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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 98, mars-avril 2015 > SNCF

SNCF

Interview d’un cheminot du Technicentre Sud-Est européen

Mis en ligne le 23 mars 2015 Convergences

  • Convergences révolutionnaires : Comment se traduit la politique d’économies et de réduction de personnel ?
  • J’appartiens à une équipe d’entretien. Chaque matin, quand on nous donne la liste des travaux à effectuer, nous savons que nous ne disposons pas du temps nécessaire. Et le patron le sait aussi. Alors, on pare au plus pressé et on laisse tomber le reste…
  • Par exemple ?
  • On donne la priorité à tout ce qui concerne la sécurité, évidemment. Mais on n’a pas le temps de réparer ou de changer les sièges, bien souvent défoncés voire cassés, surtout dans le RER. Alors, les voyageurs se plaignent. Pourtant, la direction claironne officiellement que l’objectif 2015 est de « booster le confort ». En plus, les trains sont parfois très sales…
  • Ce n’est pas vous qui les nettoyez ?
  • Non, ce sont des sous-traitants, par exemple l’USP, dont les employés se sont mis plusieurs fois en grève. Eux non plus n’ont pas le temps de faire le travail correctement. Ils sont sous pression parce que la SNCF met les sous-traitants en concurrence en les renouvelant par appel d’offres. Donc, ils essaient de faire trimer les gens le plus possible pour baisser les coûts, mais il y a des limites.
  • Ça ne concerne que le confort ?
  • Non, ça s’étend de plus en plus à la sécurité. On en arrive à des situations aberrantes. Par exemple, des équipes de nuit qui se retrouvent toutes seules sans le matériel nécessaire, sans personne à qui s’adresser et qu’on veut sanctionner parce que le boulot n’est pas fait. Malgré tout, il y a une tradition de conscience professionnelle. Les gars de nuit chargés d’entretenir un Ouigo (TGV low cost) ont été menacés de sanction parce qu’ils avaient procédé à toutes les opérations habituelles ! Le patron aurait voulu un entretien low cost aussi ! La réaction de colère a été telle que la direction s’est assez rapidement écrasée. Mais la plupart des Ouigo sont entretenus dans un autre technicentre, à Lyon Gerland, où les « basses normes » ont été appliquées. La direction essaie aussi de nous mettre en concurrence en prétextant que, si l’on perd des marchés, ça va entraîner de nouvelles suppressions de postes.
  • En concurrence avec des boîtes privées ?
  • Avec des boîtes privées, mais aussi entre technicentres SNCF ! Par exemple la Maintenance de Villeneuve-Saint-Georges avait perdu l’entretien du Thello, un train privé. Elle l’a récupéré en baissant ses tarifs de 30 % et a crié victoire. Ces 30 % d’économies, il va bien falloir les trouver quelque part, soit en nous faisant bosser davantage, soit en réduisant l’entretien d’autres trains. Le patron nous considère vraiment comme des « variables d’ajustement » et change régulièrement les horaires de travail en fonction de ses impératifs du jour. Par exemple, après avoir fait le forcing pour imposer le travail en 3 × 8 et le week-end, il supprime des équipes de week-end au Technicentre Maintenance de Villeneuve-Saint-Georges (TMV), ce qui fait perdre 300 euros par mois aux cheminots concernés.
  • Comment peut-on caractériser l’évolution récente ?
  • La SNCF nous attaque sous trois axes. D’abord la précarisation. Il y avait par exemple une dizaine de PS 25 (qui n’ont pas le statut cheminot) au TMV voici dix ans, il y en a maintenant 70. Il y a aussi des stagiaires, des « emplois d’avenir », des intérimaires, etc. Ensuite, il y a la sous-traitance. Le nettoyage, la restauration à bord, etc., ça existe depuis longtemps. Mais la SNCF sous-traite toutes sortes d’activités, souvent au détriment de l’efficacité, par exemple la livraison des pièces entre les centres, de sorte qu’on les reçoit beaucoup plus tard qu’avant, quand les livreurs étaient des cheminots.

Enfin, la SNCF diminue les effectifs d’exécution et augmente ceux de l’encadrement. En 13 ans, sur le Technicentre Sud-Est européen, ce sont 170 agents d’exécution qui ont été supprimés. En 2015, pour ne citer qu’un exemple, aux Bogies, un service du TSEE, il va y avoir 9 agents d’exécution en moins et 4 cadres en plus. Il est clair que la direction préfère payer des cadres plus cher pour nous faire bosser… et jouer les jaunes en cas de grève.

  • Quel est l’état d’esprit des cheminots des technicentres face à ces attaques ?
  • Un mélange de résignation et de colère sourde. Mais les gars se défendent au coup par coup, avec parfois des succès comme à l’UO-voitures du TMV où ils ont obtenu des embauches il y a deux ans, et des échecs comme à l’OC-TGV. C’est une bagarre permanente : le patron reprend ce qu’il a cédé la veille. Il est clair que la réforme ne va rien arranger, mais le patron ne l’a pas attendue. Les gars ont bien vu que les journées d’action et les grèves limitées ne donnaient rien. Ils sont, dans une certaine mesure, conscients qu’il faudrait un mouvement général mais ils sont tellement pressurés et pris par les problèmes quotidiens…

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