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Crise de la dette, crise du capitalisme !

Israël :« La révolte des tentes » ébranle le pays

Mis en ligne le 25 septembre 2011 Convergences Monde

La « révolte des tentes » (ironiquement qualifiée de « Tentifada » en référence aux soulèvements palestiniens de l’Intifada de 1987 et de 2000), qui a débuté à la mi-juillet, n’a pas tardé, en huit semaines, à devenir le plus important mouvement social qui ait ébranlé le pays depuis la création de l’État d’Israël en 1948.

À l’origine, c’est une jeune femme de 25 ans, Daphni Leef, qui, à l’exemple de ce qui s’était passé au Caire, lors du Printemps arabe, puis à Madrid un peu plus tard, a planté sa tente en plein cœur des quartiers chics du centre de Tel-Aviv pour protester contre la vie chère, la hausse des loyers, des taxes d’habitation, des impôts directs et le démantèlement des services publics.

Il faut dire qu’en cinq ans les prix des loyers, de l’eau, de l’électricité et de l’essence ont augmenté de 30 % à 40 % alors que le salaire mensuel moyen ne progressait lui que de 17 % pour s’établir aujourd’hui à 8 460 shekels (1 680 euros). Et, dans les semaines qui avaient précédé la Tentifida, les grèves s’étaient multipliées dans le pays, touchant notamment les travailleurs sociaux et les médecins.

De Tel-Aviv à Jérusalem et Nazareth

Peu à peu, l’exemple de Daphni a été suivi et, bientôt, ce sont des dizaines de tentes qui sont apparues sur le boulevard Rothschild. Mais le mouvement a rapidement fait tâche d’huile en s’étendant aux banlieues et quartiers pauvres de la capitale économique du pays puis à une trentaine de villes (notamment à Jérusalem, Haïfa, Beersheva, Natanya, Afoula, etc.), dont la principale agglomération arabe d’Israël, Nazareth.

En outre, des manifestations monstres se sont déroulées d’abord le 6 août puis le 3 septembre, les premières réunissant plus de 300 000 personnes, les secondes plus de 450 000 ce qui, dans un pays qui compte un peu plus de sept millions d’habitants, est considérable (par comparaison cela représenterait en France environ quatre millions de manifestants).

Les mots d’ordre mis en avant étaient principalement axés sur la justice sociale. Ils réclamaient le retour à l’État providence, largement mis à mal depuis le début des années 2000 par les différents gouvernements qui se sont succédé.

« Le marché est libre, mais nous sommes esclaves »

À ses débuts, comme en Grèce et en Espagne, le mouvement s’est voulu apolitique. Des leaders étudiants et des dirigeants associatifs ont répété ad nauseam que le mouvement n’était ni de droite ni de gauche, qu’il ne visait pas à faire tomber le gouvernement de Benyamin Nétanyahou ou à contester sa politique militaire mais qu’il voulait simplement revenir à une société plus juste et plus égalitaire, qui était supposée être celle, largement mythique, qu’aurait connue l’État d’Israël à ses débuts. Ce qui n’empêchait pas certains Indignés d’avoir confectionné des banderoles qui proclamaient sans autre commentaire : « Moubarak = Assad = Nétanyahou ».

Au passage, ils reprochaient à Nétanyahou d’avoir, d’abord en tant que ministre des Finances puis comme Premier ministre, pratiqué une politique économique de libéralisation sans frein du marché qui a essentiellement conduit à l’enrichissement de dix-neuf familles (les Tshura, les Ofer, les Wertheimer, les Arison, les Steinmetz, les Federman... dont la fortune de chacune est estimée entre un et six milliards de dollars) qui pèsent aujourd’hui 54 % du PIB. D’où le slogan souvent repris dans les cortèges : « Le marché est libre, mais nous sommes esclaves ».

Autre reproche : le fait de consacrer une part de plus en plus importante du budget aux colons de Cisjordanie et au réseau d’enseignement des religieux ultra-orthodoxes. Mais la plupart des manifestants (il y a eu cependant quelques exceptions) ne remettaient pas en cause le budget colossal de l’armée (qui absorbe 7 % des revenus de l’État).

