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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 97 : janvier-février 2015

Iran : Malgré la dictature, les travailleurs relèvent la tête

Mis en ligne le 28 janvier 2015 Convergences Monde

L’Iran semble connaître, depuis quelques mois, un regain de luttes ouvrières. À l’heure où nous écrivons, près de 20 000 ouvriers de l’usine automobile Iran Khodro (qui en compte 35 000) sont en grève depuis deux semaines pour des augmentations de salaire. Le 7 janvier, c’étaient 500 salariés des compagnies régionales d’électricité et du fabricant de pneus Iran Tire qui manifestaient devant le parlement de Téhéran contre les contrats précaires. Le 5 janvier, 900 ouvriers de Wagon Pars (fabriquant de trains) terminaient deux semaines de grève contre le licenciement d’un délégué du personnel. Ces derniers avaient déjà récemment protesté contre le retard de paiement des salaires.

Les grèves pour les salaires se suivent

En 2014, les grèves et manifestations relatives aux salaires non payés ou insuffisants ont été nombreuses. Le 29 octobre, 100 ouvriers des chantiers pétroliers se sont mis en grève après 4 mois sans être payés. Le 21 octobre, 200 ouvriers et retraités d’une usine textile ont manifesté pour la même raison dans la région de Mazandéran, au nord de Téhéran. Le 1er octobre, les 500 ouvriers de la compagnie de canne à sucre de Haft Tappeh se sont mis en grève contre les inégalités de salaires, après une première grève en août pour le paiement des salaires non versés. Du 21 au 27 septembre, 150 intérimaires sur le chantier du métro d’Ahvaz étaient en grève pour des salaires impayés. Les exemples de ces luttes sont nombreux. S’y ajoutent celles des infirmières de plusieurs régions, rassemblées le 14 décembre devant le palais présidentiel à Téhéran contre les bas salaires. Cet été, 5 000 mineurs de Bafgh avaient aussi arrêté le travail par deux fois, 54 jours en tout, contre des plans de privatisation des mines. Ils ne l’ont repris qu’après avoir obtenu des engagements de la direction et la libération des grévistes arrêtés.

Ce retour des grèves est encourageant après les trente cinq ans de dictature islamiste et ces cinq dernières années où la chape de plomb s’était à nouveau renforcée. Depuis les manifestations massives qui avaient contesté la réélection d’Ahmadinejad en 2009, la répression s’était durcie. De nombreux militants avaient été arrêtés, certains pendus et d’autres avaient dû émigrer. Par contraste, l’actuel président, Hassan Rohani, élu en août 2013, est présenté comme un « modéré ». Une modération toute relative, puisque 1 200 prisonniers ont été exécutés sous sa présidence, principalement des militants politiques. Des syndicalistes, comme Shahrokh Zamani, conducteur de bus, et Reza Shahabi, peintre, sont toujours en prison sans savoir ni quand ils vont en sortir, ni s’ils ne seront pas exécutés. Sur un autre registre, en mai dernier, six jeunes ont été condamnés à 6 mois de prison et 91 coups de fouet (avec sursis) pour avoir diffusé une vidéo dans laquelle ils dansent sur la chanson de Pharrell Williams, « Happy ».

Le rapprochement avec les États-Unis, un faux espoir

Les luttes actuelles surviennent alors que le régime tente de se rabibocher avec les puissances occidentales. Le ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a fait la tournée de ses homologues occidentaux, parmi lesquels Laurent Fabius et le secrétaire d’État américain John Kerry, rencontrés à Paris le 16 janvier. La collaboration militaire a déjà commencé avec la participation des Pasdarans, les milices islamistes liées au régime, à la guerre contre l’État Islamique.

Ce rapprochement soulève probablement quelques espoirs parmi les travailleurs et les jeunes. Lors de la précédente phase de « libéralisation », sous la présidence de Khatami, la pression religieuse et la répression s’étaient un peu relâchées, laissant même entrevoir la possibilité de l’autorisation de syndicats, sous la pression de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Les États-Unis seraient-ils favorables à l’établissement de syndicats ? C’est probable, car une telle « ouverture » ne ferait pas que donner aux travailleurs quelques possibilités (en tout cas plus qu’aujourd’hui) de s’organiser. Elle serait aussi un moyen, plus conventionnel, de contrôler la classe ouvrière et d’éviter que celle-ci ne s’aventure à vouloir renverser le régime.

Mais les travailleurs iraniens n’attendent pas. De nouvelles grèves éclatent et semblent de plus en plus nombreuses. Des luttes à suivre avec attention, dans ce pays qui avait connu l’une des plus grandes mobilisations ouvrières de la seconde moitié du xxe siècle, en 1978-1979 lors du renversement du Shah, avant d’être étouffées par les « gardiens de la révolution » islamistes de Khomeiny. Des luttes toujours dans la mémoire de certains travailleurs.

16 janvier 2015, Maurice SPIRZ

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Numéro 97 : janvier-février 2015

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