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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 14, mars-avril 2001 > DOSSIER : France-Afrique : Le pillage continue

DOSSIER : France-Afrique : Le pillage continue

L’Afrique victime des rivalités impérialistes

Mis en ligne le 1er avril 2001 Convergences Monde

Pendant de longues années, les USA se sont contentés de laisser les anciennes puissances coloniales, France, Angleterre, Belgique ou Portugal, régler elles-mêmes leurs relations avec les nouveaux Etats. Raison principale : la domination impérialiste sur la région était tout aussi bien défendue par ces puissances secondaires que par la grande. Mais, chacune défendant aussi ses intérêts particuliers, on a vu se former une « Afrique française » et une « Afrique anglaise ».

Vers la confrontation USA-France

La rivalité avec le bloc soviétique fut une raison supplémentaire pour les USA d’accorder leur soutien à la France et à l’Angleterre et n’intervenir que lorsque les anciennes puissances coloniales le demandaient : la Belgique en 1960 au Congo-Zaïre, et dans les années 70 le Portugal en Guinée-Bissau, Cap Vert, Angola et Mozambique. En fait la mobilisation massive et parfois explosive de la classe ouvrière et d’une population révoltées contre le pouvoir raciste d’Afrique du Sud a suscité bien d’autres inquiétudes pour l’impérialisme américain que sa rivalité avec l’URSS pour le contrôle du continent.

La chute de l’URSS n’a pas entraîné un recul de l’intervention américaine en Afrique. Bien au contraire, elle a ravivé l’opposition des impérialistes entre eux. Avec la fin de la guerre froide, les USA constituant un bloc avec la Grande-Bretagne ont considéré que l’obligation de solidarité avec l’impérialisme français tombait d’elle-même. Du coup, on a vu les USA dénoncer le « pré carré français »… au nom du libéralisme.

L’affrontement

Cependant forces françaises et anglo-américaines ne se sont jamais trouvées face à face. Et d’abord parce que le plus souvent elles n’interviennent pas directement. Elles arment, conseillent, financent, forment des armées mais n’ont que rarement leurs troupes directement engagées.

Les USA soutiennent des régimes comme le Ghana de Jerry Rawlings, l’Ouganda de Yoweri Museveni, l’Ethiopie de Meles Zenawi et l’Afrique du Sud depuis Mandela. Le Ghana est voisin de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso liés à la France. La France soutient le Soudan voisin de l’Ethiopie. La France a des relations privilégiées avec le Tchad, Djibouti, le Centrafrique et le Cameroun, tous des pays limitrophes des pays particulièrement liés au couple USA/Angleterre. Il est frappant de constater que la plupart des pays africains considérés par les USA comme terroristes sont des pays amis de l’impérialisme français : Soudan, Lybie et Libéria.

Chacun des deux impérialismes soutient des guérillas qui cherchent à déstabiliser des régimes en place appuyés par l’autre. L’exemple le plus frappant a été le Congo-Zaïre : la guérilla de Kabila fut soutenue ouvertement par les USA quand Mobutu lâché par les USA s’était tourné vers la France. Les Français ont pris leur revanche quand Kabila, lâché par les USA, s’est tourné vers eux. Au Soudan, la France soutient le régime islamiste du général Omar el Béchir malgré ses exactions pendant que les USA soutiennent contre lui la guérilla de John Garang. Au Libéria, où la France soutient Charles Taylor les USA ont appuyé l’intervention des forces nigérianes de l’Ecomog. De même au Sierra Leone avec Fodé Sankoh. Fin 98, Charles Taylor qui avait grâce à l’aide française battu l’Ecomog, déclarait : « les hommes d’affaires français ont pris des risques lorsque je combattais dans le maquis, ce qui explique qu’ils aient aujourd’hui au Libéria une longueur d’avance ». Ce qui se traduisit, entre autres, par le rachat par Bolloré de 150 000 hectares d’hévéas. En Angola, la France soutient maintenant le régime de Dos Santos alors que les USA appuient la guérilla de l’Unita, depuis que la France a changé son fusil d’épaule. On pourrait multiplier les exemples, depuis le Togo du sanguinaire Eyadéma jusqu’au Cameroun du dictateur Biya. Partout les amis de la France sont les ennemis des USA et vice versa.