Unanimité cette fois pour dénoncer la vénalité et la corruption de la classe politique. Depuis des années, cette dernière, gauche et droite confondues, connaît scandale après scandale : abus de biens sociaux, abus de pouvoir, népotisme, corruption à tous les niveaux, harcèlement sexuel, comptes bancaires à l’étranger, luxueuse propriété de Nétanyahou à Césarée, appartement huppé de son ministre de la Défense, Ehoud Barak (ex-travailliste devenu centriste) à Tel-Aviv, etc. Et cela alors que 25 % des Israéliens vivent sous le seuil de pauvreté, au premier rang desquels nombre de retraités et, dans sa majorité, la population arabe.

Cette dernière a d’ailleurs massivement participé aux manifestations, notamment à Jaffa, petit port englobé aujourd’hui dans Tel-Aviv, où les banderoles proclamaient « Arabes et Juifs contre la destruction des maisons », à Haïfa, où existe une vieille tradition de coopération entre Juifs et Arabes dans le mouvement syndical, dans la région du Triangle en Galilée (où se concentre une bonne partie des Arabes israéliens), à Nazareth, etc. La grande presse n’en a guère parlé car elle a préféré se concentrer sur les étudiants et les cols blancs qui occupaient le centre de Tel-Aviv et qui avaient démarré le mouvement.

Et maintenant ?

Pour tenter de débloquer la situation, Nétanyahou a créé une commission d’études – dirigée par l’économiste Manuel Trachtenberg et à laquelle participe la moitié des ministres du gouvernement – destinée à faire des propositions pour améliorer les choses. À part du bla-bla, on voit mal ce qu’elle pourrait proposer pour faire disparaître la colère populaire.

Une autre alternative pour le Premier ministre serait de décider une aventure militaire de quelque envergure pour tenter de récréer l’Union sacrée autour du gouvernement et faire rentrer les contestataires dans le rang (et surtout dans les rangs de l’armée). C’est une tactique qui lui a permis, dans le passé, de faire quasiment disparaître le mouvement pacifiste « La Paix maintenant », ses dirigeants refusant, « par patriotisme », de s’opposer au gouvernement une fois les hostilités déclarées.

Nétanyahou pourrait ainsi lancer des opérations militaires contre le Sud Liban ou la bande de Gaza. Il pourrait aussi se livrer à des provocations à l’égard des Palestiniens pour arriver au même résultat. On sait en effet que le 20 septembre, l’Autorité palestinienne doit déposer une demande de reconnaissance de l’État palestinien à l’ONU. À cette occasion, tant les Palestiniens d’Israël que ceux de Cisjordanie ont décidé d’organiser de grandes manifestations pacifiques pour appuyer cette demande. Il serait facile au gouvernement israélien de créer des incidents sanglants et de proclamer ensuite « la patrie en danger ».

« Juifs et Arabes refusent d’être ennemis ! »

Cela pourrait-il marcher ? C’est possible mais moins évident que par le passé. Ainsi, le 18 août dernier, suite à l’attentat commis contre des Israéliens près du port d’Eilat qui avait fait sept morts, le gouvernement avait demandé aux Indignés d’annuler la manifestation aux flambeaux prévue deux jours plus tard à Tel-Aviv. Ces derniers avaient refusé mais décidé de manifester en silence en signe de deuil et de respect pour les victimes de l’attentat et leurs familles. À l’issue de la manifestation, un militant palestinien avait pris la parole pour exhorter les manifestants à se solidariser avec ses frères qui protestaient au même moment dans la ville d’Arabeh. Une dizaine de participants de droite avaient alors tenté de le faire taire mais avaient été réduits au silence par la foule qui s’était mise à scander « Juifs et Arabes refusent d’être ennemis  ».

Ce sont là autant de signes encourageants d’un changement d’état d’esprit d’une partie notable de la population israélienne qui devrait faciliter aux militants révolutionnaires la possibilité de s’adresser aux travailleurs (qui ont individuellement participé massivement aux manifestations mais sans se faire vraiment entendre en tant que classe) et à la population palestinienne pour construire ensemble une véritable alternative socialiste au régime sioniste actuel.

12 septembre 2011

Léo STERN

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