bien des travailleurs ne se sentent plus représentés par les grands partis, en l’occurrence le SPD – mais pas pour autant prêts à miser sur le terrain des luttes. Les sondages indiqueraient que 10 % du total des syndiqués ont voté pour les Libéraux – ce parti qui s’affiche pour les réformes libérales et les reculs sociaux. À noter que les trois formations candidates à la gauche de Die Linke [5], ont totalisé à peine 35 000 voix. Mesure de la très faible implantation de l’extrême gauche dans la classe ouvrière en Allemagne.

Si les gains de Die Linke confortent le soutien à son programme, ils ne sont pas en soi l’annonce d’une embellie des luttes. À la veille de la consultation, Die Linke montrait qu’elle avait pour seule perspective d’accéder à des responsabilités gouvernementales. Dans trois Länder dans lesquels des élections régionales ont eu lieu en même temps que les législatives nationales, Die Linke a affirmé qu’elle était candidate à gouverner avec le SPD et les Verts. Dans le Brandebourg, le SPD a dit d’avance banco – et Die Linke a accepté un « contrat de gouvernement » qui se distingue à peine du programme du SPD. Ainsi, Die Linke est-elle prête à assumer des suppressions massives d’emplois (11 000 de moins, sur 51 000) dans les services publics régionaux. À Berlin où Die Linke participe au gouvernement depuis 2001, elle cautionne le fait que les entreprises dépendant de la région paient leurs salariés moins de 7 euros de l’heure, que des écoles et des jardins d’enfants ferment, sous prétexte de « caisses vides ». On n’en a pas fini des « caisses vides ».

Au niveau national cette fois, Die Linke annonce déjà qu’elle veut participer à une coalition gouvernementale en 2013. Elle pourrait y être aidée par un cours plus à gauche du SPD, à la suite de sa défaite électorale : des membres de sa sphère dirigeante se sont métamorphosés en « gauche du parti » – un « nouveau SPD » qui émet quelques reproches sur la politique passée, mais en revendique l’essentiel.

Le nouveau gouvernement entre en scène avec quelque prudence, dans tous les domaines, qu’il s’agisse du programme nucléaire, des interventions militaires extérieures, ou du social. Rien à voir avec une prétendue « conscience sociale » de la chancelière. Plutôt à son flair politique : des élections doivent avoir lieu en mai 2010 dans le plus grand Land du pays, la Rhénanie du Nord/Wesphalie (dont la Ruhr), et il serait dommageable à la CDU qui y gouverne que ses amis au gouvernement fédéral engagent d’emblée des attaques dures contre la population.

Le pire est à craindre en ce qui concerne le chômage. L’été dernier, un genre de deal entre le gouvernement et les organisations patronales a conduit au gel des plans sociaux jusqu’aux élections, pour ne pas favoriser la gauche. Mais on y arrive maintenant : Daimler veut supprimer 1 000 emplois, la Poste et Siemens veulent aussi dégraisser. Grâce à l’aide étatique, les entreprises restent en situation d’étaler les licenciements, d’y procéder par petits paquets et non pas par vagues de milliers. Mais des estimations indiquent que le nombre des chômeurs – officiellement de 3,5 millions aujourd’hui – devrait grimper à 4,1 millions. D’où davantage de pression sur les caisses sociales ; d’où de nouvelles mesures d’austérité de la part du gouvernement.

L’espoir caressé par certains à gauche, que le retour de la droite à l’état pur acculerait les syndicats à se montrer plus combatifs, n’a aucun fondement. Au contraire. Le dirigeant de l’IG Metall, Huber, a récemment expliqué qu’en considération de la crise, les revendications du passé étaient caduques. Le chef du syndicat regroupant les services publics (ver.di) le contredit, avec le soutien du leader de la DGB (confédération). Tout l’appareil n’est pas prêt à annoncer publiquement et à l’avance qu’il renonce (ce qui n’est pas un scoop non plus !). Ver.di vient d’appeler à la grève 7 000 salariés du secteur du nettoyage, pour une augmentation de salaire concernant 800 000 salariés, et a obtenu 40 centimes de plus de l’heure, renégociables seulement dans deux ans. Rien qui sorte du traditionnel, mais cela prouve qu’on peut lutter avec quelque efficacité pour les salaires.

Le nouveau gouvernement prend ses marques. Pour les travailleurs, la question reste entière de savoir s’ils continueront, et comment, à payer la crise. Mais elle ne se réglera pas par une nouvelle configuration gouvernementale. Bien plutôt par la riposte sur un terrain de classe.

15 novembre 2009

Hans KIEL


[1Dénomination tristement connue en Allemagne d’un ensemble de mesures introduites en 2005 sous Schröder et sa coalition gouvernementale SPD/Verts, visant à diminuer durement et très vite, après un licenciement, les indemnités et conditions de vie des chômeurs. Au rang de ces mesures, une allocation mensuelle de « fin de droits », actuellement de 359 euros, loyer payé en plus sous conditions. Pas question avec ça d’une alimentation saine, et encore moins de cinéma, concerts ou piscine.

[2Il n’existe pas de salaire minimum légal en Allemagne. C’est donc dans les faits cette allocation minimale Hartz IV de 359 euros qui vaut pour limite inférieure des salaires… même si bon nombre de travailleurs, dans la réalité, travaillent pour moins.

[3La majorité de la population du pays (au moins 57 %) souhaite un retrait rapide des militaires allemands de l’Asie centrale.

[4Bien que les petites formations comme le FDP, Die Linke et les Verts aient amélioré leur score, la participation électorale n’a été que de 70,8 % des inscrits.

[5DKP ou Deutsche Kommunistische Partei (Parti communiste allemand) - ancien parti stalinien lié dans le passé à Moscou. MLPD ou Marxistische-Leninistische Partei Deutschlands (Parti marxiste-léniniste d’Allemagne) - toujours à leur façon maoïstes. PSG ou Partei für soziale Gleichheit (Parti pour la justice sociale) - petit groupe trotskyste issu de la mouvance internationale lambertiste.

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