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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 128, septembre-octobre 2019

Les soutiers de la distribution postale

J’ai testé pour vous : distributrice de publicité à Médiapost

Mis en ligne le 17 septembre 2019 Convergences Entreprises

Médiapost, entreprise spécialisée dans la livraison à domicile d’imprimés publicitaires ciblés, est une filiale de La Poste. Cela n’empêche pas la direction de La Poste de chercher à imposer à ses facteurs la distribution des imprimés en question, non seulement dans les zones rurales à faible densité de population, où l’implantation d’antennes de Médiapost ne serait pas rentable, mais aussi dans nombre de grandes villes. Les postiers sont soumis à des pressions croissantes pour distribuer la publicité de grands groupes comme Darty ou Super U. En retour, Médiapost redouble la pression sur ses propres salariés, qu’ils travaillent à temps partiel voire très partiel, ou au contraire à temps plein.

G., 21 ans, est étudiante dans une ville moyenne de l’ouest de la France. Elle ignorait à peu près tout de ce contexte lorsque, pour financer ses études, elle a trouvé un job d’été chez Médiapost.

  • Convergences Révolutionnaires : comment as-tu décroché cet emploi ?
  • G. : Par une connaissance qui travaille dans cette boîte depuis plusieurs mois. Il s’agissait pour elle de trouver un job d’appoint – comme pour bien d’autres dans le site Médiapost où je travaillais, à ce que j’ai compris. Elle occupe déjà un poste en maison de retraite. Elle m’a recommandée à son supérieur car cela faisait plusieurs semaines que je cherchais en vain une mission d’intérim. Médiapost recrute pas mal de salariés ces derniers temps. Ils ont accepté de me garder un mois avec un contrat de 16 heures par semaine.
  • CR : As-tu choisi d’être à temps partiel ?
  • G. : La boîte n’embauche pas aux 35 heures. Au cours de mon premier entretien, l’employeur m’a expliqué que leurs contrats n’excédaient pas 24 heures. J’étais un peu surprise, mais j’ai dit que j’acceptais le contrat de 24 heures par semaine. Il m’en a dissuadée. Pour lui, un contrat de 16 heures, c’est « déjà bien chargé ». Il avait raison : en réalité, j’ai travaillé le double ! On m’attribuait chaque semaine entre 7 et 8 secteurs répartis dans 2 ou 3 communes différentes, que je mettais au total entre 30 et 35 heures à couvrir.
  • CR : Donc Médiapost embauche sur le papier à temps partiel, mais impose à ses salariés de faire un temps plein à moitié prix ?
  • G. : Un secteur inconnu prend nécessairement plus de temps qu’un secteur qu’on maîtrise bien. On gagne du temps à la longue. Mais les horaires indiqués sont clairement sous-évalués.
  • CR : As-tu réussi à garder des preuves de tes heures supplémentaires ?
  • G. : Oui, parce qu’à chaque distribution nous sommes suivis par un « distrio », une sorte de traceur satellite qui enregistre notre itinéraire et donc nos heures de travail ainsi que les kilomètres parcourus en voiture pour se rendre sur le secteur – au passage, les frais kilométriques sont pris en charge uniquement à l’aller. Avec le distrio, on vérifie que le secteur attribué, reçu sous forme de plan papier avec un trajet surligné en gras pour la zone à distribuer, est bien tracé, l’objectif étant d’atteindre un taux minimum de 95 %. Mais il surveille aussi nos cadences : même si on est libres de gérer notre distribution comme on l’entend au niveau des horaires, le distrio nous impose une pause de 20 minutes au bout de 6 heures de travail si on ne l’a pas prise avant. Si c’est le cas, il se met à bipper en continu jusqu’à ce qu’on s’arrête, sinon il émet une alerte.
  • CR : De quoi te bousiller le plaisir de la pause, et te donner l’impression que le Code du travail est fait pour te pourrir la vie !
  • G. : Oui. Le vrai problème, c’est la sous-estimation du nombre d’heures que prend la distribution. Par exemple, le distrio t’interdit de travailler plus de dix heures. C’est une bonne chose. Mais s’il te reste trois rues à couvrir au bout de dix heures, tu dois revenir le lendemain. Le chef te donne un secteur impossible à couvrir, mais c’est à toi qu’on passe un savon si le distrio signale que tu n’as pas pu finir à temps. Pour ce qui est de la paye, on m’a dit lors de mon entretien d’embauche que si je distribuais, par exemple, l’intégralité d’un secteur en 4 heures au lieu des 3 heures prévues sur la feuille de route, je serais payée 4 heures. Seulement, en ayant bossé parfois plus du double des fameuses 16 heures indicatives, je sais d’avance que je ne toucherai pas un salaire double – je ne l’ai pas encore perçu.
  • CR : Et tes collègues, sais-tu combien ils gagnaient ?
  • G. : Déjà, je n’ai pas tellement eu l’occasion de discuter avec eux. Chacun arrive à l’entrepôt avec sa voiture le matin ou l’après-midi, la charge avec les pubs puis part distribuer son ou ses secteurs dans la journée. L’entrepôt, c’est un lieu de passage, même si on s’arrête parfois deux minutes pour parler avec le chef ou un collègue. Notre « bureau », c’est notre voiture. J’ai par contre retenu qu’une jeune salariée, qui avait un contrat de 24 heures et qui faisait du ménage en plus dans la semaine, ne cumulait au total que 1 300 euros net par mois.

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Numéro 128, septembre-octobre 2019

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