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« Guerre contre le terrorisme » : la spirale infernale

« Guerre contre le terrorisme » : la spirale infernale

Mis en ligne le 28 janvier 2015 Convergences Monde

Le 13 janvier à l’Assemblée nationale, du Front de gauche au Front national, c’est la communion au son de la Marseillaise. Du jamais vu depuis le 11 novembre 1918, d’après les journalistes. Un symbole qui rapproche « l’unité nationale » de la marche du 11 janvier et « l’union sacrée » de la première boucherie mondiale. Manuel Valls, porté par cet élan chauvin, annonce l’intensification de la « guerre contre le terrorisme ». Dans ce cadre, la présence en tête de la « marche républicaine » de tous les chefs d’État de la coalition qui bombarde l’Irak et la Syrie, élargie pour l’occasion, prend tout son sens, même si elle défrise les bonnes âmes qui pensaient assister à une manifestation pour la défense de la liberté d’expression.

Des guerres « contre le terrorisme »... mais pour le pétrole

On se souvient de la façon éhontée dont l’administration Bush avait utilisé les attentats du 11 septembre pour envahir l’Afghanistan. Sous prétexte de régler son compte à Ben Laden, qui était solidement implanté dans les zones frontalières du Pakistan grâce au soutien qu’il avait reçu des États-Unis contre l’Union Soviétique dans les années 1980, c’est tout un pays qui subit bombardements et occupation militaire depuis quatorze ans. Et si le chef d’Al-Qaïda fut finalement exécuté en 2011, les dernières troupes américaines et anglaises viennent seulement de se retirer. Et encore, en laissant sur place 12 500 soldats (essentiellement américains) qui auront la charge de former les troupes du gouvernement afghan. Ces années de guerre laissent un pays exsangue où certains îlots urbains restent péniblement aux mains d’un gouvernement corrompu tandis que de vastes zones montagneuses sont tenues par les talibans.

Mais c’est encore la lutte contre le terrorisme, devenue le « choc des civilisations » dans le langage de l’ère Bush, qui a justifié l’invasion de l’Irak deux ans plus tard. Colin Powell, le chef d’état-major américain de l’époque, brandissait de fausses fioles d’anthrax à l’ONU, échantillon parmi d’autres de preuves façonnées de toutes pièces pour établir des liens formels entre le dictateur Saddam Hussein et Al-Qaïda. Un mensonge éhonté qui ne servait qu’à légitimer la soif de pétrole des faucons et de leurs alliés.

Ironie dramatique de l’histoire, c’est l’occupation américaine qui a donné des ailes à l’organisation terroriste. L’embargo qui a duré pendant toutes les années 1990, les bombardements qui ont détruit toutes les infrastructures restantes, ainsi que la politique de division communautaire sur laquelle se sont appuyées les autorités américaines pour contrôler le pays ont permis en 2004 la naissance d’Al-Qaïda dans les régions sunnites de l’Irak [1].

C’est d’ailleurs cette organisation que l’un des frères Kouachi, auteurs de l’attentat contre Charlie Hebdo, a tenté de rejoindre en 2005 via la « filière irakienne du 19e arrondissement », avant d’être arrêté par la police. La guerre civile a fait rage en Irak jusqu’à ce qu’en 2008 les États-Unis envoient de solides renforts et donnent les moyens de régner à un gouvernement à leurs bottes, dominé par des forces religieuses réactionnaires. Les djihadistes d’Al-Qaïda, momentanément vaincus, se sont alors réfugiés en Syrie.

Plutôt les islamistes que la révolte sociale

Les révolutions arabes de 2011 donnaient une lueur d’espoir dans cette région écrasée par les dictatures, les interventions militaires occidentales et les divisions religieuses et communautaires. Ces soulèvements populaires, avec, en Tunisie et en Égypte, une composante ouvrière importante, ont ignoré les frontières nationales et religieuses. Pour les régimes locaux et leurs alliés des grandes puissances, tous les moyens étaient bons pour briser cette lame de fond.

Les États-Unis ont soutenu la répression des manifestations au Bahreïn par les tanks de la monarchie salafiste saoudienne. La France, les USA et la Grande-Bretagne ont enterré la révolte sociale libyenne sous les bombes, au prétexte de combattre Kadhafi, en s’appuyant sur des bandes armées djihadistes qui aujourd’hui mettent le pays à feu et à sang. Et lorsqu’en Tunisie et en Égypte, les islamistes d’Ennahdha et des Frères musulmans sont arrivés au pouvoir avec leur programme ultra-conservateur, dans le but affiché de mettre fin à la révolution, les chancelleries occidentales se sont empressées de leur apporter tout leur soutien. L’ordre impérialiste vaut bien une messe, fût-elle islamiste.

C’est le peuple syrien qui paye le plus cher cette contre-révolution régionale. Bachar Al-Assad a préféré plonger le pays dans la guerre civile religieuse et communautaire plutôt que de perdre le pouvoir. Et toutes les puissances régionales, notamment la Turquie, le Qatar, les Émirats Arabes Unis, présents à la « marche républicaine » du 11 janvier, en ont profité pour financer leurs milices, toutes plus islamistes les unes que les autres. Parmi ces bandes armées, l’État Islamique (EI), descendant d’Al-Qaïda en Irak, dont se revendiquait l’auteur de la tuerie antisémite de l’Hyper Cacher, Amédy Coulibaly.

L’Union sacrée : c’est reparti comme en 1914...en attendant octobre 1917 ?

À la suite des attentats, François Hollande a présenté ses vœux aux forces armées depuis le porte-avions Charles de Gaulle en partance pour le front irakien. La « grande muette » est bien le seul corps d’État pour lequel il ne s’est pas contenté de mots creux : les réductions d’effectifs prévues – bien modestes – sont annulées et les budgets revus à la hausse. Au programme, le renforcement des bombardements en Irak et un redéploiement en Afrique. Les troupes françaises présentes au Mali et en Centrafrique ont maintenant pour mission d’intervenir dans toute la région autour du Sahel, depuis le sud de la Libye jusqu’au Niger.

Les attentats des 7 et 9 janvier, répliques sur le sol national des guerres sans fin menées en Afrique et au Moyen-Orient, servent donc de prétexte à les intensifier. L’unité nationale derrière les fauteurs de guerre, incluant y compris des organisations syndicales et politiques du mouvement ouvrier, ne peut que renforcer l’idée d’un « choc des civilisations » en identifiant toute la population aux visées impérialistes du gouvernement. Les recruteurs djihadistes n’en demandaient pas tant.

Le 14 janvier 2011, Ben Ali était renversé. Trois ans plus tard, jour pour jour, pas une ligne dans les journaux, pas une seconde à la télé. Désignés comme « musulmans », « modérés » ou « intégristes » c’est selon, les peuples du Maghreb et du Moyen-Orient et leurs enfants qui sont nés ici sont aujourd’hui réduits à leur croyance religieuse supposée. Ce sont pourtant les mêmes qui ont montré au monde entier la voie d’une révolte sociale salutaire, bien qu’inachevée, qui se moquait des appartenances religieuses pour rassembler tous les opprimés. Loin de l’impasse du 11 janvier, c’est de cet esprit du 14 janvier que le mouvement ouvrier ferait bien de s’inspirer.

15 janvier 2015, Raphael PRESTON

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Numéro 97 : janvier-février 2015