Au bilan : un génocide !

L’intervention de la France et des anglo-américains au Rwanda a marqué une escalade dans la rivalité. La France aidait directement le dictateur Habyarimana menacé par une opposition armée, le FPR, basé en Ouganda, un pays lié aux anglo-américains. A partir de 1990 la France a d’abord demandé un effort à ses banques, comme le Crédit Lyonnais, qui a financé la dictature déstabilisée par la corruption et des mouvements sociaux autant que par les attaques du FPR. Puis elle a accompagné la dérive ethniste du pouvoir, entraînant et armant les milices interhamwe qui allaient pratiquer en 1994 un véritable génocide d’un million environ de personnes après l’assassinat du président. C’est dans l’ambassade de France que s’est formé l’état-major des bandes assassines. C’est la France qui a protégé leur fuite après leur défaite et c’est Mitterrand qui a accueilli leur responsable, la femme du président Habyarimana. C’est l’armée française qui a monté une opération pour sauver les troupes génocidaires.

En 1994-95, la France de Mitterrand-Chirac les réarme. L’armée des tueurs rwandais peut alors intervenir en juin 1997 au Congo-Brazzaville en soutien à N’Guesso et au Congo-Zaïre en soutien à Kabila. Cette armée a notamment pratiqué un nouveau massacre en 1997, sur le sol du Congo-Zaïre, de dizaines de milliers de Hutus rwandais qu’elle avait pris en otage en quittant le pays. Et tout cela sous le prétexte de ne pas laisser l’Afrique aux Américains !

Les arrangements sur le dos des peuples

L’intervention militaire américaine en Somalie de décembre 1992 à mai 1993 marquait la volonté des USA d’intervenir directement en Afrique, s’il le fallait. Mais ils ont dû quitter piteusement le pays. France et USA préfèrent désormais former des contingents africains pour intervenir.

Ainsi le Congo-Zaïre est aujourd’hui dépecé entre les armées de pays liés à la France (Zimbabwe, Angola, Soudan, Libye, armée des Rwandais hutus) et de pays liés aux anglo-américains (Rwanda, Ouganda, Afrique du sud).

Tous ces affrontements armés, par Africains interposés, n’empêchent pourtant pas les arrangements à l’amiable. Ainsi lors de l’intervention française au Congo-Brazzaville, les USA laissent faire. Le chroniqueur américain Malek l’explique ainsi : « Un deal a été passé entre les Etats-Unis et la France. La France n’interviendra pas au Zaïre tandis que les Etats-Unis laisseraient la France faire ce qu’elle veut au Congo-Brazzaville ». Répondant à des journalistes qui lui reprochaient la passivité de l’ONU dans les massacres du Congo, le dirigeant Koffi Annan répondait : « le problème du Congo, c’est la France ! »

Bien sûr, comme pour la France ou l’Angleterre, l’intérêt de l’impérialisme US pour l’Afrique est d’abord un intérêt pour lui-même. Le secrétaire d’Etat Warren Christopher affirmait en mai 1993 la nouvelle position des USA à l’institut africain-américain parlant de « nouveau partenariat » qu’il justifiait auprès d’un parterre de patrons par des « profits à rendement exceptionnels ». En 1995, les exportations de biens et de services en direction de l’Afrique ont été de l’ordre de 5,4 milliards de dollars avec 100 000 Américains travaillant à ces relations avec l’Afrique. L’administration américaine intervient pour aider des organisations politiques nées en Afrique à raison de 85 millions de dollars. Des lobbies américains sont constitués autour des intérêts pétroliers et miniers américains en Afrique comme la Chambre de Commerce américano-angolaise (AACC).

Les peuples africains n’ont rien à gagner à la mainmise de l’impérialisme américain sur l’Afrique, même si elle avait l’avantage de les débarrasser de la tutelle de la France. C’est des deux qu’ils doivent se débarrasser.

Robert PARIS

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