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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 79, janvier-février 2012 > Russie : Poutine de capitalisme !

Kazakhstan : vers une grève générale ?

22 janvier 2012 Convergences Monde

De très violents affrontements ont eu lieu le 16 décembre dernier à Janaozen dans la région de Mangystau [1], entre travailleurs du pétrole en lutte depuis le printemps dernier et forces de l’ordre. Au terme de sept mois de grève, les travailleurs licenciés par centaines ont mal pris l’organisation de festivités pour la célébration des 20 ans de l’indépendance du pays. D’autant que les autorités avaient fait encercler la place de Janaozen devenue leur lieu de rassemblement quotidien – 5 000 personnes avec les grévistes ce jour-là – par 1 500 « marines ». Incendie de la mairie et du siège de la société pétrolière Ozenmounaïgaz dont les 8 000 salariés étaient en grève à la suite et en solidarité avec les grévistes de Karazhanbasnunai (autre filiale de la compagnie nationale) en lutte depuis le printemps pour les salaires. Tirs des forces de l’ordre à balles réelles.

Selon Le Monde [2], la colère s’est propagée dans le pays. Le dimanche 18 décembre, 500 personnes affrontaient à leur tour les forces de sécurité à Aktau cette fois, la capitale régionale de 160 000 habitants. Le lendemain, c’était l’état d’urgence et le couvre-feu décrétés par le président Noursoultan Nazarbaïev, en particulier à Janaozen jusqu’à la fin janvier (au-delà des élections parlementaires prévues pour la mi-janvier). Communications téléphoniques et Internet coupés. Le nombre des victimes s’élèverait de 10 à 70 morts, selon les sources. [3]

Depuis des mois dans cette région pétrolière, quelque 15 000 travailleurs sont en lutte. Licenciements en masse, militants syndicaux et grévistes rossés, ouvriers et l’avocate d’un syndicat emprisonnés, un jeune salarié retrouvé la tête fracassée dans un vestiaire et la fille d’un gréviste assassinée. Malgré cela le combat continue, les grévistes trouvent des soutiens dans la population, et les autorités en sont à craindre une généralisation.

« Il n’y aura pas de révolution à l’arabe »…

C’est ce qu’aurait dit à l’agence Reuters un conseiller du président. « Vous pouvez voir que le Kazakhstan est calme. Toute la population multiethnique du Kazakhstan soutient le chef de l’État. » Et d’arguer que des « fonds étrangers » seraient à l’origine des manifestations. En fait le régime n’a pas envie qu’on touche à sa manne pétrolière : il en va de ses intérêts et de ceux de majors internationales qui en co-exploitent le pétrole. Le Kazakhstan, peuplé de près de 15 millions d’habitants pour un territoire de cinq fois la France, a des réserves pétrolières et gazières qu’on dit immenses. Il est riche aussi d’autres matières premières, dont l’uranium. « Le Kazakhstan est assis sur un tas d’or, noir et jaune ! », s’extasie un dénommé Jacques Bignalet, chef de mission économique française dans la capitale kazakhe, en préface de l’opuscule de propagande à usage de patrons en mal de profits [4]. Nazarbaev serait « la principale garantie de stabilité du pays », dixit ce missionnaire du capitalisme français.

Mais une grève générale à la kazakhe ?

Le Kazakhstan, présenté comme un modèle économique, draine vers ses mines et chantiers des immigrés de Tchétchénie ou d’Ouzbékistan. Il est également convoité par les grandes puissances pour sa position stratégique aux confins de la Russie, de la Chine et du Moyen-Orient. Voilà pourquoi ce Nazarbaev, un des dictateurs roués de la planète, s’est vu dérouler le tapis rouge par les États-Unis, l’Europe et la Chine… sans oublier ses vieux liens avec la Russie – qui demeurent pour des raisons de proximité et d’évidente survie économique.

Noursoultan Nazarbaev est dans les hautes sphères du pouvoir depuis 1984, à l’époque soviétique, premier secrétaire du Parti communiste kazakh de 1989 à 1991. Il est le premier à proclamer l’indépendance du pays le 16 décembre 1991… et à s’amarrer ainsi au fauteuil de président.

Le Kazakhstan aujourd’hui est loin de se résumer à ses steppes et ses yourtes. Son intégration au capitalisme mondial a favorisé la polarisation de la société : d’un côté une grande et moyenne bourgeoisies et une urbanisation à la Dubaï (même si ce n’est pas encore tout à fait ça), de l’autre une classe ouvrière qui se concentre et manifestement prend conscience d’elle-même. Cette dernière n’est pas prête à se laisser faire. Fichue lutte de classes dont tous ces vautours ne viendront jamais à bout !

9 janvier 2012

Michelle Verdier


[1Dans l’extrême sud-ouest du Kazakhstan, sur le littoral de la mer Caspienne, à la frontière du Turkménistan.

[2Le Monde du 18 décembre 2011.

[3Selon des dépêches de sites russes ou kazakhs rassemblées à la fin décembre 2011 par Hélène Rousselot, universitaire de l’EHESS. Par ailleurs, les sites d’« Inprecor » (IVe Internationale) et « Internationalistes 13 » (commission internationale du NPA-13) fournissent beaucoup d’informations – en particulier une interview réalisée le 16 novembre 2011 à Moscou de Ouktechbaev Esenbeck, président d’un nouveau syndicat « Janartou » (Renaissance) et un des dirigeants du Mouvement socialiste du Kazakhstan, organisation anticapitaliste kazakhe.

[4« Exporter au Kazakhstan », éditions UBIFRANCE – 2004.

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